Publié le 24 Jun 2020 - 01:32
AFFAIRE BATIPLUS

Chronique d’une fraude organisée

 

D’une simple affaire de vol et de détournement, l’affaire Batiplus est en passe de se transformer en un grave crime financier perpétré contre l’administration fiscale sénégalaise.

 

Au début, c’était une banale affaire de détournement dans une entreprise privée. Aujourd’hui, l’affaire a pris une tout autre tournure et tient en haleine l’opinion publique nationale. Loin de la polémique, ‘’EnQuête’’ a essayé de démêler le vrai du faux, dans cette histoire rocambolesque opposant Batiplus, propriété de membres de la famille Farès, à Rachelle Sleylaty, jeune comptable de l’entreprise, âgée seulement d’une vingtaine d’années. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il pèse d’indices très graves et concordants sur chacune des deux parties. D’une histoire de vol présumé, de détournement, entre autres, on est vite passé à de graves soupçons de blanchiment d’argent, financement du terrorisme international, fraude fiscale, entre autres.

Tout est parti d’un audit commandité par Batiplus sur la trésorerie de l’entreprise. Au cours de cette fouille, les auditeurs découvrent un gap de plus de 125 millions de F CFA, selon les proches même de Mme Sleylaty, confirmés par le désormais ancien directeur général Christian Samra. Suite à cette découverte, ce dernier avait porté plainte contre X pour différentes infractions (vol et détournement notamment). Et très vite, tous les esprits se sont tournés vers Rachelle Sleylaty.

Selon des sources bien au fait du dossier, il existe des documents dument établis par huissier de justice, dans lesquels la jeune comptable se serait engagée à rembourser à hauteur de 126 millions de F CFA. Alors qu’on pensait que le dossier était en phase d’être clos, un coup de théâtre se réalise devant les enquêteurs de la Section de recherches de la gendarmerie. En effet, contre toute attente, Rachelle Sleylaty nie en bloc toutes les accusations, réfutant catégoriquement avoir donné une quelconque promesse de remboursement. A-t-elle, entre-temps, décidé de revenir sur ses premières déclarations ? Sa signature a-t-elle été extorquée ou manipulée ? Difficile de trancher, selon les éléments en notre possession.

Mais Rachelle ne va pas s’en limiter à de simples dénégations. Passant à l’offensive, elle fournit aux enquêteurs une pile de documents, avec des reçus attestant que plus de 2,8 milliards de F CFA ont été puisés dans le même coffre où il lui est reproché d’avoir soustrait frauduleusement de l’argent. Dans la foulée, elle lâche le nom du courtier, un certain Fall qui, d’après ses dires, convoyait beaucoup d’argent de l’entreprise vers d’autres destinations. A l’en croire, toutes ces transactions ont été effectuées sans écriture comptable et sur instruction de M. Samra lui-même.

Accusé d’avoir pris fait et cause en faveur de la dame, le journaliste Cheikh Yérim Seck précisait sur le plateau de la 7TV : ‘’On lui demandait de déchirer toutes les traces. Mais pour se protéger, elle photocopiait les documents pour avoir des preuves.’’

Ainsi, de simple détournement dans une grande entreprise privée, le dossier finit par révéler d’indices graves portant sur un crime financier. Mais pas que ! Un spécialiste de la fiscalité s’indigne : ‘’Si les faits allégués dans cette affaire sont avérés, ils pourraient être constitutifs non seulement d’un abus de biens sociaux, mais aussi de fraude fiscale et peut-être même d’une association de malfaiteurs. Je pense que la justice tout comme l’administration des impôts ont intérêt à nous édifier sur cette nébuleuse.’’

Mais jusque-là, la Direction générale des impôts ne semble bouger d’un iota pour ne serait-ce que vérifier si des recettes imposables ont eu à être soustraites de la comptabilité de Batiplus.

