Publié le 19 Mar 2020 - 06:44
ALIOU GOLOKO, EXPERT MEDIA DE LA CAF

‘’La lutte contre le coronavirus interpelle Ahmad Ahmad et sa bande’’

 

Journaliste sénégalais et expert média de la Confédération africaine de football, Aliou Goloko est revenu sur l’actualité du football, au cours d’une interview exclusive qu’il a accordée au quotidien ‘’EnQuête’’. 

 

La Caf a annulé les deux prochaines journées des éliminatoires de la Can-2021, en raison de la propagation du coronavirus. Comment trouvez-vous cette décision ?

C’est une décision prévisible, parce que la plupart des joueurs africains évoluent en Europe. Ce continent est largement infecté par le coronavirus. Donc, c’est tout à fait normal que la Confédération africaine de football réagisse de la sorte. Il faut dire aussi que c’est une décision très sage. Les dirigeants du football africain ne doivent pas prendre le risque de contaminer le maximum de personnes dans le continent. C’est vrai que l’Afrique était un peu épargnée de la Covid-19, mais cette semaine, on a vu que beaucoup de pays sont touchés par cette maladie. Donc, la Caf a pris une décision sage en reportant la 3e et la 4e journée des éliminatoires de la Can-2021 prévue au Cameroun.

Et le Chan-2020 prévu au Cameroun ?

Les dirigeants murmuraient également sur un report du Championnat d’Afrique des nations (Chan, NDLR) prévu au Cameroun et réservé aux joueurs évoluant sur le continent. Cela s’explique par le fait qu’on est dans un monde globalisé et que d’autres intervenants sur les compétitions africaines viennent des pays européens. Le virus est là et il est réel. Donc, aujourd’hui, la mesure logique consiste à reporter toutes les compétitions, à l’instar de tous les autres pays du monde.

Aujourd’hui, les plus grands championnats d’Europe sont suspendus, à cause de cette pandémie. Quelle est votre lecture sur la situation actuelle du football mondial face au coronavirus ?

La situation mondiale du football, voire du sport est à l’arrêt total. C’est tout à fait normal parce qu’aujourd’hui, la santé des populations, des acteurs et des spectateurs prévaut sur le business ou les autres enjeux. On est arrivé au moment où les footballeurs et dirigeants sont touchés. Donc, c’est une décision très sage, même si c’est difficile à prendre à cause de l’enjeu financier. Mais c’est ce qu’il fallait faire. La pandémie est là et il faut faire avec, en essayant de s’adapter. Ce que je peux dire, c’est qu’il nous faut deux, trois, voire plusieurs mois pour que nous puissions revenir à la situation normale.

Peut-on s’attendre à de lourdes conséquences ?

Les conséquences sont là et réelles. C’est une situation qui met au repos forcé tous les sportifs de haut niveau. Les footballeurs évoluant dans les grands clubs et notamment les 5 championnats majeurs (France, Angleterre, Espagne, Angleterre et Italie) ne s’activent plus. À côté des footballeurs, il y a les officiels, spectateurs qui sont impactés. Les amateurs du foot n’ont pas la possibilité de vivre leur passion comme ils le faisaient en allant au stade. Ils l’ont déjà senti pendant le week-end parce qu’ils étaient tous ennuyés, surtout ceux qui restaient à la maison. C’est dommage pour tout le monde. Il y a aussi le manque à gagner au plan économique. Rien qu’en Ligue 1 française, on parle d’une perte provisoire de 170 millions d’euros. C’est les mêmes impacts quasiment dans les autres pays, notamment la NBA (National Basketball Association américaine, NDLR) et la Premier League anglaise où c’est des milliards. Cette rupture constitue une situation qui ne laissera aucun secteur d’activité.

Qu’en pensez-vous de la proposition du président de la Fifa, Gianni Infantino, d’organiser la Can pour une périodicité de quatre ans ?

Le président de la Fifa, Gianni Infantino, n’a fait qu’une proposition. Maintenant, la décision finale appartient aux dirigeants de la Caf. Ils ne sont pas encore réunis, mais il va falloir qu’ils saisissent d’abord le congrès et les différents acteurs du football africain pour prendre la décision. Infantino a certainement ses raisons, mais la Caf est la seule institution habilitée à prendre une mesure allant dans ce sens. Seulement, on n’est pas encore à ce stade. Aujourd’hui, c’est la lutte contre le coronavirus qui interpelle Ahmad Ahmad et sa bande.

