Publié le 11 Mar 2020 - 06:55
3 QUESTIONS A… SOULEYMANE NDAO (ECONOMISTE)

‘’Le financement de la Chine peut baisser’’

 

Quels peuvent être les impacts du coronavirus sur l’économie des pays d’Afrique en général et du Sénégal en particulier ?

Il est clair qu’aujourd’hui, dans le contexte de la globalisation des économies où nous sommes, ce qui se passe à l’autre bout du monde, notamment en Chine, nous le ressentirons forcément. Les pays qui ont une forme de dépendance vis-à-vis de l’économie mondiale seront forcément impliqués.

En prenant le cas de l’Afrique, sur le plan de l’exportation de nos matières premières, l’on constate que la plupart de nos produits ne sont pas transformés et, par conséquent, exportés à l’état brut de ce pays-là, qui est l’atelier du monde. Et le fait que la production va baisser en Chine va engendrer une chute de nos exportations de matières premières. Sur le plan économique, on aura cela comme premier impact.

En second lieu, le fait que pour l’essentiel la Chine approvisionne en termes de biens manufacturés nos produits, va entrainer une baisse considérable de la production chinoise. Celle-ci va effectivement engendrer une cherté des prix. Car ce sont des produits que nous importons presque exclusivement de la Chine.

La troisième chose, c’est par rapport au fait que la Chine constitue un partenaire privilégié de nos gouvernements. Elle finance un certain nombre de projets d’infrastructures, etc. Et à partir de ce moment-là, ce qui s’y passe va avoir des répercussions par effet boule de neige sur son PIB, sa croissance et sur son niveau de développement. Cela peut entrainer une réduction de sa contribution ou de son financement vis-à-vis de nos pays.

Devrait-on craindre qu’il y ait des incidences sur nos rapports avec la Chine ?

Du fait de sa position de première puissance économique en Afrique, il suffit que la Chine tousse pour qu’on puisse attraper le rhume, sur le plan économique. Maintenant - on ne le souhaite pas - si toutefois le virus continue de se propager, cela va atteindre d’autres partenaires économiques de premier plan. Il ne faudrait pas ressentir la même situation que celle de la Chine. Alors ça, c’est par exemple des partenaires européens comme la France et l’Italie, qui sont de plus en plus touchés par le Covid-19. On sait aussi que les pays africains comme le Sénégal, ont des partenaires européens. Sur le plan commercial, les répercussions seront du même ordre. Il faut s’attendre à une baisse du taux de réservation dans nos hôtels. Mais aussi nos compagnies aériennes vont payer le prix. La plupart des touristes risquent de ne pas venir chez nous. En termes d’entrée de devises, on peut connaitre de telles conséquences.

Par rapport à l’attractivité, il faudrait donc qu’on arrive à contenir le virus, de manière à ce que les implications sur le plan économique ne puissent pas se faire sentir surtout par rapport au secteur touristique et aux investissements directs étrangers. Il faut donc qu’on parvienne à garder notre attractivité. Pour cela, il va falloir qu’on en arrive à contenir véritablement la propagation de ce virus.

Il y a des économistes qui comparent la crise causée par le Covid-19 au krach financier de 2008. Est-ce que cette comparaison est fondée, d’après vous ?

Cela serait trop de dire ou de faire une telle comparaison. Ce qu’on constate, c’est que toutes les grandes bourses ont connu des baisses, notamment la bourse parisienne, le Cac 40 qui a connu une chute de plus de 8 %. Toutes les grandes bourses ont connu cette baisse vertigineuse de leurs indices. Cela traduit tout simplement la dimension importante d’une certaine inquiétude généralisée. Et beaucoup pensent que certaines entreprises vont devoir penser à délocaliser leurs activités dans d’autres pays qui permettraient à ces entreprises européennes et américaines qui étaient présentes en Asie de redéployer leurs activités.

Aujourd’hui, la plupart des entreprises présentes en Chine connaissent des difficultés telles que les répercussions sur le marché financier sont visibles. Il suffit simplement qu’elles connaissent un ralentissement de leurs productions pour que l’activité économique fonctionne au ralenti. Or, la bourse, les activités financières fonctionnent suivant le climat des affaires, le niveau d’incertitude, etc. Ce sont des paramètres que les acteurs de la finance prennent en compte. Mais de là à comparer cela à une crise financière est un peu exagéré. En tout cas, les effets collatéraux seront extrêmement importants. Les entreprises installées en Asie vont subir de manière assez drastique les effets de ce Covid-19, à la fois sur le plan boursier et sur l’économie de ces pays. Elles vont avoir tendance à se déployer vers d’autres pays qui seraient impactés.

Mais, sur le plan économique, il peut y avoir un rattrapage, en essayant de trouver des dispositifs d’allégement vis-à-vis des entreprises, en les boostant. En leur faisant un certain nombre d’allégements fiscaux, etc. Ceci, de nature à les rendre plus compétitives et à garder le même niveau de production et de se rattraper par rapport aux besoins de l’économie mondiale en matière de production de biens manufacturiers. Cela aurait aussi un effet positif sur les économies africaines qui sont chroniquement dépendantes des exportations de matières premières vis-à-vis de la Chine.

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