Publié le 8 Apr 2021 - 21:26
VOTE DU PROJET DE LOI PORTANT REPORT DES ELECTIONS LOCALES

31 janvier 2022, nouvelle date butoir 

 

Entre le mois de février 2022 que proposait la majorité et une organisation en décembre 2021 souhaitée par l’opposition, le gouvernement a coupé la poire en deux, en introduisant un amendement instaurant le 31 janvier 2022 comme la date de tenue, au plus tard, des élections locales.

 

L’Assemblée nationale a adopté, hier, le projet de loi n°05/2021 portant report des élections territoriales et prorogation des mandats des conseillers départementaux et municipaux. Faisant l’objet d’une procédure d’urgence demandée par le président de la République Macky Sall, le projet de loi a été présenté par le ministre de l’intérieur Antoine Félix Diome. Il fixait la tenue des élections au plus tard le 27 février 2022, ‘’tout en laissant à la Commission politique du dialogue national la proposition, par consensus, d’une date précise. A défaut, le gouvernement soumettra une date’’.

Mais un amendement introduit par le ministre de l’Intérieur et adopté à la majorité par l’Assemblée a remplacé, dans l’article premier du projet de loi, la date du 27 février par le 31 janvier, rapprochant la date butoir d’un mois. Une date, fruit d’un compromis entre le gouvernement et des membres de la société civile et quelques membres de l’opposition qui souhaitaient tenir les élections en décembre 2021. Par la même occasion, les mandats des conseillers départementaux et municipaux vont être prorogés jusqu’à l’installation des nouveaux conseils issus des prochains scrutins.

Il s’agit du troisième report des élections locales, après juin et décembre 2019. La loi 2019-16 du 29 novembre 2019 avait décidé du report des élections départementales et municipales pour leur tenue au plus tard le 28 mars 2021. Elle laissait le soin à la Commission politique du dialogue national de proposer une date qui devait être fixée par décret. Mais, explique l’exposé des motifs de la nouvelle loi de prorogation, ‘’la crise sanitaire a entraîné une suspension de plus de six mois des travaux de cette commission, ce qui a retardé les discussions sur l’audit du fichier électoral et l’évaluation du processus électoral considérés comme préalable à la tenue de toute élection’’. 

Six mois d’arrêt des travaux de la Commission politique du dialogue national

En réalité, avait soutenu le ministre de l’Intérieur, dans le rapport de la Commission des lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains réunie mercredi dernier pour l’examen du projet de loi, ce sont les travaux qui se déroulent au sein de la Commission politique du dialogue national qui ont servi de base à l’action du gouvernement pour solliciter ce report.

Selon Antoine Félix Diome, ‘’à la reprise des concertations (après la pause Covid-19), les modalités d’exécution de l’audit du fichier électoral et de l’évaluation du processus électoral ont pu faire objet de consensus. C’est ainsi que l’audit a démarré le 1er février 2021, tandis que l’évaluation démarrera au mois d’avril’’.  

Au sein de cette commission, l’idée d’un report des élections dont la date butoir est dépassée, ne fait pas débat. C’est plutôt la date de tenue du scrutin qui fait débat. Comme l’a rappelé le ministre de l’Intérieur, ‘’la majorité, l’opposition, les non-alignés, la société civile et le CNRA n’ont pas eu de consensus avant la date du 28 mars 2021. Il a été décidé qu’une fois le choix des experts fait, avec les autres points d’accord mis en suspens, en attendant d’être intégrés dans une revue du Code électoral, qu’on revienne vers la représentation nationale demander un nouveau report’’.

Comme avec les opposants de la Commission politique du dialogue national, l’opposition parlementaire a fait son possible pour obtenir une modification du projet de la loi intégrant la tenue des élections en 2021. C’est d’abord Serigne Cheikh Mbacké Bara Dolly qui a soulevé une question préalable. ‘’Revenir ici demander un nouveau report montre votre incapacité. Il suffit de deux ans pour que les actuels élus locaux fassent deux mandats pour une seule élection. Nous pensons qu’il est mieux d’organiser les Locales au plus tard en décembre 2021, pour pouvoir tenir les Législatives en 2022. Ainsi, nous demandons le retour de ce projet de loi en commission pour être revu’’, a sollicité le président du groupe parlementaire Liberté et démocratie.

Moustapha Guirassy soulève un vide juridique sur le mandat des élus locaux

Soumise au vote, après les interventions de la présidente de la Commission des lois, de la rapporteuse de même que du ministre de l’Intérieur, la question a obtenu 12 voix favorables. Toutefois, elle a été rejetée par 75 députés membres de la majorité, avec deux abstentions.

A sa suite, au cours des débats, une motion préjudicielle a été demandée par le député Moustapha Guirassy, estimant que les conditions de la poursuite de la séance n’étaient pas réunies. ‘’La loi n°2019 du 29 novembre 2019 avait prorogé les mandats des élus locaux jusqu’au 28 mars 2021. Nous sommes le 2 avril 2021 (hier, NDLR). Entre ces deux dates, il y a eu une extinction de leurs mandats. Nous sommes dans un vide juridique. Je demande au gouvernement de revoir la copie, de réécrire ce projet de loi et de le ramener à l’Assemblée nationale’’, a demandé le député du groupe Liberté et démocratie.