L’organisation de la Can en été ou en hiver. Selon vous, qu’est-ce qui contrarie l’instance africaine de choisir un calendrier fixe ?

Écoutez, je ne peux pas répondre à la place de la Caf. Cette dernière a certainement ses raisons. Mais je sais que le président de la Confédération africaine de football, Ahmad Ahmad, a toujours parlé de la flexibilité de l’agenda ou du calendrier, pour la bonne et simple raison que les réalités climatiques, politiques et économiques ne sont pas pareilles dans les différents pays africains. Ce qui fait que, désormais, il voudrait beaucoup plus mettre en avant le dialogue entre les pays organisateurs et la Caf en elle-même pour trouver, d’un commun accord, le meilleur moment pour l’organisation des compétitions. Je pense que c’est une décision assez réfléchie. Elle permet également de ne pas imposer des choses à ces pays hôtes et qui décaissent assez de moyens pour organiser les compétitions de la Caf. Donc, il est tout à fait logique que ces pays aient leur mot à dire.

Pensez-vous que le Cameroun sera prêt pour abriter le Chan-2020 et aussi la Can-2021 ?

Il n’y a pas de raison que le Cameroun ne soit pas prêt aussi bien pour l’organisation du Chan-2020 que la Can-2021. Tous les jours, on voit les images des différents stades au Cameroun. J’en veux pour preuve, le stade de Japoma a été choisi pour accueillir la finale de la Ligue africaine des champions cette année. Une manière de dire qu’en termes d’infrastructures sportives, 85 ou 90 % ont fini d’être construits. Maintenant, ce sont les autres infrastructures qui doivent accompagner celles sportives qui étaient en phase de finalisation.

En tout cas, je reste convaincu que le Cameroun, qui est une grande nation de sport, une grande nation du football, sera bel et bien prêt pour abriter ces deux grandes compétitions.

La première pierre du Stade du Sénégal a été posée le mois dernier et les travaux vont durer 17 mois. Pensez-vous que le Sénégal pourrait accueillir une deuxième Can, après celle de 1992 ?

(Il hésite) C’est déjà une très bonne idée du gouvernement sénégalais de construire un stade flambant neuf, parce que le besoin était là et en plus, nous organisons les Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ-2022). Donc, ça va avec la construction d’infrastructures. C’est ce que le président Macky Sall et son gouvernement ont fait en posant la première pierre du Stade du Sénégal à Diamniadio. Je pense que ce stade va respecter toutes les normes de construction moderne, des standards sportifs du monde et qui pourrait donner plus d’arguments au Sénégal pour vouloir abriter, dans les années à venir, les différentes compétitions internationales. Le Sénégal a le profil désormais, car c’est un pays stable et qui bénéficie de beaucoup de réceptifs hôteliers. Je pense que si ce stade sera réceptionné et les autres stades régionaux réfectionnés, il n’y a pas de raison que le Sénégal ne postule pas pour l’organisation d’une Coupe d’Afrique des nations et même d’autres compétitions.

Comment voyez-vous la saison (2019-2020) en cours de Sadio Mané, vainqueur du Ballon d’Or africain 2019 avec Liverpool ?

Je pense que, pour l’instant, Sadio Mané reste sur les mêmes standards que ses performances de la saison dernière. En tout cas, au niveau individuel, il continue à marquer des buts et à être décisif avec l’équipe de Liverpool. Il a en grande partie contribué à la performance de son club cette année, qui va inéluctablement être champion d’Angleterre avec déjà plus de 20 points d’avance sur son dauphin Manchester City. Je pense que la Premier League est déjà pliée pour un club qui n’avait pas été champion depuis trois décennies. Je trouve que ça va être une grande performance, déjà, pour les Reds.

Maintenant, c’est vrai qu’ils sont déjà éliminés en Champions League. C’était tres difficile pour cette équipe de jouer à ce niveau-là pendant autant de temps, parce que pendant deux ans, ils ont été très bons et très efficaces, et n’ont quasiment pas perdu de match. Je trouve qu’il fallait s’attendre à ce que cette équipe-là ait un moment de vide, un moment de mou et c’est ce qui est en train de se passer. Toujours est-il que ça n’enlève rien à la brillante et belle saison que Sadio Mané est en train de faire.

Maintenant, pour le Ballon d’Or, on verra. Mais avec le coronavirus, si les championnats sont arrêtés aujourd’hui, je ne sais pas comment est-ce qu’on va primer les joueurs sur le plan individuel.

CHEIKH GAWANE DIOP (STAGIAIRE)

 

Section: