Publié le 17 Jan 2012 - 15:28
23 LIONS CAN 2012

Souleymane Camara : mystère Grand Jules !

Souleymane Camara

 

A 29 ans depuis le 22 décembre dernier, le temps est peut-être en train de s’accélérer, en bien, pour ce Guinéen d’origine qui a choisi le Sénégal comme patrie. Son physique trapu et sa vivacité sur le terrain pourraient l’y aider si les blessures – cauchemar de tout sportif de haut niveau - ne s’en mêlent pas.

 

Car, entre l’Asc Santhiaba de Médina, l’Ecole de football Ousseynou Diop du même quartier, Aldo Gentina de Dakar et le Centre de formation de l’As Monaco, Petit-Jules aurait pu se prévaloir d’une plus grande carrière de footballeur professionnel. ‘’C’est dommage au regard de son talent, et surtout de son sérieux, explique Mbaye-Jacques Diop, journaliste et chroniqueur sportif. Mais dans le milieu pro, il existe des paramètres qui formatent très tôt la carrière d’un joueur.’’ En fait, il était trop bien parti !

 

 

‘’L’année où il quitte Aldo Gentina pour Monaco, Souleymane marque 47 buts dans la saison en catégorie cadette’’, rappelle Alioune Diop, un de ses formateurs à l’Ecole Ousseynou Diop de la Médina, avec un autre technicien, Dame Diop. ‘’Il nous arrivait très souvent de le déclasser à l’étage supérieur car son talent et sa maturité étaient déjà immenses’’, ajoute le technicien spécialiste des petites catégories.

 

 

Petit-Jules a 13 ans quand Sarr Bandam, ex-figure internationale du football sénégalais, le repère et l’enrôle pour le centre Aldo Gentina. Deux ex-Lions sont avec lui : Pape Waïgo Ndiaye et Tony Sylva, et un binational : Mouhamadou Dabo (As Saint-Etienne). ‘’Ses premiers papiers administratifs, c’est nous qui les lui avons faits’’, se souvient Alioune Diop.

 

De cet homme de confiance éternellement dévoué à l’épanouissement des enfants de la Médina, Souleymane Camara, coactionnaire du Complexe Dakar-Sacré-Cœur avec Omar Daf, a fait son représentant dans le staff managérial de ce business qui détecte, forme et place de jeunes talents dans les clubs européens.

 

 

De Monaco à Montpellier

 

A défaut d’une grande carrière, Petit-Jules peut déjà revendiquer une ‘’longue carrière’’, Mbaye-Jacques Diop dixit. C’est à seize ans qu’il débarque au centre de formation de l’AS Monaco. Trois ans plus tard, un premier contrat professionnel valorise son talent, ainsi que les promesses qu’il porte. ‘’Il a un très gros potentiel malgré sa petite taille. Il a un bon timing et dispose de toutes les qualités nécessaires pour devenir un grand attaquant’’, souligne Henri Biancheri, alors directeur technique du team de la Principauté.

 

Mais la mayonnaise ne prenant pas, il s’exile à Guingamp pour six mois de piges. Le bizutage dans le rugueux univers de la Bretagne, loin du confort prestigieux de Monaco, le fait revenir dans les grâces de Didier Deschamps. Pour deux saisons. Manque de pot : son temps de jeu est bouffé par les stars du Rocher, Shabani Nonda, Chevanton, Saviola, et à un degré moindre, Emmanuel Adebayor. Jules dépose ses baluchons chez l’ennemi niçois tout proche, où il passe deux années de suite.

 

A Montpellier depuis cinq saisons maintenant et jusqu’en 2013, il s’épanouit. D’autant plus que le rondouillet et fantasque Louis Nicollin, éternel président-propriétaire du club, l’adoube. ‘’Souleymane Camara, des mecs comme ça, c’est le régal de l’entraîneur. Si en plus, il marquait (…), il ne serait plus chez nous.’’

 

 

Attaches parentales

 

Souleymane Camara n’a jamais été dans ce moule impitoyable qui dénature au profit de l’efficacité totale. Grâce – ou la faute – à son vécu médinois. ‘’Sa timidité me semble avoir été un gros handicap pour lui, mais cela est sans doute lié à l’influence de l’éducation religieuse sur son comportement général’’, ajoute Mbaye-Jacques Diop. La religion. La patte éducatrice d’une maman stricte et besogneuse au marché de Tilène – l’un des plus grands de la capitale sénégalaise - est passée par là.

 

Le jeune garçon de la Médina épouse très tôt les pratiques religieuses. ‘’Quand ses petits-amis étaient à l’école, lui était plutôt occupé à apprendre l’arabe’’, explique Alioune Diop, son entraîneur en petite catégorie. Pour autant, il n’échappait pas à la turbulence qui colle aux enfants du quartier. ‘’Pour venir aux entraînements, raconte son mentor, Souleymane se cachait de ses parents, en particulier de son père qui ne voulait pas qu’il perdît son temps sur les terrains de football. Mais comme le garçon persistait dans cette voie, et que nous aussi, nous jouions notre partition, il a fini par lâcher prise.’’

 

 

Toutefois, ça n’a jamais été facile de composer avec cette méfiance parentale. ‘’Les jours de compétition, on avait besoin de lui car il était quasi indispensable à l’équipe, mais il préférait aider sa maman à faire fonctionner le restaurant familial, révèle Alioune Diop. De fait, il nous rejoignait toujours en cours de match et en cinq minutes, il parvenait toujours à décanter la situation pour l’équipe.’’

