Publié le 6 Jan 2020 - 14:47
AN 6 DE PASTEF

Ousmane Sonko et Cie sur les sentiers de 2024

 

Le parti Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef) a fêté son sixième anniversaire, ce samedi. Après ses résultats satisfaisants à la Présidentielle 2019, l’heure est à un Congrès pour 2020, un document d’orientation stratégique et un appel à contributions de 10 milliards F CFA... pour 2024.

 

Pastef n’a pas fait les choses à moitié, pour son sixième anniversaire. Et Ousmane Sonko ne s’y trompe pas, quand il qualifie la rencontre. ‘‘En fait d'un anniversaire, c’est plutôt une rentrée politique’’, déclare-t-il, en commençant son allocution devant une assistance que le vent fort de samedi soir n’a pas tiédi. Le leader du Pastef en a profité pour donner de petites exclusivités sur la naissance de cette formation. Comme le fait qu’il ne faisait pas partie des six personnes de la réunion inaugurale qui consacra la création de Pastef. Ou qu’au lancement, le 4 janvier 2014, à l’amphi de l’université, ils ont dû réquisitionner leurs propres étudiants pour une mobilisation plutôt maigre : 84 personnes. Six hivers, des Législatives et une Présidentielle plus tard, la formation politique est passée de petit poucet à gros bras dans un paysage politique sénégalais où il n’était pas donné de se faire une place.

A peine moins d’une année après le dernier scrutin présidentiel, le jeune parti se projette déjà à l’horizon 2024. Pour un franc succès, l’administrateur de Pastef, Birame Soulèye Diop, esquisse des ambitions plus grandes pour des finances plus solides. Il a annoncé le projet ‘‘Bokknaa 2.0’’ (Ndlr : J’adhère 2.0), un financement participatif pour la prochaine Présidentielle 2024. ‘‘Les membres sont invités à mobiliser 10 milliards de F CFA pour le programme politique de Pastef en direction de cette échéance. On doit pouvoir aller au pouvoir tranquillement et nous allons montrer à la face de l’Afrique qu’il y a un pays appelé Sénégal où il est possible d’avoir ces changements’’, a-t-il harangué. Un appel au financement participatif qui a déjà été mis en pratique par ce parti et qui, selon son président, devrait être une thématique discutée et appliquée à l’ensemble de la classe politique.

‘‘L’argent ne doit plus être un tabou, en politique. Tous ces montants qu’on collecte n’entrent pas dans les poches de Sonko, mais dans les comptes de Pastef’’, a avancé Ousmane Sonko qui estime que c’est cette ‘‘preuve d’ingéniosité’’ qui a aidé à ‘‘conquérir le cœur des Sénégalais’’.

Ambitions d’un rouleau compresseur

Ousmane Sonko n’aura pas la chance d’exercer le pouvoir trois ans après sa radiation de la Fonction publique (2016) à l’image d’un Macky Sall qui, trois ans après sa disgrâce au Pds et la formation de l’Apr, a accédé à la magistrature suprême. Qu’à cela ne tienne, la nouvelle matrice politique qu’il dirige a déjoué tous les pronostics et suscite intérêts, craintes et passions. Après les quolibets qui ont suivi le premier test politique avec la coalition Ndawi Askan Wi aux Législatives de 2017 (un député élu au plus fort reste), Pastef a vite réveillé des inquiétudes les plus sérieuses de la part de ses adversaires, moins de deux ans plus tard. D’abord, ce sont des parrainages réussis les doigts dans le nez, puis une présence révélatrice à la Présidentielle du 24 février 2019 qui le consacrent comme la nouvelle force politique du Sénégal. La coalition Sonko Président arrive troisième au classement général (15,67 %) et remporte, dans le détail, la région de Ziguinchor, arrive deuxième dans huit régions et 21 départements. ‘‘S’il est attaqué, il tient le haut du pavé ; s’il attaque, il tient le haut du pavé’’, commentait le politologue Babacar Justin Ndiaye au milieu d’une adversité féroce qui a suivi l’évolution du leader de Pastef.

