Publié le 6 Sep 2019 - 07:53
AMADOU BELLAL BALDE (SG MAIRE DE SAINT-LOUIS)

‘’La commune ne dispose pas, à elle seule, d’assez de moyens pour faire face à ce problème-là’’

 

La gestion de l’insalubrité à Saint-Louis n’est pas une chose aisée. Du côté des autorités municipales indexées par les citoyens, on évoque des soucis financiers pour faire face à cette problématique. Dans une interview accordée à ‘’EnQuête’’, le secrétaire général du maire, Amadou Bellal Baldé, revient sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés et les actes posés jusque-là, tout en décriant l’attitude de certains citoyens.

 

En dépit de sa réputation d’être la plus belle cité du Sénégal, Saint-Louis est une ville où la salubrité reste un défi. Qu’est-ce qui explique une telle situation ?

En réalité, il y a du mieux, depuis quelque temps, d’autant plus qu’on vient de sortir d’un programme de nettoiement de la ville avec des moyens importants. On a mobilisé plusieurs partenaires qui sont venus en renfort à la commune avec des moyens lourds, des pelles mécaniques, des tractopelles, des camions.

Ceci pour nous appuyer à dégager l’insalubrité qui régnait dans certains endroits de la ville. C’est dans ce village que nous avons eu à faire la digue de Ndiolofène. Les deux côtés ont été nettoyés. On a eu à faire les berges de Goxu Mbacc, Guet-Ndar, Hydrobase. Il y a également Corniche et finalement, on a terminé sur la digue de Pikine. Ces endroits, de manière globale, ce sont des points durs. Du fait que, culturellement, les Saint-Louisiens ont le réflexe, à chaque fois qu’il faut se débarrasser de leurs ordures ménagères, de se diriger vers ces endroits-là. C’est un problème culturel. Mais également un réflexe naturel chez beaucoup de populations saint-louisiennes. C’est pourquoi il est très difficile de maintenir ces endroits-là propres. Néanmoins, la commune a pris le taureau par les cornes.

En quoi faisant ?

Ces derniers temps, on s’est inscrit dans la gestion durable de la salubrité, de la ville de manière générale et surtout de ces endroits bien précis. C’est ainsi que nous avons, après les opérations de nettoiement, eu à développer un partenariat avec le service régional d’hygiène pour qu’il nous appuie en termes de suivi. Les populations, c’est très difficile de les contrôler. Etant donné qu’il y a un service dédié à cette activité, nous les avons mobilisés, à travers la mise à leur disposition des moyens, pour qu’ils puissent faire ce travail de police d’hygiène. A ce titre, nous espérons disposer des résultats probants sur le terrain. Cela n’empêche pas le fait qu’en même temps, au niveau de nos services, nous sommes dans une dynamique de nous rééquiper, de renforcer notre parc. Ceci, à travers l’acquisition d’une poly-benne et également d’une tractopelle. Ces acquisitions sont en cours. La poly-benne devrait nous être livrée dans les prochains jours, ainsi que la tractopelle. Donc, c’est des marchés qui ont été lancés, adjugés.

Au-delà de ça, nous sommes en train également de nous mobiliser en interne afin d’apporter les meilleures réponses à cet objectif de maintenir la ville de Saint-Louis propre, comme cela se faisait dans le temps. C’est pour dire qu’effectivement, les autorités municipales, avec à leur tête le maire Mansour Faye, sont conscientes de l’importance de la question de la salubrité pour les populations saint-louisiennes, les autorités administratives, etc. A ce titre, des efforts sont en train d’être faits et seront maintenus afin d’atteindre les objectifs fixés en termes de salubrité. 

Quel est concrètement le budget déployé par la mairie pour cette opération de nettoiement et pendant comment de temps elle a duré ?