Mais la présidente de la Commission des lois a demandé la poursuite de la séance, de même que la rapporteuse.

Pour défendre le projet du gouvernement, le ministre de l’Intérieur a souligné qu’il n’y a pas de vide juridique, puisque la même loi évoquée par l’honorable Moustapha Guirassy dispose en son article 2 : ‘’Les conseillers départementaux et municipaux restent en fonction jusqu’à l’installation de nouveaux conseillers élus.’’ Ce qu’a réfuté le parlementaire, estimant que ‘’le deuxième article est une conséquence du premier article de la loi qui dispose que les élections territoriales sont reportées pour être tenues au plus tard le 28 mars 2021. Donc, il ne peut être interprété isolément.

Avec 68 voix favorables à la poursuite des débats, la motion préjudicielle, soutenue par 11 députés, a été rejetée.

Cheikh Abdou Bara Dolly propose la date du 19 décembre

Enfin, le député Cheikh Abdou Mbacké a introduit un amendement proposant une nouvelle date butoir pour l’organisation des élections locales. En effet, le parlementaire a proposé à ses collègues, lors de la plénière sur le projet de loi n°05/2021 portant report des élections territoriales et prorogation du mandat des conseillers départementaux et municipaux, de remplacer, dans l’exposé des motifs, le groupe de mots ‘’au plus tard le 27 février 2022’’ par ‘’au plus tard le 19 décembre 2021’’. Ce qui a été refusé par le président de l’Assemblée nationale. ‘’Un amendement ne peut porter sur l’exposé des motifs d’un projet de loi’’ oppose Moustapha Niasse. 

Dans un second amendement, le député de Bokk Gis Gis propose la réécriture de l’alinéa premier de l’article premier du même projet de loi comme suit : ‘’Les élections territoriales initialement reportées vont être tenues au plus tard le 19 décembre 2021.’’ Il a été rejeté pour 60 voix contre 4 favorables et 3 abstentions. 

Ces oppositions n’ont rien changé. Le projet de loi a été adopté à la majorité. Seydou Diouf en a profité pour demander au ministre de prendre tout le temps nécessaire pour l’organisation des élections locales très complexes : ‘’Ce report est la conséquence des actes à poser. L’exigence est d’organiser des élections libres et transparentes, car il faut s’attendre à une multitude de listes.’’

Au cours de l’examen du projet de loi, mercredi dernier, il a été préconisé, au regard du nombre important de jeunes qui n’ont pas encore la carte nationale d’identité, d’envisager la possibilité pour tous les citoyens ayant l’âge de voter d’être automatiquement enrôlés sur les listes électorales, à l’instar des pays développés. Huit cent mille primo votants doivent être ajoutés aux listes électorales.  

Cheikh Tidiane Ndiaye remplace Issa Sall

L’hémicycle a constaté la déchéance du mandat de député de l’honorable El Hadj Sall dit ‘’Issa’’ du Pur (Parti de l’unité et du rassemblement), candidat à la Présidentielle de 2019. Le président de l’Assemblée nationale l’a fait savoir hier, à l’entame de la plénière sur le projet de loi pour le report des élections locales.

Cheikh Tidiane Ndiaye, candidat non élu sur la même liste, a été désigné pour le remplacer, conformément aux dispositions de l’article L150 du Code électoral.

L’ex-coordinateur de Pur, arrivé 4e à la Présidentielle de 2019, a perdu son siège, après la création de sa propre formation politique, le Parti de la paix, de l’éthique et de l’équité. Il n’avait toutefois pas démissionné. Après sa démission du Pur, son ex-parti avait demandé la déchéance de son mandat de député, conformément au règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Ce que le bureau de l’Assemblée a suivi.

Le nouveau député a été introduit, hier, lors de la plénière du vote du projet de loi n°05/2021 portant report des élections territoriales et prorogation des mandats des conseillers départementaux et municipaux.

Mously Diakhaté met en garde les associations de défense des droits des femmes

Les députés de la majorité gardent une dent contre les associations de défense des droits des femmes. C’est Mously Diakhaté qui a porté la voix de ces femmes mettant en garde contre toute association de femmes ‘’à la recherche de per diem qui se présentera devant nous pour réclamer le droit de défendre des femmes’’. Cette colère, la députée la tient du manque supposé de soutien de ces associations à l’endroit d’Adji Sarr, l’employée d’un salon de beauté qui accuse le député Ousmane Sonko de viols et de menaces de mort.

C’est dans un torrent d’applaudissements qu’elle a tenu ses propos.

A noter que beaucoup de députés de la majorité ont profité de leur temps de parole pour jeter le discrédit sur leur collègue, leader du Pastef/Les patriotes. Certains oubliant même de se prononcer sur l’ordre du jour.

Lamine Diouf