Publié le 27 Jun 2020 - 21:12
AFFAIRE BINETOU CAMARA

Me Ciré Clédor Ly rejoue le film du meurtre

 

La 3e affaire inscrite au rôle d'audience de la chambre criminelle de Tambacounda a été jugée ce jeudi 26 juin 2020. Il s'agit de l'affaire Bineta Camara contre Pape Alioune Fall, poursuivi pour tentative de viol et meurtre.

 

Hier, Me Siré Clédor Ly, avocat de Pape Alioune Fall, a plaidé pour un homicide par maladresse perpétré sur la personne de Bineta Camara, la fille du DG de l’Agence du développement local (ADL). Pour corroborer cette nouvelle stratégie de défense, Me Ly s'est appesanti sur un ensemble de faits.

Dans un premier temps, il a commencé par battre en brèche quelques arguments du ministère public. Maitre Ly prétend que la scène du crime a été maquillée par les enquêteurs. Car, dit-il : "Coûte que coûte, il fallait qu'atterrisse sur le bureau du juge un dossier de viol", dit-il.  Selon l’avocat, le sous-vêtement blanc appartenant à un homme trouvait sur le lit est une pure invention. Ensuite, à ses yeux, la petite culotte rouge trouvait sur les lieux du crime pose problème. Car, selon le procès-verbal, la petite culotte, appartenant apparemment à Bineta, aurait été trouvée, d'abord, dans la salle de bain et, ensuite, aux côtés de la victime.

Egalement, la présence des mouchoirs blancs qui auraient servi à essuyer le sperme de Pape Alioune Fall sur les lieux du crime, ne convainc pas Me Ly. Toutes ces preuves n'ont pas été vues par les premiers témoins sur les lieux dont Malick Diop, le vigile, et Assane Samb, l'oncle de la victime.

Donc, Me Clédor de s'interroger : ‘’Par qu'elle magie elles se sont retrouvées sur le lieu du crime ?’’ À la lumière de ces faits, il accuse les enquêteurs d’avoir fabriquer des preuves à charge contre son client. Dès lors, faisant appel à l'article 417 du Code de procédure pénale qui stipule que les procès-verbaux de la gendarmerie et de la police ne valent que pour renseignement, il a demandé au juge de ne pas le prendre en compte. Car il manque de sincérité.

Dans la foulée, l'avocat de la défense a soutenu qu'il aurait pu plaider un vice de procédure, car il considère que celle-ci n'a pas garanti à son client une bonne représentation. Car, dit-il, l’avocat commis d'office pour Pape Alioune n'a assisté qu'à une seule phase de la procédure, c'est-à-dire pendant l'enquête préliminaire. Lors de toutes les autres phases, à savoir l'instruction et la reconstitution des faits, son client n'était pas représenté pour une affaire aussi sérieuse.

A la fin de son réquisitoire, le conseil a demandé au juge de ne pas condamner son client pour viol, car se serait injuste. Rien ne corrobore la tentative de viol et, depuis le début des auditions, le Sieur Pape Alioune Fall a toujours nié avoir essayé de violer Bineta Camara. Il poursuit que le meurtre avec préméditation que la partie civile et le ministère veulent faire croire n'existe pas, en l'espèce. Pour lui, en aucun cas, son client n'a prémédité la mort de Bineta et rien ne le justifie. Au contraire, Me Ly pense plutôt que la circonstance atténuante doit jouer, ainsi que l'excuse de la provocation. Pour fortifier cette thèse, l'avocat de la défense a expliqué que c'est après que Pape Alioune Fall a reproché à son père de ne soutenir que les jeunes filles, en laissant en rade les militants, que Bineta s'est mise dans une colère bleue et l'a empoigné. P. A. Fall a réagi, conduisant à une bagarre dont l'issue sera fatale à Bineta Camara.

C'est ainsi que Me Ly a requis 2 à 5 ans de prison pour son client. Pour rappel, le certificat de genre de mort établi le lendemain, par le docteur Soho Millogo du centre hospitalier régional de Tambacounda, constatait une plaie contuse de la pommette gauche qui a pu être provoquée par un coup de poing, des plaies semblables à des coups de morsure au niveau de la face antérieure du cou et un sillon de strangulation peu net, ainsi que des lésions superficielles avec un hématome au niveau de la fourchette vulvaire. Le médecin concluait à "une mort par strangulation avec tentative de viol".

Le parquet, quant à lui, a requis la réclusion criminelle à perpétuité pour tentative de viol et meurtre. Durant tout le procès, le ministère public a essayé de prouver, non seulement la tentative de viol et le meurtre, mais aussi la préméditation. Partant du principe de la science au service du droit, le maître des poursuites a convoqué les éléments scientifiques pour incriminer l'accusé.

Selon le procureur de la République, le sieur Pape Aliou Fall avait organisé son crime. Il est venu à 20 h chez Bineta, sachant qu’à cette heure, le vigile Malick Diop ne serait pas sur les lieux. Dans le même élan, les avocats de la partie civile estiment que Pape Alioune Fall est venu avec l'intention de perpétré un acte odieux. Si l'accusé est venu pour parler de politique avec la victime, pourquoi n'est-il pas parti aussitôt ?, s’est-il interrogé.

A ses yeux, la réalité, c'est que Pape Alioune Fall a fait des avances qui n'ont pas plu à Bineta qui s'est mise en colère. C'est ainsi que le sieur Fall l’a forcée et elle s'est débattue de toutes ses forces. Voilà ce qui explique les blessures trouvées sur le cou et les pectoraux d’Alioune Fall. Des griffures ont été aussi remarquées sur les organes génitaux du prévenu. Ce qui montre, selon la partie civile et le parquet, que l'accusé s'était déshabillé et prêt à assouvir son désir, mais c'était sans compter sur la détermination de Bineta à ne pas se laisser pénétrer. Toujours selon la partie civile, le revirement dans les propos de Pape Alioune Fall est juste synonyme de culpabilité. Car, elle ne peut comprendre que, lors de toutes les phases d'audition : enquête préliminaire, instruction du 24 juillet et reconstitution des faits du 31 juillet 2019, le prévenu ait campé sur sa position et qu’aujourd'hui, il vient nier certains faits antérieurement approuvés.

Le juge du tribunal régional de grande instance de Tambacounda statuant en matière criminelle, après avoir écouté la plaidoirie des différentes parties, a décidé du renvoi de la délibération     au 2 juillet 2020, comme pour les deux premières affaires.

BOUBACAR AGNA CAMARA (TAMBA)

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