Publié le 17 Jul 2020 - 00:12
ABDOULAYE WILANE (PORTE-PAROLE DU PS)

 ‘’Pour mériter Tanor, nous devons rester unis…’’

 
 
Le Parti socialiste a célébré, hier, l’an 1 de la disparition d’Ousmane Tanor Dieng. D’après le porte-parole de la formation politique, le parti a organisé, à cet effet, des cérémonies de récitals de Coran dans plusieurs endroits du pays. Abdoulaye Wilane renseigne, par ailleurs, que le PS travaille depuis longtemps à sa réunification.
 
 
Cela fait un an que le successeur d’Abdou Diouf, à la tête du Parti socialiste (PS) disparaissait. Le défunt secrétaire général des verts demeure cependant dans les esprits de ses camarades de parti.
 
En effet, hier, le porte-parole du PS a rappelé la volonté unificatrice d’OTD. D’après Abdoulaye Wilane, Ousmane Tanor Dieng n’était pas qu’un chef, c’était un guide, un leader, un meneur d’hommes. Dans un contexte où le parti est miné par des dissensions et l’exclusion de certains responsables, à l’image de Khalifa Sall, le député socialiste rappelle qu’ils travaillent depuis longtemps à rassembler et à réconcilier tout le monde.
 
 ‘’Nous avons compris que ce que nous unit vaut mieux que ce qui nous divise. Pour mériter Tanor, nous devons rester unis, assumer tous les choix qu’on a faits et travailler à effacer les divergences et clivages qui nous ont jusqu’ici séparés’’, fait remarquer le maire de Kaffrine. Il renseigne d’ailleurs que tout ce qu’OTD déclarait, était censé procéder du parti. Mieux, dit-il, dans le cadre de la social-démocratie, tout est possible en coalition ou non. Il s’agit, d’après Wilane, de réinventer l’avenir et de rester fidèle à ses principes. ‘’Il est possible d’être des hommes et des femmes qui savent relever le défi de notre histoire’’, explique-t-il.
 
Avant de préciser que le parti continue de fonctionner, mais se plie aux exigences de la pandémie. ‘’Nous sommes dans une situation de Covid-19. On ne peut pas se réunir comme on le veut, mais nous échangeons par téléphone ou via d’autres médias’’, renseigne-t-il.
 
Par ailleurs, pour la célébration de la première année de la disparition d’Ousmane Tanor Dieng, des cérémonies de récitals de Coran ont été organisées un peu partout à travers le Sénégal, mais également, dit-il, dans les deux domiciles du défunt.  ‘’Nous avons choisi un lieu symbolique qui est la mosquée omarienne pour organiser des prières. Il en est ainsi dans tous les foyers religieux du pays’’, indique le socialiste.  
 
Wilane renseigne, en outre, qu’une journée de prières est prévue le 20 octobre prochain pour tous les défunts du PS.
 
Le Parti socialiste réfléchit, en outre, d’après son porte-parole, à des propositions pour garder le souvenir de Tanor Dieng.  ‘’Certains proposent qu’il soit institué un grand prix Ousmane Tanor Dieng, pour récompenser le meilleur homme politique qui s’est illustré dans notre pays sur la base des valeurs. Il y en a qui proposent aussi que nous puissions acquérir un terrain dans une localité du Sénégal pour y construire un deuxième siège de la Maison du parti qui pourrait porter le nom d’Ousmane Tanor Dieng’’.
 
HABIBATOU TRAORE
 

Dr PAPA FARA DIALLO, ENSEIGNANT-CHERCHEUR EN SCIENCE POLITIQUE A L’UGB

‘’Le PS reste figé là où Ousmane Tanor Dieng l’avait laissé’’

Le Parti socialiste traine des questions en suspens qu’il doit impérativement régler, pour espérer sa réunification et la reconquête du pouvoir. C’est ce que semble dire l’enseignant-chercheur en science politique à l’UGB, Papa Fara Diallo. Il souligne, dans cet entretien, que le PS est resté figé, depuis la mort d’Ousmane Tanor Dieng, il y a un an. Depuis, rien n’a bougé dans cette formation politique.

 

Le Parti socialiste fête le premier anniversaire de la disparition d’Ousmane Tanor Dieng. Un an après son décès, comment voyez-vous l’évolution de cette formation politique ?

On a l’impression que depuis le décès du président Ousmane Tanor Dieng, qui avait réussi avec beaucoup de dignité et de responsabilité à maintenir le Parti socialiste dans le jeu politique sénégalais, depuis la défaite de 2000, absolument rien n’a bougé. Il avait réussi à maintenir cette formation comme un des plus grands partis du Sénégal, malgré le contexte d’opposition dans lequel il a été propulsé depuis la défaite de 2000. Depuis son décès, si ce n’est le fait qu’actuellement le parti a eu un nouveau secrétaire général en la personne d’Aminata Mbengue Ndiaye, comme le prévoyait les textes du parti, rien n’a changé. 

Qu’est-ce qui explique cette situation, selon vous ?

