Publié le 27 Mar 2020 - 22:18
ÉTAT D’URGENCE ET COUVRE-FEU

Restaurants aux abois

 

Le coronavirus n’a pas que des impacts sanitaires. La maladie perturbe beaucoup d’activités économiques. Ainsi, dans le secteur de la restauration, c’est la disette. Les clients se font rares et les horaires de travail réduits. L’état d’urgence et le couvre-feu ont entraîné un énorme manque à gagner dans ce milieu. Aux Almadies, certains restaurants, d’habitude très fréquentés, fonctionnent actuellement au ralenti.

 

Rond-point des Almadies. 17 h 30. L’ambiance est calme et la circulation assez fluide, en ce soir de mercredi 25 mars. Une foule de personnes attendent, au bord de la route, les bus de transport en commun pour rentrer. Etat d’urgence oblige. Il faut rentrer chez soi avant 20 h. Pendant ce temps, le chic resto Chez Katia, très prisé des adeptes du Dakar by night et du show-biz, se vide de son petit monde. D’habitude très fréquenté à pareille heure, le lieu est aujourd’hui presque vide. Les quelques serveuses trouvées sur place s’apprêtent à quitter le palace pour rentrer.

Quant aux deux gérants, ils s’occupent des derniers détails pour la fermeture. À la place des ambiances folles habituelles qui caractérisaient le lieu, un calme plat et un impressionnant dispositif de prévention de la Covid-19 attirent les attentions. Une bouteille de gel hydro-alcoolisé à la main, debout au seuil de la porte, l’agent de sécurité contrôle les entrées et sorties des rares clients. À chaque arrivée, il vous met du gel sur les mains pour vous désinfecter avant de franchir la porte du resto. Covid-19 oblige. La vigilance est de rigueur. Sur place, les mesures préventives recommandées par l’OMS sont respectées à la règle pour rassurer la clientèle. N’empêche, on peine à recevoir des commandes.

‘’La clientèle a beaucoup diminué. Il y a des gens qui viennent, mais ce n’est plus comme avant. La situation a beaucoup changé, surtout avec le couvre-feu. Avant le coronavirus, on faisait 4 à 5 millions de francs de recettes par jour. Mais maintenant, on ne fait même pas 300 mille francs. Il n’y a presque plus de clients, sauf ceux qui appellent pour la livraison à domicile et on leur livre gratuitement pour leur faire plaisir. Qui connaît chez Kathia, sait que c’est un endroit très fréquenté et apprécié des Dakarois. Mais aujourd’hui, les clients sont devenus très rares’’, se désole Aly Dahane, l’un des gérants du chic resto.

À la Brioche dorée d’à côté, c’est presque le même constat. Le restaurant ainsi que le fast-food du complexe sont fermés. Il n’y a que la pâtisserie qui fonctionne. Un groupe de clients forment une file indienne devant la porte. La plupart sont venus y acheter du pain, car la vente de ce produit est désormais interdite dans les boutiques de quartier. Ainsi, contrairement aux autres structures du genre, à la Brioche dorée, la clientèle est encore assez présente. Cependant, le couvre-feu pèse lourd sur la marche de son économie.

‘’On travaillait jour et nuit, de 7 h à 19 h et l’équipe du soir prenait la relève à 19 h pour assurer la permanence jusqu’à 6 h du matin. Mais maintenant, on ne travaille que la journée, de 9 h à 19 h. Les équipes du soir ne travaillent plus, à cause de l’état d’urgence et du couvre-feu décrétés par le chef de l’Etat. Il y a aussi la fermeture des bars et boîtes de nuit qui a un impact négatif sur notre secteur. En effet, en temps normal, beaucoup de gens venaient aux Almadies pour fréquenter les boîtes de nuit et ils venaient au resto acheter de la nourriture avant d’aller danser. La fermeture des dancings a ainsi des répercussions sur les restos. Il y a forcément des pertes, puisque c’est quelque chose qui n’était pas prévu. Cela se répercute sur les recettes, même si on ne peut pas donner de chiffres pour le moment’’, explique le gérant de la Brioche dorée, Gamou Samb.