Dans une lettre ouverte largement partagée sur les réseaux sociaux, Rachelle Sleylaty, qui croupit en prison depuis le 25 mars dernier, livre sa part de vérité. Elle disait : ‘’Suite à un audit des comptes de l’entreprise où je travaillais (Batiplus) en début d’année, un écart de plus de 125 millions de F CFA a été remarqué par AKM Audit ; et M. Christian Chabel Samra (directeur de Batiplus) avait déposé une plainte. Etant la gérante des coffres, ma responsabilité ne souffrait d’aucune équivoque, d’après lui. Mais il s’avère que durant mon interrogatoire, je leur ai clamé ma totale innocence et je fournis aux enquêteurs un document attestant que plus de 2,8 milliards de F CFA ont été puisés dans ce même coffre et remis à un courtier du nom de M. Fall sur une période de 4 ans.’’

A en croire nos sources, suite aux confidences glaçantes de Rachelle sur la fameuse comptabilité opaque de Batiplus, les enquêteurs, qui ont ouvert une enquête, ont pu découvrir plus de deux milliards de F CFA en liquidités. Cette énorme manne financière fait-elle l’objet d’une comptabilité régulière ? En tant que comptable, Rachelle pouvait-elle ignorer cette entreprise mafieuse qu’elle dénonce aujourd’hui ? Si autant de liquidités ont pu être découvertes, combien a pu échapper de la comptabilité régulière de l’entreprise et de l’administration fiscale ? Depuis quand remonte cette fraude fiscale présumée ? Autant de questions qui taraudent l’esprit de bien des observateurs. Lesquels s’étonnent de la liberté dont jouit l’ancien directeur général de Batiplus. Lequel a d’ailleurs rendu le tablier pour, dit-il, laver son honneur.  

Si l’audit avait bien révélé un gap de 125 millions de F CFA environ, des proches de Batiplus ont dernièrement parlé d’un détournement de plus de 2 milliards de F CFA, dont les 126 millions que Rachelle aurait déjà reconnu devant l’huissier de justice, et qu’elle a nié devant les pandores. En fait, précise l’accusation, il est reproché à la comptable d’avoir détourné au total 2 084 000 000 F CFA. 

Convaincu que les actionnaires et gérants de Batiplus bénéficient d’une protection, le journaliste Cheikh Yérim Seck attaquait directement le ministre de la Justice. Selon lui, ce dernier serait au cœur du dossier. En plus, révélait-il, c’est son ancien cabinet (SCP Maitre Malick Sall & associés devenu SCP Ndiéguène & Samade, NDLR) qui défend ladite société dans cette affaire. ‘’Le plus louche, c’est que tout ce que ce cabinet veut dans ce dossier se réalise. Au même moment, tout ce que la partie adverse demande est rejetée’’, regrettait le patron de Yérim Post sur le plateau de la 7TV.

Comme pour démonter toute implication du ministre de la Justice dans ce dossier, ledit cabinet avait fait publier un communiqué pour soutenir que le garde des Sceaux, étant omis du tableau de l’Ordre des avocats, n’est plus membre de ce cabinet. Suite à un portrait publié le 18 juin par ‘’EnQuête’’, Me Malick Sall lui-même apportait cette précision : ‘’Le ministre de la Justice voudrait préciser qu’il n’a jamais été l’avocat des Farès. Cela est vérifiable dans les archives de son ancien cabinet. Tout au long de sa carrière d’avocat, il n’a jamais rencontré la famille Farès.’’

En fait, selon certaines confidences, Batiplus aurait commis le cabinet où officiait Malick Sall après son départ. Pour quelle raison ? Motif et bouche cousue. Selon nos sources, au-delà de Ndiéguène & Samade, d’autres cabinets très célèbres dans le milieu des affaires sont également dans la cause. Parmi eux, nos interlocuteurs mentionnent Houda. Une affaire loin de livrer tous ses secrets !

MOR AMAR

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