Après la mort d’Ousmane Tanor Dieng, beaucoup d’interrogations ont été posées. Il y a eu principalement trois questions et je pourrais émettre trois hypothèses pour essayer d’analyser et de donner des tentatives de réponse. La première était de savoir que va devenir le Parti socialiste après le décès d’Ousmane Tanor Dieng ?

Depuis 1996, il a été la figure paternelle, je dirais même le patriarche du parti qui a réussi à le maintenir en vie, malgré la promesse d’Abdoulaye Wade ‘’d’anéantir’’ complétement le Parti socialiste.

Après sa mort, à la question de savoir que va devenir le PS ?, les socialistes eux-mêmes n’ont pas encore trouvé une réponse à cette question. Jusqu’à présent, le PS reste figé là où Ousmane Tanor Dieng l’avait laissé, c’est-à-dire un parti souteneur de la mouvance présidentielle, notamment dans le cadre de BBY. Un parti qui semble être maintenu à flot financièrement en termes de ressources symboliques de pouvoir par son rapprochement avec la majorité présidentielle. Le président Ousmane Tanor Dieng avait l’habitude de dire que  c’est Macky Sall qui lui a dit après la victoire de 2012 : ‘’On a gagné ensemble, on va gouverner ensemble.’’ Il disait que tant que le président Macky Sall sera dans cette logique, lui, il va continuer à lui être fidèle et loyal. D’ailleurs, le président Macky Sall, à l’occasion de ses obsèques, a dit que le président Ousmane Tanor Dieng était un ami fidèle et loyal.

Le PS continue à cheminer avec la majorité présidentielle, à minorer les velléités de réforme, de refondation qui ont été soulevées çà et là par ses responsables. La réponse qui a été apportée à ces velléités de changement a été cinglante, avec l’exclusion de plus de 63 membres du parti y compris Khalifa Sall.

Mon analyse est que si cette logique continue et que le Parti socialiste ne se redéfinit pas et ne se repositionne pour envisager les élections de 2024 et préparer un candidat... Ce sont des problématiques sérieuses que le parti ne peut pas occulter. S’il veut continuer à demeurer l’un des plus grands partis de ce pays et jouer un grand rôle, lors des élections de 2024, il faudrait que ces problématiques soient soulevées et débattues.

Quelles sont les autres équations que le parti doit résoudre ?

Sur la question de savoir est-ce que le Parti socialiste va réussir le pari de la réunification de toute la famille socialiste, ce que j’appelle le pari de l’inclusion de tous les fils et filles spirituel du socialisme ‘’senghorien’’, je dirais encore une fois que le parti n’a pas encore trouvé de réponse. Il y avait un appel solennel qui a été lancé, après la mort d’Ousmane Tanor Dieng, une motion que le Bureau politique avait sorti pour tendre la main à tous les socialistes dissidents, pour leur demander de revenir. Seulement, il faut y mettre les formes. Il y a beaucoup de déchirures, des choses qui ont fait mal à des leaders du parti… Une condamnation en prison contre un ancien maire qui a perdu son fauteuil, sa liberté, son siège à l’Assemblée nationale et qui incarnait un renouveau dans le Parti socialiste. C’est aussi une déchirure qu’il faudra soigner.  

L’autre, c’est le cas Aissata Tall Sall qui, en 2014, avait émis le souhait de disputer le siège de secrétaire général au défunt Ousmane Tanor Dieng et le processus n’a pas abouti, parce que le leader d’alors ne voulait pas entendre d’une candidature X ou Y qui contesterait son leadership et son hégémonie au sein du Parti socialiste.

 Vous n’avez  jusqu’à présent pas  entendu ni Khalifa Sall ni Aissata Tall Sall, encore moins leurs souteneurs répondre à la main tendue qui consiste à réunir les dissidents. Il faudrait que les responsables du parti s’assoient autour d’une table, se tiennent un langage de vérité et purger tout ce qui est déception, colère et faire un exorcisme général du parti pour pouvoir recoller les morceaux et attirer les dissidents qui continuent de se réclamer de la famille socialiste.

Il y a un travail de fond qui doit être fait et cela passe forcément par se dire des vérités.

La troisième question qui mérite d’être posée, c’est de se demander si le parti a le ressort qui lui permet de rajeunir sa base politique. C’est une question fondamentale. Ce qui faisait la force du parti, c’est la jeunesse socialiste bien éduquée à travers l’école du parti. Je me rappelle que ceux qui n’avaient pas un certain niveau de formation, c’est le parti qui leur payait cette formation. C’est vous dire combien le PS misait sur une jeunesse forte et engagée, mais bien éduquée, consciente des enjeux nationaux comme internationaux. Sur cette question là aussi, le parti n’a pas encore trouvé de réponse.

 Étant dans l’opposition entre 2000 et 2008,  Tanor avait tendu la main à la jeunesse et aux cadres. Il avait rendu le parti attractif pour des intellectuelles et des jeunes.

