Publié le 14 Jan 2021 - 13:56
ANNULATION DELIBERATION DE 378 HECTARES AU PROFIT D’AAD

La Cour suprême rend à Guéréo ses terres 

 

Le Conseil rural de Sindia avait, en son temps, octroyé 378 hectares à la société Architecture aménagement durable (AAD), au grand dam des populations qui, depuis lors, ont mené une lutte acharnée pour recouvrer leurs terres. La Cour suprême a cassé cette attribution pour restituer aux populations leurs biens.

 

C’est par la notification de l’arrêt n°39/2020 en référence aux J/347/19, que la Cour suprême, suite à son audience publique ordinaire du jeudi 26 novembre 2020, a rendu la victoire aux populations de Guéréo, concernant le litige foncier qui les opposait à la société AAD du sieur Pascal Versiglioni. Le litige remonte à 2012. Par la délibération du 2 février 2012, approuvée le 2 octobre 2012 par le sous-préfet de Sindia, le Conseil rural de Sindia a procédé aux affectations d’un terrain du domaine national sis à Guéréo, dans le projet d'aménagement des collines de Guéréo, d'une superficie de 118 ha 98 a et 49 ca, pour une zone agricole ; d’un terrain d'une superficie de 140 ha au projet immobilier ; d’un terrain d'une superficie de 35 ha à la population pour renforcer le tissu économique ; d’un terrain d'une superficie de 85 ha à la zone espace vert naturel aménagé.

A cet effet, le CR de Sindia avait notifié à la société AAD la décision d'attribution d'un terrain de 378 ha du plan de lotissement des collines de Guéréo. Mais une requête fut introduite par des habitants du village qui prétendent être attributaires, dans le même périmètre du projet, de terrains à usage d'habitation et à usage agricole de plusieurs hectares. Ils soutenaient n'avoir jamais reçu signification de leur désaffectation et estimaient avoir été mis au courant par une correspondance du directeur des Domaines par laquelle il répondait à une demande de régularisation par voie de bail, au profit de la structure AAD.

Dès lors, la Cour suprême considère qu’à l'appui de leur recours, les requérants ont soulevé trois moyens tirés de la violation de la loi. ‘’Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 9 du décret n°72-1288 du 27 octobre 1972 relatif aux conditions d'affectation et de désaffectation des terres du domaine national comprises dans les communautés rurales, en ce qu'ils n'ont reçu aucune mise en demeure’’, renseigne le document de notification.

Et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, la cour rappelle que, selon ce texte, la désaffectation totale ou partielle des terres du domaine national comprises dans les communautés rurales peut être prononcée, à tout moment, soit à la demande de l'affectataire, soit d'office, si un an après une mise en demeure restée sans effet, il est constaté par le président du conseil rural un mauvais entretien manifeste des terres par l'affectataire au moment des travaux saisonniers habituels, une insuffisance de la mise en valeur ou une inobservation répétée et grave des règles fixées en matière d'utilisation des terres ; soit d'office, si l’affectataire cesse d'exploiter personnellement ou avec l'aide de sa famille.

Dans la même dynamique, la Cour suprême, dans ses considérations générales, indique également qu'en l’espèce, le procès-verbal de transport sur les lieux, effectué par les membres de la chambre administrative, fait ressortir que Mamadou Mourtalla Ka bénéficie, depuis 2012, d'un bail sur le terrain objet de la délibération attaquée. Considérant qu'il résulte de la lettre du 27 juillet 2018 du chef du bureau du cadastre adressée au chef du bureau des Domaines de Mbour que le terrain litigieux fait l'objet de plusieurs occupations en dur, notamment cinquante-sept (57) NICADS délivrés dont neuf (9) demandes de bail instruites par le cadastre et l'assiette englobe le titre foncier n°2735fMB occupé par Mamadou Mourtalla Ka, et qu’il ne résulte pas de l’analyse des pièces du dossier que le conseil rural a mis en demeure les requérants, avant de procéder à la désaffectation et à la réaffectation à la société AAD, la Cour suprême ‘’annule la délibération n°2/CRS du 2 février 2012 du Conseil rural de Sindia approuvée le 2 octobre 2012· par le sous-préfet de Sindia portant attribution de 378 ha du plan de lotissement des collines de Guéréo à la structure dénommée Architecture et aménagement durable, en abrégé AAD’’, renseigne le document.

Les populations jubilent

Cette décision de la Cour suprême suffit pour mettre la population de Guéréo dans une joie totale. Faisant face à la presse hier, pour exprimer leur satisfaction devant cette annulation, les populations du village ont réitéré leur foi en la justice de leur pays. ‘’La population de Guéréo est très contente. Aujourd'hui, c'est une grande victoire pour elle. Nous avons eu gain de cause et c'est une décision historique de la Cour suprême qui, aujourd'hui, a restitué aux paysans de cette zone leurs terres de culture. C'est une jurisprudence et c'est très important, car la justice a pleinement joué son rôle, en appuyant les habitants, les pauvres paysans qui n'avaient pas de secours. Aujourd'hui, nous avons confiance en notre justice’’, a magnifié Youssoupha Ndione, porte-parole de la population.

A en croire le président du mouvement Guéréo Emergent, ‘’cela devrait pousser les élus locaux à revoir leur façon de faire dans la commune de Sindia. D’ailleurs, le président de la République, Son Excellence Monsieur Macky Sall, a toujours mis en garde les élus locaux contre ces problèmes de foncier et nous espérons que les autres problèmes que nous avons dans la commune de Sindia se verront traités de la sorte’’.

‘’En tout cas, poursuit Youssoupha Ndione, la population de Guéréo est contente, parce que ç’a été vraiment une bataille pour tout le monde et nous avons eu satisfaction. Donc, aujourd'hui, nous demandons aux autorités de revoir la réforme foncière, pour éviter ces difficultés que les paysans sont en train de vivre dans leurs localités’’.

Ce faisant, il a listé les autres litiges fonciers en suspens dans la zone et qui attendent encore des décisions similaires à celle de la Cour suprême. ‘’Je peux citer, par exemple, le cas de Décameron, ici à Guéréo. Il y a également le problème foncier qui oppose les habitants de Kignabour à Charles Hadad. Le problème de Ndombo, concernant beaucoup d'hectares qu'on a affectés à la fondation Sonatel. Et là également, à côté du village, on a une localité qui s'appelle Ngorya : ce sont des champs que les gens veulent prendre aux populations’’.

IDRISSA AMINATA NIANG 

 

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