Pour le moment, on ne dispose pas de chiffres définitifs. Mais ce qu’il faut comprendre dans ce programme qui a été déployé, il a duré 6 jours. Il a vu la commune mobiliser des partenaires comme Ide, qui est venu nous appuyer avec 5 camions de 16 m³, un chargeur et une tractopelle, avec également le personnel qui va avec. Les mêmes moyens ont été déployés par Ecotra. Le tout est venu renforcer les moyens de l’Ucg, qui est là de manière permanente avec des camions-bennes et un chargeur, en plus des moyens de la mairie. C’est avec tous ces moyens que nous avons, durant 6 jours, pu abattre cet important travail qui nous a valu ces résultats que vous pouvez constater au niveau de la digue de Ndiolofène, des berges de Goxu Mbacc, Corniche, Hydrobase, etc., et même le marché de Sor. Pour le budget, c’est des moyens colossaux. Parce que c’est du carburant, des motivations, etc. Nous n’avons pas encore fini de stabiliser le budget.

Qu’avez-vous prévu pour le suivi ?

Nous avons déjà mobilisé les services d’hygiène et nos services. Le dispositif de suivi après opération d’éradication des dépôts sauvages est élaboré. Il s’agit notamment de mettre en place, pour la digue de Ndiolofène, une benne, 15 agents pour enlever les ordures, deux équipes de surveillance (matin-soir) en collaboration avec le service d’hygiène. Pour la Langue de Barbarie (Goxu Mbacc, Guet Ndar et Hydrobase), il est prévu un passage de nos bennes, le renforcement de l’équipe de nettoiement. Mais aussi la création d’une équipe de surveillance sur les trois sous-quartiers avec les Ocb et les services d’hygiène à Goxu Mbacc et le repositionnement des 5 caisses de Goxu Mbacc.

Concernant la berge de Corniche, c’est le ramassage périodique de la caisse et des bacs à ordures qui sont envisagés, et en même temps le renforcement de la surveillance. Le long de la berge de Guet-Ndar, il est programmé la création d’une équipe de surveillance en rapport avec les organisations communautaires de base (Ocb) du quartier. Et, enfin, pour la digue de Pikine et Bassin, il est envisagé un site relais, le remplacement de l’équipe de nettoiement et la mise en place d’une équipe de surveillance.

On constate que de telles initiatives ne sont pas quelque chose de nouveau. En 2014, l’actuel maire Mansour Faye avait lancé, à son arrivée, le programme ‘’Ndar set wecc ba faaw’’. Aujourd’hui, qu’en est-il ?

En effet, c’est ce programme que nous sommes en train de poursuivre. Ce n’est pas facile de se suffire des moyens de la commune pour nettoyer la ville. C’est très compliqué, en termes de budget, de moyens roulants. La commune ne dispose pas de tous ces moyens-là. C’est pourquoi nous avons fait appel à ces opérateurs qui sont venus en renfort. C’est à travers ce programme de Monsieur le Maire que nous sommes en train de prendre la question du nettoiement à bras le corps. Et si on ne disposait pas de ces opérateurs-là, ça allait être compliqué pour nous. On a des bennes, un camion 32 m³, mais qui tombe souvent en panne.

Donc, c’est des moyens qui sont là, mais ne suffisent pas pour gérer la ville. La commune ne dispose pas, à elle seule, d’assez de moyens pour faire face à ce problème-là. Le phénomène est accentué par la croissance démographique. Saint-Louis connait une croissance démographique un peu extraordinaire. La ville s’est élargie. Donc, il y a une concentration des populations. Ce qui amène un rythme de production des ordures assez élevé. Il faut que les moyens aillent avec le niveau de croissance de la population. S’il n’y a pas cette adéquation entre accroissement de la population et moyens, ça pose problème. Alors que les collectivités locales par rapport aux moyens, ce n’est pas toujours le cas. C’est des difficultés.

Donc, vous voulez dire que la mairie a un problème de moyens financiers pour fonctionner comme il le faut ?

La commune, à elle toute seule, ne dispose pas de tous les moyens nécessaires pour prendre en charge toute la dimension de production des ordures ménagères. Certes, on en dispose de quelques-uns et nous recevoir d’autres qui pourront renforcer notre parc. Mais cela ne va jamais suffire. On aura toujours besoin de moyens extérieurs. C’est lié à la nature de la ville. C’est une ville d’eau et il y a beaucoup de phénomènes qui expliquent toute la difficulté de la dimension de la prise en charge des déchets.