Pour cette année 2020, l’organisation d’un Congrès, une urgence selon Sonko, devrait être l’un des points d’orgue des activités politiques dont la tâche est dévolue aux membres. Les sections communales dans les 552 localités sont invitées à accélérer ‘‘le placement des cartes pour que leurs représentants puissent procéder au renouvellement du bureau’’, réclame Ousmane Sonko. Un document d’orientation stratégique est également en cours de rédaction, inspiré en grande partie du dernier programme du candidat. Dans un contexte d’alliances des forces politiques, l’un des intervenants a également suggéré que la coalition de partis qui ont formé la coalition Sonko Président ne se disloque et, mieux, s’amalgame à Pastef pour former un seul parti.

A une année des élections municipales et locales, et deux des prochaines Législatives, Pastef tient à poursuivre et compléter son maillage sur le territoire. ‘‘Nous allons construire une véritable structure politique, un appareil électoral qui sera un rouleau compresseur’’, a avancé Ousmane Sonko qui a demandé à ses partisans de ratisser large, au point qu’en 2024, Pastef n’aura pas besoin de faire campagne.

 ‘‘Que personne ne vous mêle à ce débat sur le 3e mandat’’

Quoiqu’on soit à quatre ans du prochain scrutin présidentiel, la polémique enfle sur une éventuelle troisième participation de l’actuel président de la République Macky Sall, qui en est à son deuxième mandat. Ousmane Sonko a tenu à relever qu’il y a déjà un amalgame d’ordre sémantique, quand on parle d’un ‘‘troisième mandat’’ au lieu d’une ‘‘troisième candidature’’. Le leader du Pastef est d’avis que ce problème interpelle la responsabilité collective de l’électorat sénégalais et quoi qu’il arrive, la finalité sera pareille. ‘‘Que personne ne vous mêle à ce débat sur le 3e mandat candidature. La Présidentielle de 2024 appartient aux Sénégalais. S’ils le laissent se présenter, c’est eux que cela concerne. Mais qu’il soit candidat ou pas, en 2024, ils vont dégager’’, a-t-il affirmé.

Par ailleurs, dénonçant certaines tracasseries et s’auto-qualifiant comme ‘‘l’homme politique le plus diabolisé du Sénégal’’, Ousmane Sonko est dans la conviction qu’on lui prépare ‘‘l’emprisonnement ou inéligibilité (...) pour 2024’’. Mais le leader du Pastef est sûr, le cas échéant, de l’assistance d’une partie de la population. ‘‘Cela ne nous effraie pas. Je ne suis pas un acteur politique qu’on peut sacrifier. Ce qui nous encourage est que je vous verrai où que j'aille. Du Fouta à la Casamance, de Dakar à Tambacounda, les millions de Sénégalais ne laisseront pas faire un homme qui veut imposer la force. On est prêt à y laisser nos vies. Ils ont reculé, mais ils vont revenir’’, a-t-il lancé.

Femmes, jeunes, social, panafricanisme

S’il a beaucoup été question de politique, il a aussi été question de ‘‘participer à tous les combats sociaux’’. Ousmane Sonko a invité les militants de Pastef à répondre à tous les appels à manifester des plateformes contre la hausse de l’électricité (Nio Lank) ou pour la transparence des ressources extractives (Aar Li Niou Bokk), saluant le sens de l’engagement de son directeur de campagne pour les Législatives de 2017. ‘‘Guy Marius Sagna a compris que l’action politique et l'action sociale sont indissociables’’. A l’instar de Babacar Ndiaye de la Jps, Sonko estime qu’il est temps qu’une génération s’empare des questions de gouvernance et d’éthique politiques et se l’approprient, avançant que ‘‘la force motrice du changement se trouve dans la jeunesse’’.

Quant aux femmes, il a salué leur probité. ‘’Est-ce que tout le gouvernement ne serait composé que de femmes, si je gagnais ? Vous êtes plus fiables dans la tenue des finances. Les rapports des corps de contrôle sont nombreux, mais on n’y entend presque pas de femmes’’. Revenu récemment d’un voyage au Niger où il a participé à la convention nationale d’investiture de l’opposant Ibrahima Yacoubou, Ousmane Sonko s’active à cultiver son image dans la sous-région et annonce la création d’une Internationale progressiste avec les tenants de l’idéologie panafricaine des pays anglophones et francophones de la sous-région. 

OUSMANE LAYE DIOP

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