Publié le 9 Aug 2018 - 02:30
ABDOU AZIZ DIOP (COORDONNATEUR DE LA COALITION ‘’PUBLIEZ CE QUE VOUS PAYEZ’’)

‘’L'assiette foncière communale est presque épuisée…’’

 

La spéculation foncière, qui prend des proportions inquiétantes à Thiès, ne laisse pas indifférent le coordonnateur de l’antenne régionale de la coalition ‘’Publiez ce que vous payez’’ et membre du Forum civil. Abdou Aziz Diop diagnostique le bradage des terres et propose que tous les coupables soient sanctionnés, ‘’sans impunité aucune’’.

 

D’Est en Ouest, du Nord au Sud, certains affirment qu’il n’existe quasiment plus, à Thiès, de réserve foncière. Comment analysez-vous cette situation ?

‘’Il est vrai que l'assiette foncière communale est presque épuisée, avec une démographie galopante et une demande qui dépasse l'offre. Les lotissements antérieurs n'ont pas tous respecté les critères et principes généraux de bonne gouvernance applicables à la gouvernance foncière, à savoir : participation, équité, efficience, transparence et redevabilité.

Des citoyens se plaignent également de l’implication des autorités déconcentrées et locales dans la gestion du foncier. Une situation qu’ils trouvent anormale. Est-ce qu’il y a un moyen de les y associer ?

La composition des commissions d'attribution des parcelles ne garantit pas la transparence. Le ou les maires président les commissions. En plus, il y a les services techniques déconcentrés (Urbanisme, Cadastre, Impôts et domaines...), les services techniques communaux et le président de la commission domaniale. L'autorité administrative, en dernier ressort, approuve les délibérations de la commission. Enfin, c’est le receveur des Impôts et domaines, par ailleurs le chef du service des centres fiscaux, qui doit délivrer les actes d'attribution aux bénéficiaires retenus par la commission et non les maires. Dans la réalité, ce sont les maires qui délivrent les actes sous forme de clientélisme ou même les vendent via des courtiers professionnels, alors que les terrains ne doivent être ni vendus ni aliénés et doivent être mis en valeur avec des délais précis, sinon, ils doivent être réaffectés.

L'autre élément du bradage foncier, ce sont les terrains prévus pour des espaces publics ou des infrastructures sociales de base spoliés. En plus du clientélisme, il y a le système des quotas irréguliers pour certains hommes et femmes d'influence. Les commissions domaniales aussi des communes sont souvent dirigées par des acolytes ou complices des maires. En plus, ce sont les services de l'État qui valident et approuvent certains actes, en violation de la législation foncière. La conséquence est que les citoyens lambda n'ont pas accès à ces projets de lotissement et n'ont même pas accès à l'information. Les litiges et contentieux fonciers envahissent les services judiciaires.

Pour l’accès à la terre pour tous, quel rôle joue la société civile thiessoise ?

En mai 2014, veille des élections locales (Ndlr : juin 2014), le Forum civil/Section de Thiès a été saisi sur des projets de lotissements irréguliers en vue de se partager le reste de l’assiette foncière communale. Nous avions organisé un jury populaire sur le foncier avec toutes les parties prenantes (autorités locales, services de l'État, délégués de quartier, populations et presse.) Nous avions exigé l’arrêt de tous les projets de lotissement et depuis lors, et même bien avant, Thiès n'a pas connu de lotissements réguliers. Cependant, les poches, qui sont nombreuses à Thiès, continuent à être bradées par certains individus véreux. Comme action aussi, le Forum civil a fait beaucoup de sensibilisation et de médiation dans le domaine foncier, secteur très corruptogène. Pour les impactés de Ila-Touba, nous avons facilité la médiation pour une issue heureuse.

Concrètement, qu’est-ce qu’il faut pour mettre un terme à cette spéculation foncière à Thiès ? 

Je pense qu’il faut appliquer les conclusions de la Commission nationale de réforme foncière, mais également mettre en place des Cape (commissions d'attribution de parcelles élargies) à la société civile et à la presse. Il faut aussi informer les citoyens des projets de lotissement et juste après procéder à l’affichage public de la liste des attributaires dans les locaux des services dédiés et dans les sites internet. Pour freiner ce phénomène, il faut éviter de procéder à des attributions multiples pour certains privilégiés et penser à mettre en place un cadre formalisé d'intercommunalité entre la ville de Thiès et les communes environnantes (Fandène, Notto Diobass, Mont-Rolland…). Pour juguler les litiges fonciers, il faut mettre en œuvre des projets communs au profit des populations. A mon avis, il faut aussi sanctionner tous les coupables dans le domaine foncier sans impunité.

FODE FALL (PRÉFET DU DÉPARTEMENT DE THIÈS)

‘’Notre degré d’implication dans la gestion du foncier se limite à l’approbation’’

‘’L’autorité administrative n’a aucune possibilité d’attribution d’une parcelle ou d’un terrain à usage d’habitation. Que ce soit un domaine appartenant à l’État ou à autrui. Les autorités administratives ne sont pas habilitées à attribuer des terres. Il n’est pas de notre ressort de procéder à des attributions. Ce sont les personnalités en charge de la protection des domaines qui peuvent procéder à des attributions. Le préfet, le gouverneur ou les sous-préfets procèdent tous à des approbations d’actes légaux ou délibérations rendues par les conseils municipaux. C’est pour vous dire que nous sommes tout simplement soumis à des approbations et non à des attributions de terres. On ne fait pas d’attributions. C’est une chose à préciser.

L’autorité administrative peut être amenée à approuver les délibérations des différents conseils municipaux. C’est à la suite des délibérations que nous intervenons pour approuver. Voilà tout ce que nous faisons. Notre degré d’implication dans la gestion du foncier à Thiès se limite à l’approbation. Il faut que ça soit très clair. C’est le conseil municipal qui se réunit et procède à des délibérations. C’est à la suite de ces délibérations qu’interviennent les autorités administratives. Encore une fois, ce qu’il faut retenir dans cette affaire, c’est que le gouverneur, le préfet ou les sous-préfets n’ont aucune possibilité d’attribution des terres.’’ 

 

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