Mais au-delà des moyens, est-ce que les populations sont associées à ce processus ?

C’est une double réponse. Certes, on a un accompagnement des populations. Lors de notre première journée de nettoiement, la population est venue répondre à l’appel de Monsieur le Maire. Mais, en même temps, elle a une grande part de responsabilité par rapport au désordre qui règne en termes de déversement des ordures. En réalité, c’est elle-même qui laisse les conteneurs à côté et déverse les ordures par terre. C’est un phénomène inexplicable et nous le constatons tous les jours. Ce sont les populations qui créent ces dépôts sauvages. Alors qu’elles pouvaient, soit verser les ordures dans les conteneurs, soit les donner aux agents pour qu’ils les transfèrent. D’un côté, c’est à nous de les sensibiliser et de les amener à changer de comportement. Même si, dans quelque chose, on sent l’adhésion des populations.

Parfois aussi, on voit que des conteneurs sont remplis et les camions passent rarement. Il y a des endroits où il n’y a pas de bacs à ordures…

On a des moyens, mais ça ne va jamais suffire par rapport à la configuration de la ville. Ce que vous dites est vrai. A certains endroits, on n’a pas suffisamment de caisses pour les disposer et satisfaire tout le monde. Mais, à ce niveau, notre action doit être complémentaire avec celle des populations. Donc, si on ne peut pas mettre un conteneur devant chaque concession, les populations pourraient, par réflexe, se diriger vers ceux disponibles. Il est également évident qu’on dispose d’une seule poly-benne qui doit prendre toutes les caisses et faire des allers-retours au niveau de toute la ville. C’est compliqué. C’est pourquoi on a acquis une seconde poly-benne.

A chaque fois que des problèmes se posent à nous, nous essayons de trouver des solutions. Mais les moyens ne suivent pas toujours. Ces types d’opération sont très coûteux et ne peuvent pas se faire tous les jours. Ce qui veut dire que si on veut prendre carrément en charge la question des ordures, c’est une collaboration qu’il faut entre l’autorité municipale et les populations. Qui, à la base, pourront développer des systèmes de développement de gestion des ordures qui permettent de les conserver un à deux jours pour qu’on ait le temps de déverser les conteneurs et de venir les disposer à nouveau. C’est comme ça qu’on peut prendre la question en charge.

Est-ce que ceci ne nécessite pas aussi une formation, parce qu’au Sénégal, les femmes ne savent pas faire le tri des ordures ménagères ?

Quand je dis sensibilisation, c’est les deux choses qui vont avec. Donc, il faut informer, communiquer, sensibiliser et former. C’est un vrai programme d’Iec (informer, éduquer, communiquer). Effectivement qu’on a constaté que les gens ne savent pas trier les ordures. Ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas, mais ils ne savent pas. Bien que certains le font exprès. Il faut développer des programmes de sensibilisation. D’où l’intérêt de la collaboration avec les jeunes que nous avons initiés, dont leurs missions régaliennes tournent autour de cette question de sensibilisation. Effectivement, dans les prochains jours, on va se tourner vers ça. C’est-à-dire débarrasser les ordures et les sensibiliser, les conscientiser en même temps par la façon de gérer les ordures.

Est-ce que vous vous êtes fixé un deadline, cette fois, pour l’atteinte de vos objectifs ?

En tout cas, les opérations ont débuté. A travers le programme de suivi, le chef de division nettoiement et les directeurs des services techniques vont développer cette stratégie de communication. On dispose à Saint-Louis d’une brigade d’hygiène. Ce ne sont pas des éléments d’hygiène, mais une brigade qui a été formée par les services d’hygiène par rapport à cette question de sensibilisation. Ils seront mis à profil afin qu’ils déroulent ce programme. C’est un avantage pour la commune d’avoir ces éléments-là. Qui d’ailleurs, seront renforcés dans les prochains jours.

MARIAMA DIÉMÉ

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