Publié le 27 Oct 2014 - 17:40
AFFAIRE HISSEIN HABRE

27 anciens collaborateurs de l’ex-dictateur jugés au Tchad

 

Les deux présumés complices de Hissein Habré inculpés par les Chambres africaines extraordinaires (CAE) ne seront pas jugés par celles-ci mais plutôt par la justice tchadienne elle-même qui a renvoyé en jugement 27 autres personnes.

 

Tchad n’est pas prêt à livrer aux Chambres africaines extraordinaires (CAE) Saleh Younouss, un ancien directeur de la Direction de la documentation et de la Sécurité (DDS), et Mahamat Djibrine, présenté comme l’un des «tortionnaires les plus redoutés». Ces deux coïnculpés de Habré détenus au Tchad seront jugés dans leur pays. A en croire l’organisation de défense des droits de l’Homme, Human rights watch (HWR), la justice tchadienne a, le 23 octobre dernier,  pris la décision de renvoyer 29 présumés complices de Hissein Habré devant une cour criminelle. Une décision considérée comme « une avancée significative de la longue lutte des victimes en faveur de la justice », par l’organisation. Qui toutefois, souhaite un procès « juste, transparent et équitable ».

Se basant sur l’accusation de la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de N’Djaména, HWR indique que « les inculpés seront jugés pour assassinats, tortures, séquestrations, détentions arbitraires, coups et blessures volontaires, coups et blessures volontaires mortels et autres actes de barbarie ».  Le 4 septembre 2014, le juge d’instruction du premier cabinet du Tribunal de grande instance de N’Djaména, Amir Abdoulaye Issa, avait rendu une ordonnance de renvoi permettant le procès de 21 agents du régime de Hissein Habré. Neuf autres agents avaient bénéficié d’un non-lieu. La Chambre d’accusation finira par mettre en accusation 29 anciens agents de l’administration de Habré, tous visés par les plaintes des victimes, sauf un, le général Béchir Ali Haggar. Sur les 29 personnes visées, trois seraient décédés et un quatrième n’a pu être localisé. Ainsi, ce sont donc 25 anciens agents du régime de Hissein Habré qui devraient être jugés devant la Cour criminelle, dont un in absentia. 

Sur le profil des inculpés, l’organisation indique que parmi les autres inculpés figurent notamment Warou Ali Fadou, ancien chef de la sécurité fluviale de la DDS, Nodjigoto Haunan, ancien directeur de la Sureté nationale, tous deux mis en cause dans la répression contre les membres de l’ethnie Zaghawa, et Khalil Djibrine, ancien chef de service de la DDS dans le sud, en 1983-1984. Cependant, des craintes demeurent du côté des avocats des victimes. Ils craignent que le pouvoir judiciaire tchadien ne soit en train de chercher à expédier l’ensemble de ce dossier, sans lui donner l’attention et la préparation qu’il mérite. Les robes noires fondent leurs craintes sur l’absence d’audition des victimes, ainsi que leur confrontation avec les présumés tortionnaires. Il s’y ajoute, relève HRW, que « les avocats de certains inculpés ont aussi soulevé plusieurs irrégularités ».

Outre HRW, le collectif des avocats des victimes s’est réjoui de la tenue du futur procès. « Si le futur procès respecte les standards internationaux, alors les victimes commenceront à retrouver la dignité qu’elles cherchent depuis 24 ans », a déclaré Jacqueline Moudeina, principale avocate des victimes du régime et présidente de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH). Elle a aussi exprimé ses craintes. « Ce procès peut être le plus important de l’histoire du Tchad, mais la vitesse avec laquelle le pouvoir judiciaire tchadien se saisit du dossier depuis l’ordonnance de renvoi laisse craindre une procédure expéditive », a laissé entendre Me Moudeina. 

FATOU SY

 

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