Des employés envoyés en congé forcé

Ainsi, parmi les secteurs qui souffrent des conséquences des mesures préventives contre la Covid-19, la restauration figure en bonne place. En effet, ‘’Restez chez-vous’’, ‘’Evitez les rassemblements’’, sont les nouveaux slogans pour stopper la progression de la Covid-19. S’y ajoutent l’état d’urgence et le couvre-feu. Des mesures qui impactent négativement sur certaines activités économiques. Dans le domaine de la restauration, on note une réduction des horaires de travail, avec des heures de fermeture anticipées. Dans les structures visitées hier, les services fonctionnent à moitié. En plus d’arrêter la consommation sur place, comme l’avait ordonné l’arrêté gouvernemental, les restos sont désormais obligés de cesser toute activité à partir de 19 h. Conséquence immédiate : le personnel nocturne est envoyé soit en congé forcé soit en chômage technique.

Au complexe, Chez Katia, la majorité des employés sont priés de rester à la maison pour ‘’se reposer’’. ‘’On a gardé quelques employés et les autres, on les a envoyés en congé pour qu’ils se reposent, parce que plusieurs services ne fonctionnent presque plus. Par exemple, pour les serveuses, on avait 18 personnes, mais maintenant, on appelle chaque jour 2 serveuses pour l’accueil ou la livraison, parce qu’il n’y a plus de service sur place. On vend soit à emporter soit en livraison. C’est pourquoi toutes les autres serveuses et les barmen et même le chef de bar sont envoyés en congé. Heureusement, le patron a compris la situation et a décidé d’envoyer les gens se reposer, tout en payant les salaires’’, indique M. Dahane.

Quant à la Brioche dorée non loin, à en croire le gérant, la structure n’a pas encore réduit son personnel. Cependant, il reconnaît que la situation l’imposera. ‘’Economiquement, il y a un manque à gagner énorme et avec le temps, nous allons voir comment faire pour les équipes de nuit. La clientèle a beaucoup diminué, parce que tous ceux qui venaient la nuit ne viennent plus. En plus, le slogan, aujourd’hui, c’est ‘’Restez chez vous’’.  Ce qui fait que beaucoup de gens ne sortent même plus la journée. C’est pourquoi on est obligé de revoir le management du personnel. On n’a pas encore décidé, puisque la mesure vient de commencer. On a juste fait deux jours de couvre-feu. Pour les jours à venir, nous allons tenir des réunions internes pour voir comment gérer les équipes de nuit. Nous sommes une grande structure avec beaucoup de restos, peut-être que ces employés seront redéployés dans d’autres structures, mais nous allons faire en sorte qu’ils gardent tous leur poste’’, laisse entendre Gamou Samb.

En outre, si certaines structures font tout pour garder leurs employés, en cette période de disette due aux impacts économiques du coronavirus, d’autres ont adopté la méthode dure. Le chômage technique ou les congés forcés non payés. Rencontrée sur la Corniche-ouest, cette employée d’un célèbre restaurant de la place attend le bus pour rentrer. Elle indique que dans son lieu de travail, la situation de certains travailleurs est devenue très difficile, voire incertaine. À l’en croire, plus de la moitié du personnel est envoyé en congé forcé sans salaire. Pire, les 16 personnes formant l’équipe du soir ont été invitées à rester à la maison, sans explication.

Il faut aussi signaler que dans de nombreux autres restaurants visités, les gens n’ont pas souhaité se prononcer sur les difficultés qu’ils rencontrent. Tout juste se contentent-ils de reconnaître que la situation est carabinée. Partout où nous sommes passée, la peur des lendemains incertains se lisait dans les yeux.

ABBA BA

 

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