Publié le 1 Aug 2012 - 14:08
ÉTATS-UNIS – AFRIQUE

Question de rapports non désintéressés

 

 

Des militaires et des civils dans tous les points sensibles du continent, des routes marchandes à protéger au nom d’intérêts économiques et stratégiques bien compris. Les États-Unis se lient de plus en plus à l’Afrique à travers une coopération dense, mais dans laquelle on peut être souvent contraint de chercher ce que y gagnent les Africains.

 

 

Dans un contexte de raréfaction des ressources et de persistance de l’insécurité au niveau mondial, l’Afrique intéresse beaucoup de monde pour sa position stratégique (qui intéresse les militaires), ses richesses et potentialités (qui attirent Etats et multinationales). Grandes et moyennes puissances s’y bousculent pour grappiller quelques points de croissance pour leurs économies précaires aux prises avec un système spéculatif qui en détruit les bases. Dans cette guerre économique et financière sans pitié où tous les coups sont permis, les États-Unis semblent avoir des longueurs d’avance sur leurs alliés-concurrents de l’OTAN que sont la France et, dans une moindre mesure, la Grande Bretagne. La première, après le «Livre blanc» sur la Défense et la Sécurité nationale, s’est astreinte à l’austérité tout en restant une marchande d’armes invétérée. Par la volonté du très atlantiste Nicolas Sarkozy, elle a fait de l’Organisation du traité de l’atlantique nord un horizon indépassable. Ce qui lui a permis de jouer un «rôle» dans la guerre livrée à Kadhafi il y a un peu plus d’un an. Quant à la seconde, elle n’arrive plus à se départir de sa réputation de supplétive de la machine idéologique américaine avec laquelle elle est en phase en toutes situations. Ainsi donc, le seul et unique adversaire politique, commercial et idéologique des États-Unis s’avère être la Chine, puissance émergente assise sur des chéquiers élastiques qui font saliver des pays et des dirigeants qui ont tout à construire chez eux, sans s’oublier eux-mêmes comme c’est la règle partout.

 

Aujourd’hui, le contrôle et la surveillance des routes marchandes ont fini d’être élevés au rang de priorité nationale stratégique par les États-Unis. De fait, c’est une grande partie du continent qui se retrouve sous le parapluie américain. La Corne de l’Afrique, depuis les sanglants attentats de Nairobi et de Dar-es-salam, est sous le joug franco-américain avec des bases militaires qui surplombent un espace allant de l’Ethiopie à l’Érythrée en passant par Djibouti et la «Somalie officielle», tous des pays alliés qui ont fait du respect des principes démocratiques de gouvernance juste des éléments de langage.

 

Dans ce même périmètre de feu qui se nourrit également de la piraterie dans l’Océan indien, le Kenya et l’Ouganda coopèrent beaucoup au plan militaire avec les États-Unis. Avec ce dernier pays, c’est l’armada humanitaire, marketing et politique qui a été mis en œuvre à travers une campagne hybride dénommé «Kony 2012» et mise en scène par l’ONG Invisible Children. Selon des observateurs indépendants, ladite campagne contre Joseph Kony, un illuminé millénariste tristement célèbre, serait en réalité un moyen pour les Américains de poser pied à terre en Ouganda, donc à un pas de ce géant minier et physique qu’est la République démocratique du Congo. La campagne a d’ailleurs été soutenue par des stars mondiales dont Georges Clooney, Angelina Jolie et Lady Gaga…

 

Tout à fait à l’Est, la région est appelée à devenir encore plus un bastion sous influence américaine avec des unités militaires de plus en plus présentes. Ici, partent et/ou transitent d’importantes quantités d’hydrocarbures dont regorgent le Gabon, l’Angola, et la Guinée équatoriale. A Malabo, capitale d’un pays sous la coupe des Obiang-Nguéma, les États-Unis ont débuté la construction il y a moins de deux mois d’un imposant complexe diplomatique de haute sécurité, à l’instar de celle en cours à Dakar. Pour les observateurs, cela témoigne de l’importance considérable que Washington attache désormais à cette région.

 

L’un des grands problèmes des États-Unis, reste la zone sahélo-saharienne. A cet égard, l’évolution dramatique de la situation au Mali et l’irruption de mouvements salafistes dans le trio Gao-Tombouctou-Kidal, n’est pas forcément incompatible avec les intérêts tactiques et stratégiques des Occidentaux. Face aux refus combinés du Mali d’Amadou Toumani Touré et de l’Algérie d’admettre des «forces étrangères» dans cet espace livré à tous les vents, Washington a toujours cherché un compromis qui passerait par une présence discrète qui ne froisserait pas le nationalisme algérien. Sans y arriver totalement. La chute d’ATT et les craintes liées à l’émergence d’un émirat islamo-salafiste ont fondamentalement changé les données du problème. Un boulevard s’est ouvert pour ceux – et pas seulement les Américains - qui ambitionnent d’ajouter l’espace sahélien à leurs trophées de conquête.

 

Lors de son passage à Dakar, le Général Carter Ham, patron d’Africom, a habilement déconseillé toute intervention militaire au Nord-Mali. C’est une position réaliste et sensée a priori, mais ne serait-elle pas un moyen de laisser pourrir la situation actuelle à un niveau tel que l’action militaire s’imposerait d’elle-même ?

 

En attendant, il est peut-être utile de rappeler que l’Afrique détient un peu plus de 10% des réserves mondiales de pétrole et qu’elle fournit aux Usa 15% de leurs besoins énergétiques. Vu sous cet angle, les 3 000 soldats et personnels civils américains annoncés en Afrique à partir de 2013 en vagues successives, information confirmée par le Général Ham en personne, ne seront pas là uniquement pour des séances de vaccination au profit des populations appauvries et désespérées du continent.

 

MOMAR DIENG

 

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