Publié le 6 Feb 2020 - 21:15
ÉTUDIANTS SENEGALAIS BLOQUES A WUHAN

Le cri de désespoir des parents 

 

Le collectif des parents d’étudiants sénégalais bloqués à Wuhan, l’épicentre de l’épidémie de coronavirus, a fait face, hier, à la presse pour lancer un ultime cri de détresse aux autorités pour le rapatriement, dans les meilleurs délais, de leurs enfants.

 

La déclaration du président de la République, le 3 février dernier, soutenant que le Sénégal n’a pas de moyens pour rapatrier ses 13 étudiants coincés dans la ville de Wuhan, a été ressentie comme un coup de massue par les parents desdits étudiants. En conférence de presse hier, leur collectif a lancé un cri du cœur au président Macky Sall à qui il demande de diligenter la situation et de rapatrier, dans les meilleurs délais, ses fils du pays.

‘’Le collectif des parents alerte, désemparé, le cœur meurtri et amer, suite à la déclaration du 3 février des autorités qui a fini de jeter le désarroi, la confusion et l’émoi dans l’esprit de beaucoup de parents qui ont simplement retenu que le Sénégal allait livrer ses fils à une mort annoncée. Nous avons su, stoïques, garder dignité et gérer sans bruit jusque-là, la situation en rapport direct avec nos enfants.  Plus que jamais, nos enfants ont besoin d’entendre de leur président, de leur peuple que la mère patrie les arrachera’’, a déclaré Yora Ba, porte-parole du collectif.  

Ces parents comprennent difficilement l’argument du président Macky Sall intervenu au moment où d’autres pays du continent comme le Maroc, la Tunisie, l’Algérie et la voisine Mauritanie ont pu rapatrier leurs compatriotes. Les premiers avec leurs propres ressources et la Mauritanie en jouant avec le concours et le support logistique d’un pays ami.

En plus, ils considèrent ce prétendu manque de moyens évoqué par l’autorité comme un faux prétexte. Pour preuve, rappelle-t-il, ‘’le Sénégal a su faire face, dans un passé récent, au virus Ebola, avec la création d’une cellule de crise et l’aménagement d’un site de mise en quarantaine. L’Etat a, également, su construire une diplomatie de haut rang qui lui permet de négocier le rapatriement de ses fils’’. ‘’Le collectif des parents clame qu’il n’y a nul doute que le Sénégal a bel et bien les ressources amicales, diplomatiques, humaines, financières et logistiques pour procéder au rapatriement d’urgence de ses enfants’’, insiste le collectif.

A en croire les parents, chaque jour qui passe, la situation à Wuhan empire et devient de plus en plus lourde et difficile à supporter pour eux. En contact permanent avec leurs enfants, le collectif renseigne que les étudiants vivent dans des conditions difficiles à Wuhan. Pour preuve, déclare-t-il, ils font chaque jour deux kilomètres de marche dans des rues désertes pour trouver de quoi se nourrir. Et pour l’instant, leur seul souhait est d’être rapatriés au Sénégal ou dans un autre endroit sûr.

‘’Nos enfants, vaillants et résilients, gardant un moral d’acier, sont clairs quant à leurs vœux et souhaits. Ils veulent, sans équivoque, leur exfiltration immédiate, afin que le Sénégal ne rapatrie la dépouille de ses fils victimes de coronavirus. Ils sont en parfaite état de santé et exigent un minimum : leur droit d’être secourus par leur mère patrie’’, insiste M. Ba, la voix tremblante.

‘’Si le malheur survenait, ils ne veulent point être incinérés’’  

Dans une angoisse incommensurable, les parents qui disent, toutefois, faire confiance aux autorités, n’ont pu cacher leurs émotions, lors de leur face-à-face à la presse. En effet, leur porte-parole, Yora Ba, a eu beaucoup de peine à terminer la lecture de sa déclaration. Evoquant les conditions dans lesquelles se trouvent leurs enfants, M. Ba a fini par craquer devant les caméras. ‘’La Chine incinère ses morts. Si le malheur survenait, nos enfants ne veulent point être incinérés’’, lâche-t-il, les larmes aux yeux. Toutefois, malgré la gravité de la situation, l’espoir reste permis.

En effet, après leur rencontre, ce mardi, avec le secrétaire d’Etat chargé des Sénégalais de l’extérieur, le collectif dit garder encore espoir, quant au prochain rapatriement des étudiants.

Cependant, les parents n’ont pas voulu dévoiler le contenu de leurs échanges avec Moise Sarr, mais se disent confiants. ‘’Nous avons eu une concertation sereine et fructueuse avec le secrétaire d’Etat, avec des appels des différents ministères concernés, à savoir le ministère de la Santé et celui des Affaires étrangères qui, au moment de la rencontre, ont appelé pour nous rassurer. Nous avons foi aux autorités sénégalaises pour prendre toutes les dispositions idoines et conservatoires qui s’imposent pour, ne serait-ce que rassembler tous les étudiants en un lieu sûr, sécurisé et facile d’accès et d’approvisionnement en denrées, en masques et autres équipements sécuritaires. Nous avons entendu certaines choses et attendons le déploiement des actions promises’’, déclare M. Ba qui a tendu, à la même occasion, la main à tout parent et tout pays qui veut mener ‘’ce combat de rapatriement, de sécurisation, de devoir moral d’assistance entre citoyens du continent’’.

 ‘’Ce n’est pas de l’argent dont ils ont besoin’’

Le gouvernement a envoyé une enveloppe de soutien financier à haute 600 mille francs CFA pour chaque ressortissant sénégalais. Aux yeux des parents, ce geste est bien, mais ce dont ils ont besoin, c’est d’un rapatriement. C’est pourquoi, certains parents et proches des étudiants sénégalais à Wuhan sont estomaqués par la manière dont l’Etat est en train de gérer cette crise.

‘’Je trouve que le Sénégal est en régression totale, parce que si la Mauritanie est capable d’aller chercher ses étudiants, tout le peuple sénégalais devait se poser la question : pourquoi le Sénégal ne le peut pas ? Qu’il nous l’explique. Pour moi, c’est une fuite de responsabilités. Je suis arrivé à Dakar et je suis tombé sur cette situation. Ce qui m’a poussé à rester dans ce collectif, c’est le discours du président de la République. Jusqu’à présent, je leur faisais confiance’’, fulmine M. Kane, frère d’un des étudiants.

Il indique qu’il est en contact permanent avec son frère et d’autres de ses amis sur WhatsApp et que parmi les 13 étudiants sénégalais, il y a deux filles. Ainsi, il confirme que son frère a reçu la somme envoyée par le gouvernement, même s’ils ne sont pas satisfaits. ‘’Si on doit venir en aide à quelqu’un, on doit d’abord savoir ce dont il a besoin. Ce n’est pas d’argent dont ils ont besoin, car même s’ils ont des milliards de francs, ils ne vont même pas pouvoir sortir pour les dépenser. Ce qu’ils veulent, c’est survivre, sortir de cette situation de crise. Ce n’est pas parce que vous avez donné 600 mille francs que vous avez résolu le problème. Il ne faut pas qu’on se focalise toujours sur cette somme. Tous les parents d’étudiants qui ont amené leurs enfants en Chine peuvent leur venir en aide financièrement. Ce n’est pas l’argent qui peut résoudre ce problème. Ce que tout le peuple demande, aujourd’hui, au président c’est : si c’était son fils, qu’allait-il faire ?’’, questionne-t-il.  

ABBA BA

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