Publié le 2 Mar 2024 - 12:13
AGRESSION CONTRE MAIMOUNA NDOUR FAYE  

La presse fait bloc autour de la consœur 

 

Une enquête rapide et très poussée pour situer les responsabilités dans l’affaire de la tentative de meurtre sur Maïmouna Ndour Faye. C’est l’invite de la Coordination des associations de la presse (Cap) aux autorités étatiques.

 

Pour manifester son soutien à la patronne de la 7TV qui a été sauvagement agressée durant la nuit du jeudi au vendredi, la Coordination des associations de la presse (Cap) s’est donné rendez-vous hier devant les locaux de cette chaine. Journalistes, politiciens, acteurs de la société civile et culturels, ministres et responsables politiques de l’opposition ont répondu à l’appel.

Pour la circonstance, des confrères ont brandi des pancartes où on pouvait lire : ‘’Le monstre ne menace plus, il attente à la vie des journalistes’’ ; ‘’La liberté d’expression poignardée, mais la presse restera debout’’ ; ‘’Agression de Maïmouna Ndour Faye, le monstre prend un autre visage’’.

Dans cette même veine, les messages des différents intervenants ont tourné autour de la nécessaire unité de la presse pour face au monstre, de l’ouverture d’une enquête pour situer les responsabilités, afin que pareille chose ne puisse plus se reproduire.

Le président de la Convention des jeunes reporters du Sénégal (CJRS) parle carrément d’une tentative de meurtre. Migui M. Ndiaye interpelle les confrères, afin qu’ils ne cherchent pas le buzz dans leur traitement de l’information. ‘’La reconnaissance des pairs est meilleure que celle des réseaux sociaux. Maïmouna Ndour Faye (MNF), je l’admire, car elle se comporte comme une professionnelle. Elle nous donnait souvent son signal dans nos manifestations, en tant que patronne de presse. Nous condamnons cet acte. La faire taire, c’est peine perdue. Il y a des centaines de MNF dans les rédactions. Nous serons là et essayer de nous faire taire, c’est peine perdue’’, a juré le journaliste de la RSI.

Absa Hane de Seneweb pense que la situation de MNF aurait dû être pire. Elle demande que le gouvernement prenne en charge la sécurité des journalistes, autrement, personne ne sera à l’abri. ‘’Nous avons prévu une journée le 8 mars et la sécurité des journalistes fait partie de nos actions. J’ai été agressée. Aujourd’hui, c’est Maïmouna. Demain, on ne sait pas qui sera le suivant’’, a-t-elle témoigné.

Membre de la Cap, Ibrahima Lissa Faye a souligné que MNF est une grande dame qui a blanchi sous le harnais dans le journalisme. À ses yeux, la mobilisation d’hier n’était pas réussie. Qu’elle méritait plus. ‘’A chaque fois, nous alertons et nous mobilisons. Ce que nous attendons de la mobilisation des confrères n’est pas encore vu. Qu’on se mobilise comme ce fut le cas en 2006 et en 2009. Aujourd’hui, on est plus nombreux dans les médias. Il faut qu’on soit uni. Qu’on ne cherche pas d’autres prétextes. À chaque fois qu’un journaliste fait un bon travail, il a des problèmes. J’ai été victime de plusieurs moqueries. Actuellement, on me taxe d’anti-pouvoir, mais cela ne m’ébranle pas. Ce qui m’intéresse est que je mène bien mon travail. Que je ne dévie pas de ma ligne éditoriale. Que ces agresseurs des journalistes aillent chez les hommes. Moi, j’ai pris mes dispositions. Toute personne qui tenterait de s’attaquer à moi, elle va le regretter. Je suis clair sur cette question’’, a déclaré le patron du site Pressafrik.

Prenant la parole, le secrétaire général du Syndicat des professionnels de l'information et de la communication du Sénégal (Synpics) a scandé avec le public les expressions suivantes : ‘’Violence policière, il faut que cela cesse !’’ ; ‘’Violence politique, il faut que ça cesse !’’ ; ‘’Violence militante, il faut que cela cesse, ce n’est pas négociable !’’.

L’appel à l’unité

En à croire Bamba Kassé, le journaliste Khalifa Diakhaté du groupe E-Média est victime d’injures, depuis des mois. ‘’Si on demandait, ici, ceux qui n’ont jamais été victimes d’injures, ils seront peu. Tous ceux qui parlent dans les médias vivent de cette situation. Le Sénégal n’a jamais été ainsi. Nous avions été témoins de deux alternances politiques. C’était chaud, mais les journalistes étaient en position d’arbitres. Au Sénégal, depuis quand n’avez-vous pas vu un expert venir donner son point de vue dans les médias ? Personne n’ose plus, à cause de cette situation. Des gens qui ne savent rien font le tour des médias, pendant ce temps, les experts ont fui les médias. Si les journalistes sont dans la panique, ce sera la der. On ne doit pas arriver à cette situation’’, a lancé M. Kassé.