Ce travail de refondation idéologique, de redynamisation, de rajeunissement des bases du parti doit être fait. Peut-être qu’en perspective du prochain congrès,  ce genre de réflexion va être mené pour pouvoir sortir le PS de la léthargie dans laquelle il se trouve, c’est une situation difficile. Il n’y a rien qui profile à l’horizon. A chaque fois qu’on interroge les responsables du PS, ils disent qu’ils continuent d’être fidèles et loyaux au président Macky Sall, à la majorité. 

Et quand on pose des questions sur les perspectives des présidentielles de 2024, ils disent ce que ce n’est pas encore à l’ordre du jour. C’est ce genre de réponse là qu’on nous sort et ça trahit une certaine incurie et montre que la réflexion qui doit être menée sur les perspectives d’avenir du PS n’a pas encore été faite.  Si on veut se projeter pour les élections à venir, c’est maintenant qu’il faut commencer la réflexion stratégique, se poser les bonnes questions. Est-ce qu’on doit continuer le compagnonnage avec BBY ? Qu’est- ce qu’on y gagne ou qu’on perd ? A part les postes de responsabilité, les quelques députés, les postes ministériels ou le HCCT  que le président Macky Sall a remis à Aminata Mbengue Ndiaye pour continuer à soutenir le parti avec des ressources du pouvoir qui lui permettent d’entretenir une clientèle fidèle.

Pensez-vous qu’Aminata Mbengue Ndiaye a les épaules pour replacer le PS sur l’échiquier politique et préparer l’après-Macky Sall ?

Je ne peux pas répondre à cette question qui me parait assez personnalisée. Est-ce qu’Aminata Mbengue Ndiaye a les épaules pour faire bouger les choses ? Je crois que oui. C’est une dame qui a fait ses preuves en politique, qui a réussi à s’imposer au sein du PS et qui, depuis très longtemps, a occupé des postes de responsabilité. Elle a été maire et a eu des fonctions électives et des fonctions assez élevées dans ce pays-là. Personnellement, je pense qu’elle peut faire bouger les choses. La question n’est pas : est-ce qu’elle peut ou ne pas, mais c’est plutôt une question de volonté et de vision et non de personne. Est-ce que ceux qui sont à la tête du parti ont la volonté et l’ambition de le repositionner comme l’un des plus grands partis du pays.

Cette ambition de vouloir positionner le PS comme un parti qui va jouer le grand rôle lors de ces élections avant la Présidentielle de 2024  et les législatives de 2022. Est-ce que le Parti socialiste va continuer à jouer un rôle de seconds couteaux ou est-ce qu’il va commencer à réfléchir à des voies et moyens qui lui permettraient de se repositionner comme le grand parti qu’il a toujours été. C’est moins qu’une question de personne, qu’une question de volonté et de vision allant dans le sens de repositionner le parti.

Malgré quelques soubresauts, la coalition BBY tient le cap. Croyez-vous qu’elle puisse se poursuivre au-delà de ce mandat ? Et quelle doit être, à votre avis, la posture de partis comme le PS ?

Mon analyse est que l’histoire a montré que les coalitions majoritaires au pouvoir survivent très rarement aux défaites du pouvoir. Si la coalition perd les élections, c’est quasiment difficile qu’elle puisse survivre, parce que les ambitions vont parler d’elles-mêmes. A l’approche de 2024, vous allez voir que des ambitions vont commencer à voir le jour venant de tel parti ou de tel parti allié. Comprenant que c’est une coalition de circonstance dont les membres ne partagent pas la même idéologie, la même vision politique, si on sent que la majorité va bientôt devenir minorité, vous allez voir que bientôt, les lignes vont se fissurer et les ambitions vont se dessiner. Ce qui est très légitime. Ce qui caractérise la vie politique sénégalaise depuis très longtemps.

La grande coalition socialiste autour du PS n’a pas survécu après 2000, Alliance Sopi pour toujours ou Cap21, des coalitions qui ont accompagné le président Wade n’ont pas survécu après 2012. Rien ne dit que la coalition BBY va survivre après 2024.

Pensez-vous, comme d’autres, que le PS part de loin pour n’avoir pas présenté de candidat issu de ses rangs à la dernière Présidentielle, pour 2024 ? 

On ne peut pas présager ce qui va arriver au niveau du PS actuellement. Tout ce qu’on peut dire, c’est que les responsables  ne réfléchissent pas pour le moment à cette option-là. A chaque fois qu’on leur pose la question, la réponse qui sort est que le PS aura un candidat, sachant qu’en 2019, ils avaient dit la même chose, est le candidat a été celui de la coalition au pouvoir. Ou ils vous disent que le moment venu, le PS prendra une position. Cela veut dire qu’eux-mêmes ne sont pas encore dans la réflexion prospective pour voir si lors des élections à venir, ils auront un candidat ou pas. Aucun spécialiste, aujourd’hui, ne peut présager de ce qui va arriver. En matière de politique, l’événement est roi. Un évènement peut venir et faire chambouler la donne politique et faire bouger les lignes. Si tant est que le PS devrait avoir un candidat, la réflexion devrait être démarrée au sein du parti.

 
HABIBATOU TRAORÉ
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