Publié le 17 Aug 2019 - 13:34
‘’DAKAR VILLE PROPRE’’

Un slogan, mille et une interrogations…

 

Depuis quelque temps, Dakar essaie, peu à peu, de se débarrasser de ses déchets. Et la ville veut éradiquer l’occupation anarchique de l’espace public. Cela s’inscrit dans la vision du chef de l’Etat pour un ‘’Sénégal zéro déchet’’. Cependant, peut-on limiter l’assainissement d’une ville au déguerpissement ?

 

Cantines, épaves de véhicules, engins garés ou en panne, pièces de véhicules, outils et matériel de garage… Bref, tout y est passé. Dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16 août, dès 00 h, les alentours du stade Léopold Sédar Senghor ont subi un ‘’grand ménage’’, sous l’impulsion du ministre de l’Urbanisme Abdou Karim Fofana, devant l’impuissance de ses occupants illégaux.

Ces derniers, pour la plupart, n’en savaient rien, parce qu’absents des lieux, en raison de la Tabaski. Les multiples caterpillars et bulldozers déployés ont tout broyé sur leur passage. En outre, les agents de l’Unité de coordination et de gestion des déchets solides (Ucg) ont procédé à un balayage général du parking.

L’effet de surprise, sans doute souhaité par le ministère de l’Urbanisme, a eu raison de tous ces commerçants et prestataires de services qui ont reçu, à plusieurs reprises, des sommations du préfet de Dakar. Loin de se préparer à quitter les lieux, ces ouvriers ont plutôt choisi de s’organiser en un collectif pour faire barrage au déguerpissement. ‘’Nous sommes des Sénégalais, travailleurs comme tout le monde. Nous gagnons honnêtement notre vie’’, se justifiaient-ils face à la presse, lors de chaque sommation. En omettant l’occupation anarchique de l’espace public dont ils sont les acteurs.

Présent lors de cette descente nocturne encadrée par les forces de l’ordre, Alioune Guèye, propriétaire de cantine, lance : ‘’Si je ne travaille plus maintenant, je vais me mettre à voler, puisque je n’ai plus rien.’’ Le jeune homme est pourtant conscient que cet espace n’est pas un lieu de commerce, surtout qu’il a lui-même reçu plusieurs sommations. Toutefois, la pilule passe mal.

Des responsabilités partagées

Face à cette situation qui n’a que trop duré, les riverains du stade Lss (cité Damel, cité Mixa, Parcelles-Assainies), présents sur les lieux ou commentant sur la toile, sont unanimes : il était temps ! En plus, si l’on sait que ce même endroit servait de dépotoir sauvage à certains qui y déversaient sans aucune gêne les restes et déchets des moutons sacrifiés pour la Tabaski.

Par ailleurs, si l’on peut reprocher aux occupants un entêtement stérile et illégal ou encore le non-respect du Code de l’urbanisme, que dira-t-on de ces autorités municipales qui délivrent des autorisations en bonne et due forme et encaissent les patentes ?

 ‘’Malheureusement, ces commerçants qui occupent de façon illégale et anarchique nos espaces publics sont en possession de documents administratifs émanant d’autorités qui n’en avaient pas le droit’’, a reconnu le préfet de Dakar Alioune Badara Samb, lors de son exposé sur l’encombrement et la gestion des déchets dans la capitale sénégalaise. C’était le jeudi 8 août, à l’occasion du lancement de la campagne nationale pour un Sénégal propre.

Ainsi, les acteurs ont connaissance de cette organisation illégale qui permet aux cantines de pousser comme des champignons. Certes, l’autorité suprême affiche une volonté ferme d’en finir avec les déchets et l’occupation anarchique de l’espace public dans le pays.

Toutefois, la question du désordre administratif dans la gestion de l’espace public n’est pas encore une priorité.

Le président de la République ne rate plus aucune occasion de faire connaitre sa vision : ‘’Un Sénégal propre.’’ La dernière date de son allocution, lundi dernier, lors de la fête de Tabaski. De plus, le dégagement suivi de l’aménagement de l’avenue Blaise Diagne et des alentours de l’université Cheikh Anta Diop constituent une preuve de sa détermination. Sauf que le chef de l’Etat et les ministres en charge sont dans une dynamique d’assainissement sans alternative adéquate et prête à fonctionner.

Pour preuve, la fourrière de Dakar étouffe et ne répond plus aux besoins d’une capitale surpeuplée (4 millions d’habitants pour 555 km2) avec un parc automobile vieux de plus de trente ans. Par ailleurs, en matière de site de recasement, l’Etat peine à mettre sur pied des espaces aménagés à même de recevoir et de circonscrire ces occupants irréguliers. Le dernier essai a été un échec, parce que les commerçants se plaignaient de l’enclavement et de la baisse de leurs revenus. Le site choisi se situait aux alentours de l’aéroport Léopold Sédar Senghor. Si les personnes déguerpies reviennent, c’est sans doute parce que l’alternative proposée ne sied pas et a surtout été pensée par des ‘’bureaucrates’’, sans prendre en compte l’avis des premiers concernés.

L’assainissement d’une ville et de tout un pays passe certes par ‘’un grand ménage’’, des mesures drastiques, par un changement de comportement, mais aussi et surtout par un plan alternatif solide et sérieusement pensé. En est-on là aujourd’hui ?

EMMANUELLA MARAME FAYE