Publié le 20 Nov 2019 - 02:36
14E EDITION DAK’ART

Une Biennale des arts pour et par les Dakarois

 

Une Biennale des arts plastiques se passe souvent dans la capitale sénégalaise sans que le grand public ne s’en rende compte. Le 14e Dak’Art prévu du 28 mai au 28 juin 2020 pourrait ne pas être pareil. Beaucoup d’innovations sont annoncées pour une meilleure implication et appropriation de l’évènement des Dakarois.

 

Hier, est lancée au musée des Civilisations noires la 14e édition de la Biennale de l’art africain contemporain (Dak’Art) prévue du 28 mai au 28 juin 2020. Ce lancement prématuré augure une organisation parfaite de cette manifestation qui est la plus grande des arts plastiques en Afrique. Il le faut bien, parce que cette session est assez particulière. Elle coïncide avec les 30 ans de ce rendez-vous tant attendu. L’équipe curatoriale semble avoir pleine conscience de la mesure de la mission. Le programme dévoilé hier par le directeur artistique enfin connu, Pr. Malick Ndiaye, par ailleurs conservateur du musée d’art africain Théodore Monod, est riche. 

Ces dernières années, il est reproché à cet évènement d’être élitiste, pas très populaire. Pour cette édition anniversaire, le défi semble changer tant soit peu les choses. ‘’L’espace de projection de la Biennale 2020 se veut un espace total pour ses publics, des publics aussi diversifiés que possible’’, a déclaré la secrétaire générale de la Biennale Marième Bâ. Ce qui sera possible grâce au projet ‘’Doxantu’’.

‘’A travers ce projet, on veut remobiliser le public et repousser les limites pour que la Biennale se découvre partout dans l’espace urbain dakarois. Des artistes sélectionnés vont réaliser des œuvres in situ sur la Corniche-ouest afin de mieux contribuer au design urbain et à l’embellissement des sites concernés, tout le long de ce parcours. Ce qui va contribuer à l’aménagement culturel de la zone, de la protection du littorale, mais également à démocratiser l’accès à l’art’’, a expliqué M. Ndiaye.

Il a proposé, toujours dans l’optique d’attirer du monde à cette rencontre, un autre projet baptisé ‘’Synapses’’. ‘’La Biennale a toujours voulu conquérir le cœur des Dakarois, occuper l’espace, être visible partout et connecter les endroits les plus reculés de la capitale, à l’instar des synapses d’un cerveau. Il a été constaté, à chaque édition, que cette ambitieuse vision n’a toujours pas eu l’effet escompté. 

Le projet élaboré entend résoudre cette équation et faire de la ville un tissu de réseaux où tous les acteurs seront forcément pris dans les mailles du filet que la Biennale tissera. Il sera difficile de l’ignorer. Aucun Dakarois ne restera ignorant de l’évènement’’, est convaincu Malick Ndiaye. Il se donne les moyens de sa politique. Il compte mettre à contribution des chauffeurs de taxi et les rollers qui porteront les emblèmes du Dak’Art 2020 à travers ‘’In transit’’. A côté, est développé le ‘’Quantum connexion’’. Il est ici question de l’érection d’une cité mapping, de la création d’espaces de projection de films avec ‘’Ciné-musée’’ et de la mise en place d’écrans géants à travers divers lieux d’expositions qui permettront à des gens étant, par exemple, à Guédiawaye de voir ce qui se passe simultanément au palais de Justice.

Le professeur El Hadj Malick Ndiaye propose également d’inviter des artistes des autres secteurs avec ce qu’il appelle ‘’Pluridisciplinaire’’. Il est composé des projets ‘’Pas juste de la danse’’, ‘’Eutu baat’’ avec des performances et comme invités les artistes des cultures urbaines. Pour le ‘’Marché de l’art’’, il sera installé à la place de l’Indépendance. Les acteurs du marché y sont attendus pour des échanges fructueux.

