Publié le 24 Jul 2020 - 18:33
APPLICATION LOI SUR LE PLASTIQUE

Les commerçants dénoncent ‘’une précipitation’’

 

L’Association des commerçants et industriels du Sénégal ainsi que l’ensemble des commerçants évoluant dans le secteur du plastique, ne sont pas prêts pour l’application de la loi de janvier 2020. Car des milliers de familles dépendent de cette économie.

 

Les commerçants et industriels du Sénégal s’opposent à la démarche choisie par le gouvernement pour faire appliquer la loi sur le plastique. Ils se désolent d’‘’une précipitation’’ du ministère de tutelle au détriment d’un business qui fait vivre des milliers de familles et veulent une révision de ladite loi. ‘’Il est important de préciser que nous ne sommes pas inconscients. Nous sommes conscients de l’impact négatif que les sachets plastiques ont sur notre environnement.

Cependant, il est bon de préciser nous ne pouvons pas comprendre que dans un pays tel que le Sénégal, qui est un pays pauvre et endetté, dans un pays où 85 % du PIB est issu du secteur informel, dans un pays où 97 % de la population active est dans ce secteur, on veuille appliquer, en l’espace de deux mois, cette loi. Nous ne pouvons pas comprendre cette démarche. Pourquoi vouloir, coûte que coûte, appliquer cette loi interdisant les sachets plastiques au Sénégal, juste deux mois après sa promulgation à l’Assemblée nationale ? Pourquoi une telle précipitation de notre gouvernement, au moment où des pays plus développés que nous se fixent comme objectif 2035 pour éradiquer les sachets plastiques ?’’, a déclaré le responsable de la communication de l’Acis.

Pour ses membres, le moment est mal choisi, en raison d’un contexte de Covid-19 où le monde fait face à une crise économique. Ils trouvent cette décision incohérente et digèrent mal la non-prise en charge du secteur informel par le fonds Force-Covid-19. ‘’Sincèrement, est-ce le moment de parler de l’application de cette loi ? Est-il cohérent de vouloir mettre au chômage des Sénégalais qui n’ont pas été prévus dans le fonds Force-Covid-19 ? Le même gouvernement qui nous dit : vivez avec la Covid-19, vient encore nous dire qu’il faut en finir avec le plastique qui nourrit des milliers de familles. Est-il moralement acceptable de tuer cette économie au profit de nous ne savons quel lobby environnemental ? Nous ne sommes pas contre l’éradication des sachets plastiques, mais nous sommes aussi conscients que ce sous-secteur est une véritable économie’’, poursuit Pape Mamadou Gaye.

 La cohérence, selon l’Acis, voudrait que l’Etat protège cette économie qui pèse plus de 15 milliards de francs CFA par an. Un secteur qui compte 10 000 jeunes Sénégalais et plus de 700 chefs d’entreprise.

‘’Nous allons nous rebeller, car…’’

Mardi dernier, le ministre de l’Environnement et du Développement durable a annoncé l’application effective des sanctions à l’encontre des contrevenants. Mais à ce sujet, les acteurs du sous-secteur du plastique semblent déterminés. ‘’Nous les attendons de pied ferme, ces sanctions. Nous allons nous rebeller, car nous protégeons notre économie et cette économie pèse lourd dans l’économie sénégalaise. Nous allons user de tout ce que la loi nous permet’’, ajoute le porte-parole du jour. Qui poursuit : ‘’Pourquoi vouloir appliquer cette loi au niveau des populations qui n’ont autre chose à faire que d’évoluer dans le secteur du plastique ? Au contraire, il faut accompagner ces gens, les sensibiliser, les coacher, les informer. On veut juste que les choses se passent comme dans un pays civilisé.’’

Selon ces acteurs, les emballages biodégradables ne sont visibles nulle part pour qu’ils les utilisent. Par ailleurs, ils estiment entre 7 et 10 milliards le coût des stocks de plastiques disponibles dans leurs boutiques. Un coût beaucoup trop lourd, si jamais ces marchandises sont saisies. L’Etat doit, soutiennent-ils, les laisser écouler ces stocks. ‘’Les choses vont trop vite et sans aucune mesure d’accompagnement. Il n’y a pas eu des discussions avec nous les acteurs. On aurait dû faire l’inventaire de la marchandise dans les boutiques et de celle se trouvant dans les conteneurs, pour évaluer le coût. Mais non, il n’y a eu aucun consensus. Nos marchandises ont été saisies 15 jours après leur entrée au Sénégal. Et on a négocié pour qu’elles soient autorisées. Ils ont tout saisi, même les sachets alimentaires. Pourtant, ceux-ci sont autorisés dans ladite loi. C’est du forcing’’, explique pour sa part le directeur exécutif de l’association, Omar Cissé.

De son point de vue, la notion de sachet alimentaire doit être explicitée, parce qu’au Sénégal, tous les sachets sont considérés comme tel. ‘’En tout cas, si on nous met dos au mur, on réagira en fonction, car on va défendre jusqu’au bout nos intérêts’’, lance-t-il. En termes d’alternative, l’Association des commerçants et industriels du Sénégal propose le ramassage et le recyclage des sachets plastiques, mettre une valeur ajoutée (comme pour le fer) qu’ils sont prêts à supporter, afin de créer une autre économie, le bilan et/ou l’inventaire de ce sous-secteur pour savoir l’impact économique et accompagner ces acteurs. Elle demande au gouvernement de permettre aux acteurs du secteur de changer de projet, à défaut d’indemniser. L’organisme pense que si le plastique impacte négativement l’environnement, ‘’c’est parce qu’il traine, mais s’il est recyclé, il n’y a aucun problème’’. 

EMMANUELLA MARAME FAYE

 

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