Publié le 27 Mar 2017 - 12:07
ÉDITO PAR MAMOUDOU WANE

Crime et châtiment !

 

‘’Mépriser son adversaire même petit ou frêle est toujours une faute stratégique dans un combat’’, Ahmadou Kourouma ( En attendant le vote des bêtes sauvages).

 

La France, pays qui nous a colonisé, a ceci de bien commun avec le Sénégal qu’elle se nourrit du bruit, comme l’abeille du nectar... Comment ne pas relever, dans le contexte actuel marqué par une forte effervescence politique dans les deux pays, la saisissante ressemblance entre la patrie de Marianne et celle de Senghor ; entre Khalifa Sall, maire de Dakar et François Fillon. Le candidat des Républicains se débat dans les nasses de la ‘’Pénélopegate’’ et autres petites largesses indues, il accuse François Hollande d’être la main cachée qui contrôle le mouvement des filets. Le juge français pousse-t-il le bouchon trop fort en se saisissant de son dossier qu’il est accusé d’être une marionnette au service de l’Elysée ? François Hollande lui-même, est décrit comme un ‘’super-flic’’, doté d’une oreille aux excroissances multiformes, ayant la capacité de tout capter, mais vraiment tout, sur les micmacs de ses adversaires politiques.

Les mêmes facultés sont prêtées au Président Macky Sall qui, à la différence de François Hollande, ne veut point répondre aux accusations de liquidation d’un adversaire politique. Hollande comme Macky Sall n’aiment pas le bruit. Le style ne fait forcément pas l’homme, ils apparaissent tous les deux comme de véritables colombes, incapables de tuer une mouche, alors qu’ils sont loin d’être des enfants de choeur. François Hollande en véritable chef de guerre, a fait ses preuves en engageant une guerre au cœur du Sahara, avec des effets positifs pour l’image de la France en perte de vitesse en Afrique. Il a fait cette guerre comme s’il allait au marché, avec la nonchalance d’un félin traquant silencieusement sa proie.

Comment ne pas relever la ressemblance de méthodes lorsqu’on voit Macky Sall se débarrasser presque sans bruits, avec une précision chirurgicale, d’une épine aussi difficile à tenir que Jammeh Yaya, expédié en aller-simple en Guinée Equatoriale, loin de la Casamance où il a passé des années à attiser le feu avec des trafics de tous genres ? Il est d’ailleurs curieux qu’à l’établissement du bilan après 5 ans au pouvoir, cette ‘’performance’’ qui est quand même importante ne soit pas relevée à sa juste mesure, lorsqu’on sait que ses deux prédécesseurs à la magistrature suprême n’ont jamais réussi à se débarrasser de ce cancer qui rongeait notre pays de l’intérieur, avec la complicité de pays qui n’ont peut-être pas intérêt que le Sénégal soit fort et debout. Mais passons !

La question que nous posons est la suivante ? Les pourfendeurs du Président Sall, nous voulons parler de ces messieurs tout en ‘’ogues’’, très férus d’analyses savantes, prennent-ils suffisamment en compte les caractéristiques fort complexes et cachées de la personnalité propre du ‘’Prince’’ ? Ne jouent-ils pas finalement le jeu du maître, lorsqu’ils le présentent comme un petit politicien sans boussole, ni consistance, somnolant et prêt à leur offrir le pouvoir sur le plateau doré ? Ont-ils pris la peine d’égrener la longue liste des personnalités politiques qui ont goûté le tranchant de son sabre depuis le magistère de Wade ? Entend-t-on réellement la symphonie cachée qui se joue, loin des oreilles non initiées ? Et question old fashion depuis que la politique-spectacle a pris le contrôle des esprits : quel est l’état des rapports de forces réels sur le terrain ? 

Tout comme la poussière peut cacher le roc, le bruit du jeu politique actuel brouille en vérité toutes les bonnes notes. Entendons-nous bien : la géographie du terrain ne saurait se réduire à Dakar ou à certaines capitales régionales hostiles au pouvoir. Le terrain, c’est le pays réel et entier. Non pas le Sénégal tel que voulu ou imaginé par ceux qui se définissent comme des intelligences supérieures en oubliant que la fidélité à la terre, aux forces réelles qui travaillent la société en profondeur, loin des opinions (même éclairées de salon), est le premier révélateur de la lucidité politique.  Or, ce qui se passe dans le pays profond n’intéresse que très peu de politiciens.

Et même la distribution réelle des rôles à l’intérieur des partis politiques semble être le cadet des soucis de certains analystes qui oublient par exemple que le Parti démocratique sénégalais (PDS), bien que membre de la Coalition de l’opposition, n’est plus tout à fait un parti d’opposition. Il y a à l’intérieur de cette formation des forces qui ont transhumé en douceur depuis très longtemps mais sans l’exprimer ouvertement. Ce qui en fait des satellites politiques au profit de la coalition au pouvoir, plus efficaces que les acteurs déclarés, identifiés et donc prévisibles. C’est aussi cela le charme de la politique que tout ce qui se donne à voir ne correspond souvent pas à la réalité.  Doit-on donc occulter cette complexification des  rôles ?

Post scriptum 

Il est tout de même curieux que la fin des délestages, la baisse du coût de l’électricité, l’indéniable succès diplomatique du Sénégal dont la cerise sur le gâteau est le départ de Jammeh du pouvoir gambien n’aient pas été convoqués dans l’actif du bilan de Macky Sall. Feu Moussa Paye, trois ans déjà qu’il nous quittait, aurait assurément parlé de ‘’mémoire défaillante’’...

 

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