En plus de la traditionnelle exposition officielle, celle des commissaires invités, il est prévu, pour cette 14e édition, une exposition des collectionneurs. Un bel espace qui permettra à ces derniers de montrer leurs acquisitions et de les valoriser. Cette session devra également permettre aux organisateurs d’expliquer aux potentiels sponsors l’intérêt de soutenir le secteur de la culture. ‘’Le programme Terang’Art permettra de mieux sensibiliser les partenaires officiels, les parlementaires, les décideurs institutionnels et privés, et les différentes parties prenantes sur l’art et la culture. Ce sera à travers des contenus d’animation et d’expositions des réalisations d’artistes et d’artisans nationaux’’, annonce-t-on.

Les innovations, en outre, ne concernent pas que l’organisation officielle. Les ‘’Off’’ sont pris en compte dans la proposition de M. Ndiaye. Il pense qu’il faut ‘’décloisonner le Off’’ en créant un village connecté qui accueillera des journalistes, bloggers et caricaturistes.

THEME DE LA BIENNALE

La réponse d’El Hadj Malick Ndiaye à Babacar Mbaye Diop

En marge du lancement de la 14e édition de la Biennale au musée des Civilisations noires, le directeur artistique, El Hadj Malick Ndiaye, a expliqué : ‘’Il faut comprendre le sens d’un projet artistique. Un projet artistique peut même choisir une onomatopée. Un projet artistique peut choisir n’importe quel titre et expliquer son choix. Ici, nous sommes dans des choix et des partis pris qui ne sont pas là pour être placés dans d’autres contextes. Nous sommes dans un projet artistique. On n’a pas dit en anglais ‘To forge’, mais ‘Out of the fire’’. On n’a pas dit ‘’I ndaffax’’ mais ‘I ndaffa’ pour créer une performance graphique et poétique. J’ai cru comprendre que chez certains Sérères le ’x’ n’est pas prononcé. Ce n’est pas pour autant ce qui m’a guidé ; puisqu’on parle de transformer, j’ai pensé qu’il fallait que cet acte de transformation soit dans le titre qui déroute et invite à a transformation et transmutation des concepts, des propos et des valeurs.’’

Il répondait ainsi au critique d’art et enseignant à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar Babacar Mbaye, qui était l’invité de la Fédération africaine sur l’art  photographique qui avait organisé une conférence à Warustudio, en fin juillet dernier. ‘’’Ĩ ndaffa’’ serait tiré du sérère et signifierait ‘’forger’’. Seulement, relevait Babacar Mbaye Diop, ‘’I ndaffa’’ n’existe pas dans le sérère référentiel (celui du sinig-mbey (Sine-Saloum) codifié, car il existe aussi d'autres dialectes sérères tels que le sérère noon, le sérère safen et le sérère ndut). 

D'après le docteur Mame Birame Ndiaye (sociologue), le docteur Papa Massène Sène (linguiste) et sous l’éclairage du linguiste, professeur Souleymane Faye, ‘’Ĩ ndaffa’’ n’est pas sérère. Ils sont catégoriques. ‘’Il y a deux manières de dire forgeron en sérère : ‘O paal’ et  ‘O tafax’. On dit ‘O paal wurus’ ou ‘xaliss’ pour désigner le bijoutier orfèvre, en le distinguant de ‘O tafax’ qui travaille le fer. C’est ce deuxième terme qui nous intéresse ici. Le substantif ‘tafax’ vient du verbe ‘daffax’ qui signifie forger. Le ‘Ĩ’ de ‘Ĩ ndaffa’, qui est la marque du pluriel, nous indique qu’il s’agit bien du sérère sinig-mbey, qui est le sérère référentiel’’, déclarait-il pour étayer ses propos.

Eu égard à cela, M. Diop suggérait : ‘’Si le thème de la biennale est ‘Forger’, il faut juste dire ‘Daffax’. Si l’idée est d’inviter à ‘forger’ à la première personne du pluriel (nous) ‘Ĩ Ndaffax’ pourrait convenir pour signifier ‘forgeons’ ou bien ‘nous forgeons’. L’absence du phonème ‘x’ est donc une déformation qui fait de ‘Ĩ Ndaffa’ un néologisme dénué de sens en sérère sinig-mbey.’’

BIGUE BOB

 

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