 

 

La discrétion, l’effacement et la religiosité qui le caractérisent ne sont pas une surprise pour Alioune Diop. Mais ‘’en grandissant, il a vraiment changé. En bien.’’ dit-il. ‘’En vérité, renseigne un de ses proches, Souleymane ne veut pas ressembler à ces footballeurs hyper-médiatiques qui font les choux gras d’une certaine presse.’’

 

Dieu, le Prophète, le Paradis, l’Enfer, la Prière, l’Aumône, cela sonne tellement mieux chez lui que la vitesse d’un bolide à 50 000 euros lâché sur les autoroutes françaises, que l’addiction aux boîtes de nuit et succédanés, ou que les folies matérielles dispendieuses de stars rattrapées par une aisance financière hors normes. ‘’Souleymane se cache presque, mais dans le bon sens. En quelque sorte, il est mystérieux pour la bonne cause.’’

 

 

Religieux ou pas, en 2001, stagiaire en voie d’être incorporé à l’effectif professionnel de Monaco, il choisit pourtant d’abréger le jeûne du Ramadan, difficilement compatible avec la haute compétition. L’entorse à l’orthodoxie paraît évidente, mais un de ses amis corrige. ‘’S’il a pris cette décision il y a dix ans, je pense qu’il a dû s’appuyer sur l’avis d’un savant musulman.’’

 

 

Syndrome Niang

 

C’est donc naturellement que Souleymane Camara passe pour l’imam dans la Tanière des Lions du Sénégal. Un imam plutôt intermittent tant son rapport à l’équipe nationale a été chaloupé sur la décennie passée. La forte personnalité des leaders de l’équipe d’alors – El Hadj Diouf et Henri Camara notamment – et les rivalités claniques écrasaient trop brutalement la sagesse et la timidité des grands discrets dont il est et reste, aujourd’hui encore.

 

Selon ses proches, les querelles d’ego paraissent des détails face à la surdétermination des aspects sportifs et moraux qu’il met en bandoulière. Naïveté ? Sans doute. Mais pour Petit-Jules, c’est plus simple que cela : c’est un choix contre un autre, suggère un sportif qui l’a côtoyé. ‘’Et il ne s’en porte pas plus mal.’’

 

 

En décembre 2011, entre deux contextes que tout oppose, il peut répéter mot pour mot ce qu’il disait en janvier 2002. ‘’J’ai appris beaucoup de choses au contact du groupe pro (Monaco, NDLR), et je compte bien m’en servir pour m’imposer au sein de la sélection sénégalaise, même si je suis déjà très heureux d’être dans la liste des vingt-deux joueurs appelés à disputer la Can’’, confiait-il à France Football.

 

Ce discours porte ses non-dits, mais entre lui et la Tanière, c’est une vieille histoire de promesses non tenues dont il s’agit.

 

Aujourd’hui, grâce à ses performances à Montpellier, et à la proximité morale qui le lie au sélectionneur national, Petit-Jules semble pouvoir marquer son territoire dans la Tanière. En toute discrétion, cela va de soi. ‘’Il tient dans le groupe le rôle que jouait Amara Traoré dans la génération de 2002’’, souligne Mbaye-Jacques Diop.

 

Une bonne carrière avec le crû actuel rattraperait les frustrations accumulées. Pour cela, le défi d’un sacre continental à Libreville serait, pour Souleymane Camara, une grande revanche sur l’histoire. En toute discrétion, cela va encore de soi.

 

La première sélection

C’est âgé à peine de 18 ans que Souleymane Camara découvre la tanière. Le jeune joueur de Monaco, qui a signé son premier contrat professionnel il y a juste quelques mois, est appelé par Bruno Metsu en sélection pour la première fois en décembre 2000. C’était lors d’un regroupement sans match au programme à Dakar. L’attaquant, produit du centre Alod Gentina, sera sur la liste des convoqués lors des premiers matches de Metsu (Ouganda, Mali, Maroc) sans jamais avoir l’occasion d’effectuer sa première cape.

 

Ce n’est que lors du match retour Sénégal-Ouganda à Dakar, comptant pour les éliminatoires de la CAN 2002, que Souleymane Camara honore sa première sélection. Le 24 mars 2001, dans une rencontre dominée par les Lions (3-0, doublé de Diouf et but d’Henri Camara), le jeune Camara entre en jeu dans les dernières minutes de la partie. Sa précocité lui vaut alors le surnom de ‘’P’tit Jules’’. Plus de 11 ans après ses premiers pas dans la tanière, le jeune Lion a bien grandi.

 

REPÈRES

Souleymane Camara

Né le 22 décembre 1982

à Dakar (Sénégal)

Taille : 1m74

Poids : 72 kg

Poste : attaquant

Clubs successifs :

Monaco (2001-juin 2004)

Guingamp (jan-juin 2004)

Monaco (2004-2005)

Nice (2005-2007)

Montpellier (depuis 2007, Ligue 2 puis accession en Ligue 1 en 2009)

Palmarès

Vainqueur de la coupe de la Ligue (2003)

Vice-champion de France (2003)

 

 

Momar DIENG

 

 

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