Publié le 29 Feb 2024 - 13:50
AFFRONTEMENTS ARMÉS, TENTATIVE DE COUP D’ÉTAT AU TCHAD

Le régime de Mahamat Idriss Deby sous forte pression

 

Une crise préélectorale se dessine au Tchad. Depuis la mort d’Idriss Deby en 2021, le pays est confronté à une recrudescence des tensions politiques et sociales. Ces derniers événements pourraient plonger Ndjamena et cette région dans un nouveau cycle de violence.

 

Tentative de coup d’État, mutinerie, troubles… La situation reste confuse à Ndjamena depuis hier nuit. Les communications restent perturbées et l’Internet est coupé. À l’heure actuelle, il y a peu de communiqués officiels pour savoir ce qui se passe exactement dans la capitale tchadienne. Des scènes de violence et la présence de chars de combat révèlent que le pays est en proie à des tensions préélectorales. Dans la foulée, le président de la transition, Mahamat Idriss Deby, a ordonné une fouille systématique généralisée dans la ville de Ndjamena, à l'exception des personnes bénéficiant d'une immunité légale, d’après une réunion de sécurité tenue ce 28 février 2024 à la présidence.

Cette instruction cible le chef du Parti socialiste sans frontières (PSF), Yaya Dillo Djerou Betchi, opposant farouche de Mahmat Deby dont il est le cousin. Il est également candidat à l'élection présidentielle. Il serait mort des incidents en cours. L’information n’est pas encore confirmée.

Une telle information pourrait enclencher un nouveau cycle de violence à travers le pays.

Un autre fait marquant, c’est le limogeage du chef de l’Agence nationale de sécurité, Ahmed Kogri, qui aurait incité ces hommes à attaquer le palais présidentiel, d’après des sources de ‘’Confidentiel Afrique’’. Le domicile du général Saleh Deby, membre du parti de Yaya Dillo et oncle du chef de la junte, le général Saleh et les bureaux du PSF auraient tous été bombardés à l’arme lourde. Plusieurs dizaines de personnes auraient été tuées.

Selon le ministère de la Communication, les locaux de l’Agence nationale de sécurité de l’État (Anse) ont été attaqués dans la soirée du 27 février par ‘’des éléments’’ du PSF. Cet assaut avait pour objectif d'assassiner le président de la Cour suprême, Samir Adam Annour, renseigne des sources du gouvernement. Une information démentie par Yaya Dillo et ses partisans qui dénoncent une ‘’mise en scène’’ concernant les allégations de tentative d’assassinat contre le président de la Cour suprême. Le juge s’apprêtait à retoquer la candidature de Yaya Dillo Djerou à la Présidentielle quand il a échappé, le 19 février, à une attaque ‘’fomentée par le secrétaire chargé des finances du PSF’’, Abakar Torabi, qui a été interpellé par les autorités sécuritaires.

Exfiltré de l’hôpital de la Renaissance de Ndjamena par des agents de sécurité suite à un assaut de ses partisans, sa tentative de libération dans les locaux des renseignements intérieurs tchadiens a dégénéré. Une dizaine d’assaillants auraient été blessés ou interpellés pendant les échauffourées.

Pour rappel, la date du scrutin présidentiel est fixée pour le 6 mai 2024, selon l'Agence nationale de gestion des élections (Ange). L’attaque intervient au lendemain de l’annonce du calendrier de l’élection présidentielle au Tchad dont le premier tour aura lieu le 6 mai et à laquelle Yaya Dillo et le président de la transition ne font pas mystère de leur intention d’être candidats.  

Dans son communiqué du 28 février, le gouvernement a affirmé que ‘’toute personne cherchant à perturber le processus démocratique en cours dans le pays sera poursuivie et traduite en justice’’.

L’intronisation du fils Deby après la mort de son père et le soutien du président français Emmanuel Macron venu assister à cette cérémonie avaient fait beaucoup de bruits. La France avait été sévèrement critiquée pour sa politique de deux poids deux mesures par nombre d’observateurs qui faisaient référence à la radicalité de l’Hexagone contre les coups d’État au Mali et au Burkina Faso, et sa complaisance envers Ndjamena.

Par ailleurs, le 1er janvier 2024, l’opposant tchadien Succès Masra, leader du parti Les Transformateurs, a été nommé Premier ministre du Tchad. Sa nomination a pour objectif de décrisper la situation politique et sociale très tendue.

En effet, son engagement dans le gouvernement était perçu comme un signe de la volonté du Conseil militaire de transition (CMT) de faire avancer le processus de transition et de favoriser la réconciliation nationale.

Pour rappel, Mahamat Idriss Déby Itno avait été proclamé président de la transition par l’armée en avril 2021, après la mort de son père Idriss Déby Itno, mortellement blessé par des rebelles au front. Il avait immédiatement promis de rendre le pouvoir aux civils en organisant des élections 18 mois plus tard, échéance finalement repoussée de deux ans.

Par ailleurs, sa nomination n’a pas désamorcé les tensions internes au sein du régime dont certaines factions n’ont pas accepté le pouvoir de Mahamat Idriss Deby. La vieille garde de la junte, constituée d’anciens compagnons de lutte d’Idriss Deby et membres du clan zaghawa qui s’étaient ralliés au fils Deby, entend toujours garder ses prérogatives au sein du régime. Une situation qui risque de fragiliser le régime qui lutte aussi contre la rébellion du Front pour l'alternance et la concorde au Tchad (Fact) et du Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR) présents dans le nord du Tchad.  

Amadou Camara Gueye

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