Ensuite, il a dit son soulagement que la consœur ait survécu à son agression. ‘’Nous rendons grâce à Dieu. On avait peur qu’elle rende l’âme, quand on a vu les vidéos. Nous demandons à l’État du Sénégal de prendre en charge la sécurité des journalistes. Que la police et la gendarmerie fassent tout pour qu’on puisse identifier et arrêter l’auteur. Cette situation est prise en otage dans les réseaux sociaux. En effet, il y a des gens qui parlent de mise en scène, d’autres qui croient à une agression. Qu’on retrouve le Sénégal d’antan. Il faut qu’il y ait une célérité dans l’enquête. Avec l’agression d’Absa (Hane), nous avons eu le matricule, le nom de son agresseur. Que la police fasse son travail, le sanctionne, ne serait-ce que pour la sécurité du mis en cause. Que la police fasse ce qu’elle doit faire sur ce cas et le plus rapidement possible. Qu’on accélère l’enquête pour savoir l’auteur de l’agression de MNF, pour éclairer la lanterne de tout le monde’’.

D’après lui, tant que les acteurs de la presse ne seront pas unis dans la vérité, ce n’est pas demain la veille la fin de ces agressions. ‘’Unis, je ne dis pas que cela ne va plus arriver, mais il se fera rare. Qu’on se mobilise. La meilleure réponse c’est de se souder pour être un seul homme. La mobilisation qu’on avait enregistrée, depuis l’affaire Kambel et Kara Thioune, la mobilisation qu’on avait faite a eu comme conséquence que de pareils cas ne se soient plus reproduits dans un stade avec un journaliste sportif’’, a-t-il rappelé.

‘’C’est un combat pour tous’’

Parlant au nom de toute la classe politique présente à la rencontre, Mamadou Diop Decroix a souligné que c’est l’avenir du pays qui est en cause, car si on agresse la presse, c’est toute la démocratie qui plombe. ‘’Moi qui vous parle, j’ai été emprisonné, pendant plusieurs mois, car j’écrivais juste dans un journal clandestin. Autant il y a un pluralisme médiatique, autant c’est bien pour le pays. À défaut, on risque de retourner à la situation de départ avec un seul média, un seul parti et la prison. C’est un combat pour tous. Ce problème n’est pas pour les journalistes. C’est pour nous tous. Moi, je suis un leader politique, donc on ne doit pas agir ainsi. Qu’on mette dans les règlements des partis que ceux qui critiquent les journalistes seront exclus. Il faut que l’auteur puisse être arrêté et puni. Il y a dans cette rencontre le pouvoir et l’opposition, donc, on ne doit pas perdre cela. Les journalistes ont une responsabilité dans ce pays. Il faut qu’il y ait une unité. Nous allons vous accompagner pour cette responsabilité, sinon nous allons tous perdre’’, a soutenu M. Diop.

Il a, ensuite, rappelé que quand il était ministre de la Communication, lorsqu’il était devant le président Wade, il était l’avocat des journalistes et devant les journalistes celui de l’État.

Le directeur de la Communication, Ousseynou Dieng, a laissé entendre qu’aujourd’hui, c’est la presse, la démocratie et la Constitution qui ont été poignardées. ‘’Nous nous réjouissons de cette solidarité et de la mobilisation de la presse. Nous nous sommes battus pour avoir cette démocratie. Le pays est en train de traverser une situation grave. Cet acte est lâche et inexcusable. L’État a enclenché ce processus pour faire jaillir la lumière. On ne peut pas imaginer un pays sans une presse libre. Nous allons travailler pour rendre cette presse plus forte. Soyons forts et unis. Maïmouna se tue pour mettre ses journalistes dans de bonnes conditions’’, a-t-il révélé.

À la fin de la rencontre, Ibrahima Lissa Faye a annoncé que la Cap va se réunir prochainement, au plus tard mardi, pour rendre public son nouveau plan d’action.

Par ailleurs, on nous signale que le ministre de l’Intérieur a rendu visite à Maïmouna Ndour Faye, avant de promettre que toutes les dispositions seront prises pour l’arrestation de l’auteur de cet acte barbare.

CHEIKH THIAM

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