Publié le 26 Apr 2017 - 22:30
ALY SECK NDIAYE, COORDONNATEUR MAISON DE LA JUSTICE DE KAOLACK

‘’Nous avons 90% de taux de réussite à Kaolack’’ 

 

Les maisons de justice font leur bonhomme de chemin. Celle de Kaolack a eu un taux de réussite de 90%, avec 18 millions F CFA recouvrés en 2016. Le coordonnateur Aly Seck Ndiaye revient, à travers cet entretien, sur les acquis et les défis à relever.

 

Est-ce que les maisons de justice font partie désormais de la culture des Sénégalais en termes de gestion des conflits ?

Oui, je peux sans conteste répondre par l’affirmative. Je donne juste deux paramètres. Premièrement, c’est qu’actuellement, nous voyons que nous avons un accroissement du nombre de maisons de justice du point de vue numérique. De 1999 à maintenant, nous en sommes à 18. Ce qui signifie que les maisons de justice font leur bonhomme de chemin. Deuxièmement, le nombre important de visites que nous avons  au sein des maisons de justice prouve à suffisance que les maisons de justice font partie maintenant du quotidien des Sénégalais. Donc, si on prend en compte ces deux éléments, l’on peut dire sans conteste que les maisons de justice sont ancrées dans le quotidien des Sénégalais.

Quel est le bilan que vous avez à Kaolack ?

Le bilan est plutôt financier. Je dirais que le résultat que nous avons à Kaolack est très bon. Depuis l’ouverture de la maison de justice en 2010, les résultats vont crescendo. D’une année à une autre, nous voyons un accroissement du nombre de personnes qui viennent au sein des maisons de justice. Elles voient régler leurs conflits ou bien sont informées du point de vue du droit et sont assistées pour l’obtention de certains documents administratifs, entre autres, qui entrent en droite ligne avec les missions qui sont dévolues aux maisons de justice. A Kaolack, en 2016, nous avons recouvré plus de 18 000 000 F CFA, pour les populations et les créanciers qui étaient venus réclamer leurs dus à des débiteurs ; ce qui prouve que les maisons de justice font un travail consistant, particulièrement à Kaolack.

Quel est le nombre de litiges enregistrés pour l’année 2016 ?

Pour l’année 2016, nous avons reçu 2 216 cas de diverses natures et de différents objectifs. Pour ce qui est des médiations, nous en avons reçues 1 635 avec un taux de réussite de 90%. Chaque maison de justice a sa spécificité. La nature des conflits dépend de la sociologie de la maison de justice. A Kaolack, les cas les plus prédominants sont essentiellement des rapports de voisinage.

Sur 10 conflits, les 7 ou 8 cas tournent autour de la famille. C’est soit un cas de conflit de voisinage, de mariage ou de divorce. C’est-à-dire tout ce qui touche la famille de manière générale. Permettez-moi de faire une précision. Pour le bilan des 18 000 000 F Cfa, c’est entre autres les conflits que nous recevons. Ce qui ne signifie pas pour autant ce sont uniquement les cas d’ordre familial que nous recevons.

Si vous êtes confrontés à un cas non résolu, qu’est-ce que vous faites ?

Il nous arrive d’avoir des cas de ce genre mais c’est minime. Devant cette situation, nous rédigeons un procès verbal de non-réconciliation et on indique à la partie intéressée ou bien qui n’a pas été convaincue par le résultat, la conduite à suivre. La plupart du temps, c’est de saisir le tribunal afin d’avoir une résolution contentieuse du conflit. Nous, à notre niveau, on essaie de faire une résolution à l’amiable. Si la résolution à l’amiable bute sur quelque chose, la partie intéressée saisit directement le tribunal avec notre soutien-assistance pour ce qui concerne  la rédaction, un certain nombre d’informations dont il aura besoin et que nous lui donnerons pour faciliter la procédure qu’il va suivre au tribunal ; et généralement, c’est dans cette structure que cela se passe.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés ?

Nous sommes confrontés à d’énormes difficultés. Premièrement, il nous est difficile de faire le tour de la région de Kaolack parce que nous manquons de matériel roulant. La maison de justice de Kaolack n’a pas encore de véhicule de service et pour cela, nous interpellons la municipalité, les autorités, toute personne qui sera prompte à nous aider pour l’obtention d’un véhicule de service. Deuxièmement, le financement de certains de nos activités. La municipalité est notre premier partenaire et c’est elle que nous interpellons en priorité. Qu’elle nous appuie pour l’obtention des subventions et le financement de nos activités. Voilà entre autres les difficultés auxquelles nous sommes confrontés au sein de la maison de justice de Kaolack.

Est-ce que les populations sont convaincues de l’importance des maisons de justice ?

Je dirais qu’elles se sont approprié les maisons de justice parce qu’elles se ruent constamment sur les maisons de justice pour s’informer ou régler leurs litiges. Il y aussi la rapidité et de la créativité dans les maisons de justice, entre autres raisons que l’on peut évoquer pour dire que les populations sont convaincues de l’importance des maisons de justice.

Est-ce que vous essayez de vous appuyer sur les porteurs de voix tels que  les imams, chefs de quartier, ASC… ?

Nous n’avons même pas besoin de nous appuyer, mais nous travaillons avec eux parce que l’Imam, le président du collectif des oulémas à Kaolack, sont membres de droit du comité de coordination des maisons de justice. Le chef de quartier est membre de ce même comité qui se trouve être l’organe pilote qui donne les instructions, oriente et propose un plan d’actions pour la bonne marche de la maison. Donc nous nous appuyons sur eux. Si nous organisons des causeries dans les quartiers, nous faisons appel à eux.

Est-ce que vous sentez l’implication des autorités locales et centrales ?

Nous la sentons mais elle n’est pas tellement consistante, surtout la municipalité. Nous avons encore besoin d’elle parce que les maisons sont là pour la population. Nous travaillons pour la commune et c’est sur ce point que nous les appelons à une étroite collaboration, pour que l’on puisse atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.  

Quelle est la fonction réelle des maisons de justice ?

Les principales missions qui sont dévolues aux maisons de justice sont de deux catégories. En fait, le droit n’est pas compris par tout un chacun. C’est dans ce contexte-là que l’Etat du Sénégal a compris qu’il fallait que les populations se l’approprient. Donc la première fonction est de rapprocher la justice des justiciables. Cela signifie tout simplement que nous sommes là pour informer juridiquement les citoyens. En termes plus simple, nous explicitons des domaines du droit au citoyen qui va venir vers nous, une information juridique, parfois une assistance juridique pour l’obtention de certains documents administratifs.

Là, on assiste l’individu et c’est la première mission. La seconde mission, c’est de désengorger les tribunaux. Il y a un certain nombre d’affaires qui suivent la procédure longue et lente dans les tribunaux, alors qu’elles pouvaient être résolues à l’amiable. A un certain moment, on s’est rendu compte qu’il y a trop de dossiers qui traînent dans les tribunaux. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas assez de magistrats, de juridictions et la procédure est trop longue, sachant qu’il y a certaines affaires qui n’ont pas besoin de dormir dans les tiroirs et d’attendre toute cette procédure longue et lente. Ainsi au lieu de laisser certains dossiers dormir dans les tiroirs, on essaie de les reprendre pour les résoudre à l’amiable dans les maisons de justice. De manière générale, ce sont là les deux missions qui nous sont assignées. 

AIDA DIENE

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