Publié le 10 Jul 2020 - 23:20
AFFAIRE DES TERRES DE NDINGLER

Les ‘’vérités’’ de Babacar Ngom

 

Précisant, d’emblée, qu’il s’agit d’une prise de parole pour s’adresser à l’opinion et apporter des éléments de clarification, le PDG du Groupe Sedima a apporté, hier, sa part de vérité dans l’affaire des terres l’opposant aux paysans de Ndingler.

 

La bataille de l’opinion se poursuit, entre l’homme d’affaires Babacar Ngom et les paysans de Ndingler. La question de fond reste toujours sans réponse. Est-ce que les paysans de Ndingler cultivaient les terres litigieuses avant l’arrivée de Sedima ? Dans nos précédentes éditions, lesdits paysans affirmaient, avec force, que ces terres font l’objet d’une exploitation depuis leurs ancêtres.

Pour Babacar Ngom, le doute n’est pas permis : ‘’Nous ne sommes pas sur les terres de Ndingler, mais bien de Djilakh. Notre ferme se trouve à côté de celle du plan Reva et personne ne doute de la situation de cette dernière sur le territoire dudit village. Ces 40 soi-disant victimes, si vous les emmenez là-bas, ils ne vous diront jamais quels étaient leurs champs. Ceux qui étaient sur place ces dernières années ne sont même pas au nombre de 10.’’

Aussi, tient-il à préciser que Sedima ne dispose que de 225 ha et non 300 ha comme le croient beaucoup de Sénégalais. ‘’En fait, nous avions certes une délibération sur 300 ha de la part de la mairie de Sindia. Mais au cours de la procédure pour cession définitive, les 75 ont été soustraits du périmètre pour une réaffectation aux populations de Djilakh, village abritant la ferme. Je dois préciser que ces 75 ha se trouvent du côté de Djilakh et non de Ndingler’’, signale le PDG de Sedima, invitant les paysans à cultiver le reste du vaste espace qui sépare leur village de sa ferme. ‘’C’est une vaste forêt. S’ils veulent vraiment cultiver, ils n’ont qu’à prendre ces terres disponibles’’.

L’autre question qui taraude bien des esprits, c’est pourquoi s’est-il rendu sur les terres de Ndingler en 2015 pour discuter avec les paysans ? Il rétorque : ‘’C’était sur initiative de leur propre maire. Il nous avait suggéré de venir discuter avec les populations, puisque nous sommes des voisins. En quittant, oui, nous leur avons donné 2 millions en leur disant : achetez du sucre avec. Je pense que ce n’est même pas raisonnable de croire que nous leur avons donné cet argent en échange de 75 ha. Cela n’a pas de sens. Je leur avais donné ce montant juste sur le conseil de Khadim Samb. Loin de moi l’idée de les corrompre.’’  

Mais de quelle commune relève véritablement les terres litigieuses ? Est-ce de la commune de Sindia ou de Ndiaganiaw ? Le président du Club des investisseurs sénégalais déclare : ‘’Pour ce qui est de la délimitation entre les deux communes, je ne sais pas. Mais c’est dépassé, puisque l’Etat a immatriculé à son nom ces terres. Et s’ils estiment être lésés, ils n’ont qu’à se rendre devant la justice. Mais ce n’est pas avec des armes qu’ils peuvent venir nous chasser. En tout cas moi, je vais continuer d’y aller, parce que ces terres m’appartiennent. Ce, même si je risque d’y laisser ma vie.’’ Pour étayer son propos, il invoque la position confuse du maire de Ndiaganiaw qui dit ne pas connaitre les limites de son territoire. Pendant ce temps, le maire de Sindia, lui, affirme de manière non équivoque que ces terres relèvent bel et bien de son territoire.

Une question d’honneur

Alors que nombre de Sénégalais se demandent pourquoi autant d’énergie pour disputer des terres à de pauvres paysans, le milliardaire affirme : ‘’Nous ne nous battons pas pour la terre. Nous nous battons pour la vérité. Depuis l’éclatement de ce problème, beaucoup de personnes nous ont proposé des terres dans d’autres localités. Sur ce site, nous avons et la légitimité et la légalité. Si on devait restituer quelque chose, on allait restituer aux populations de Djilakh qui nous ont cédé ces terres.’’

Toutefois, signale-t-il, Sedima reste disposé pour trouver une solution amiable au problème. ‘’Même la guerre mondiale s’est terminée autour d’une table. Et je dois dire que des discussions sont en cours sous la houlette du ministre Abdou Karim Fofana. Mais, à chaque fois, il y a des gens qui viennent saboter les pourparlers’’, a-t-il martelé.

Par ailleurs, revenant sur l’historique de la ferme, de la délibération de la commune de Sindia jusqu’à l’obtention d’un titre foncier, en passant par son immatriculation au nom de l’Etat, il informe : ‘’Suite à cette immatriculation, l’Etat nous louait à 30 millions par année. Plus tard, nous avons demandé une cession définitive qui a abouti en 2019. Que je sache, un titre foncier est bien protégé par la loi et nous y avons déjà investi 1,5 milliard. Nous voulons juste travailler et avec les populations si possible. Même cette année, nous avons employé 300 personnes sur le périmètre que nous avons commencé à exploiter. Si ce projet aboutit, d’ici à 2021, nous voulons investir 2 à 3 milliards. C’est dans l’intérêt de tout le monde.’’

Puis, le PDG de Sedima de montrer la ferme modèle qu’il veut reproduire sur les terres de Sindia. Il déclare : ‘’Cette ferme emploie 1 500 personnes pour 105 millions de masse salariale par mois. Avant la ferme, les femmes de ce village allaient dans les grandes villes pour travailler comme domestiques. Nous voulons faire la même chose.  Au minimum, c’est entre 500 et 1 000 personnes qui pourraient y travailler. Je leur dis : s’ils peuvent calculer combien ils peuvent avoir par an, nous pouvons leur donner ça. Je pense que ceux qui les encouragent dans cette voie ne veulent pas leur bien’’.

Convaincu de faire l’objet d’une cabale, il se demande : ‘’Pourquoi tout le monde s’agite pour les 225 ha octroyés à Sedima, alors que quand il s’agit des étrangers, personne ne dit rien… ?’’

BABACAR NGOM, PDG SEDIMA

‘’Macky Sall et moi’’

Rejetant catégoriquement avoir des ambitions politiques, le président du Club des investisseurs sénégalais nie en bloc et fait des révélations sur ses relations avec le président de la République.

Accusé d’avoir utilisé sa proximité avec le président de la République Macky Sall pour bénéficier d’un titre foncier sur les 225 ha, il botte en touche et fait des révélations. ‘’Ce n’est pas vrai. J’assume être un ami de Macky Sall, même s’il semble un peu fâché contre moi, ces temps-ci. Mais ça c’est une autre histoire. Ce que je peux dire, c’est que je ne lui ai jamais demandé 1 m2. Je ne lui ai jamais parlé de ce terrain’’. Pourquoi le président s’est-il fâché contre lui ? Il répond : ‘’Peut-être, c’est à cause des médisances de personnes malintentionnées. Peut-être, c’est à cause de certaines initiatives que j’ai prises. En créant le Club des investisseurs sénégalais (Cis) certains ont pensé que c’est pour ces supposées ambitions politiques. Surtout quand j’ai pris le Dr Abdourahmane Diouf comme directeur exécutif. D’aucuns ont dit : ça y est, il a pris son directeur de campagne.’’

Au début, soutient-il, cela lui faisait plutôt rire. Mais après, cela a commencé à prendre une autre tournure. ‘’Moi Babacar Ngom, la politique ne m’intéresse pas ; elle ne m’a jamais intéressé ; elle ne m’intéressera jamais. La seule politique qui m’intéresse, c’est la politique économique. J’ai commencé à travailler sous Senghor, puis sous Diouf qui est le premier à me décorer avec le titre de chevalier dans l’ordre national du lion et du mérite. Puis est venu Abdoulaye Wade qui a fait de moi commandeur dans l’ordre national du lion. Enfin, Macky Sall qui m’a décerné le titre de grand officier dans l’ordre national du lion. Je n’ai jamais fait de la politique.’’

Le seul rôle qu’il ait eu à jouer en politique, selon lui, c’est en 2012. Il précise : ‘’Ma fille Anta est entrée en politique et a accompagné le candidat Macky Sall pendant 4 à 5 mois, jusqu’à sa victoire. Je l’ai soutenu en termes de conseils et de moyens. A deux mois de l’élection, elle est venue avec le président chez moi. Ce que je lui ai demandé, c’est de laisser Anta revenir s’occuper de Sedima en cas de victoire. Et il avait donné son accord.’’

Selon lui, la dernière fois qu’il a vu le chef de l’Etat en tête-à-tête remonte à 4 mois environ. Babacar Ngom confie avoir saisi l’occasion pour lui faire part d’un certain nombre d’injustices auxquelles il est confronté. Parmi ces injustices, il y a un terrain de 19 ha acheté depuis 1994 à Deni Biram Ndaw. ‘’J’ai tout fait là-bas. Mes enfants y allaient pour jouer ou passer des week-ends. A l’époque, personne n’en voulait. Un jour, quelqu’un est venu morceler ces terres et les donner à des tiers.’’

Idem pour des terres qu’il avait achetées en 1997 et qui sont confisquées par d’autres personnes qu’il n’a pas nommées. Enfin, M. Ngom de supplier : ‘’De grâce, aidez-moi SVP. Là où se trouve Sedima, c’est moi-même qui l’ai acheté en 1992. C’est un titre foncier. On l’appelait Khelcom avant notre implantation. Personne ne pouvait y aller. Quand on construisait l’autoroute, on est venu me dire qu’ils ont besoin de 2 000 m2. J’ai dit qu’il n’y a pas de problème, même si on ne me donne rien, c’est bon, car c’est un projet d’utilité publique. Au fur et à mesure, on vient détruire la clôture et on prend 8 000 m2 sur mon titre foncier. C’était en 2011. Cela n’existe nulle part au monde.’’

Hormis ce jour, renseigne le milliardaire, ‘’nos discussions ne tournaient qu’autour des intérêts du Sénégal’’.

MOR AMAR

 

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