Publié le 10 Sep 2020 - 02:54
ASSANE DIAW, COORDONNATEUR COLLECTIF ZERO INONDATION

‘’Nous voulons attaquer la SN/HLM en justice’’

 

Pour mettre fin à leur calvaire face aux inondations, les habitants des Parcelles-Assainies de Keur Massar ont mis en place un collectif dénommé ‘’Zéro inondation’’. Son coordonnateur, Assane Diaw, revient sur la genèse de cette plateforme et ses objectifs. 

 

Comment vous est venue l’idée de mettre en place ce collectif ?

Ce collectif est né à partir d’un constat. Nous avons constaté qu’au niveau des Parcelles-Assainies, il y avait énormément d’associations qui œuvraient pour l’assainissement. Mais il se trouve qu’il n’y avait pas de synergie. Les gens étaient quelque peu isolés. Et c’est pour remédier à cela que nous avons mis sur pied ce collectif depuis décembre 2019.

A terme, il devrait servir d’interface entre les populations et les autorités étatiques. Mais j’avoue que ce n’est pas une mince affaire. Il y a des traditions qui sont là. Les premiers habitants, par exemple, pensent que personne d’autre qu’eux ne doit être au-devant de la scène. Alors que ce n’est pas une question de diriger ou de primeur, mais d’efficacité, parce que nous avons pensé, et c’est toujours notre point de vue, que c’est l’union qui fait la force. Si nous avons des associations un peu éparses, nous ne pourrons pas constituer une interface entre les autorités et la population.

Quel est l’objectif de votre collectif ?

Comme son nom l’indique, l’objectif du collectif est de faire en sorte qu’il y ait zéro inondation aux Parcelles-Assainies de Keur Massar et qu’on aboutisse à l’assainissement de ces quartiers. Nous avons là des parcelles qui ont été vendues par la SN/HLM. Et quand nous achetions les terrains, ils nous avaient miroité l’assainissement. Or, ceux qui sont venus habiter ont trouvé tout sauf des parcelles assainies. Ces parcelles n’ont d’assaini que le nom. Nous considérons donc qu’il y avait une arnaque. On nous a vendu une chose qui n’existait pas et nous nous battons contre cela. L’objectif est de fédérer toutes les associations afin d’avoir l’assainissement que nous souhaitons.

Que comptez-vous faire pour amener la SN/HLM à réagir ?

Il faut savoir que ce n’est pas une mince affaire, avec la SN/HLM, parce que les premiers habitants ont été voir les directeurs qui se sont succédé, mais ça n’a pas abouti. Ce que nous comptons faire maintenant, c’est sensibiliser la population sur le fait que nous avons été arnaqués et montrer aux autorités que cet endroit est inhabitable. Parce que personne d’entre elles ne voudrait habiter dans une zone où il y a de l’eau toute l’année et des reptiles, et où les fosses septiques doivent être vidées tous les 20 jours par des camions hydro-cureurs. Sans compter l’eau stagnante et les problèmes de santé.

 Justement, quelle incidence cette situation a sur la santé des populations ?

Les conséquences sont nombreuses, parce que tous les enfants sont malades. Il y a la gale qui touche de nombreux enfants talibés de la zone. Nous vivons dans des conditions exécrables.

Au-delà de l’assainissement, on a aussi noté l’absence de l’éclairage public et l’école est sous abri provisoire.

Ici, c’est comme si c’était une terra incognita. Nous ne voyons et n’entendons pas l’autorité décentralisée, c’est-à-dire la mairie. Elle n’intervient pas dans notre vécu. Toutes les lampes publiques ont été installées par les habitants qui se sont cotisés pour les acheter. Il est vrai que l’assainissement n’est pas une compétence décentralisée, mais nous nous attendions à ce que la mairie ait un peu d’empathie, qu’elle vienne au moins chez les populations pour montrer qu’elle est là, même si elle ne peut pas faire grand-chose. Mais nous ne la voyons pas. Et c’est ça notre amertume. Nous avons investi beaucoup d’argent pour nous retrouver dans cette situation où on ne voit et ne sent pas les autorités. Ce qui fait que nous sommes seuls dans ce combat. D’où la nécessité de cette synergie que nous cherchons à créer entre les populations pour nous faire entendre.

Nous nous apprêtons à faire des démarches au niveau administratif pour attaquer la SN/HLM en justice. C’est le combat ultime. Mais pour cela, il faudrait qu’il y ait une synergie et une entente entre les différentes associations des quartiers concernés. 

Effectivement, une grande partie de l’école est faite d’abris provisoires. Ce qui est une honte. Il faut le dire, voir des abris provisoires dans Dakar, en plein 2020, est vraiment une honte. C’est la mairie qui est intervenue, il y a de cela deux ans, pour construire trois salles de classe. Ce qui  n’est pas suffisant, car une partie des élèves apprend encore dans les abris provisoires.

Est-ce que tous les impactés sont aussi engagés que vous dans ce combat ?

Je ne dirai pas non, mais leur engagement reste un peu faible. La manière dont nous, les dirigeants du collectif, nous nous intéressons à cette lutte, les autres ne le font pas. Il y a tout de même certains impactés qui disent être prêts à aider financièrement, dans le cadre des projets de développement. Mais s’il s’agit d’aller sur le terrain, c’est malheureusement toujours les mêmes.

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MAMADOU SY MBENGUE, DIRECTEUR SN/HLM

‘’Cette situation ne dépend pas de nous’’

Dans leur contrat de bailleur, il était prévu des parcelles assainies. Mais les habitants des Parcelles-Assainies de Keur Massar n’ont pas été épargnés par les inondations. Les premiers occupants ont déménagé sur les lieux en 2009 et depuis lors, ils sont devenus des sinistrés. Ils accusent aujourd’hui celui qui leur a vendu les terrains d’arnaque.

Contactée par ‘’EnQuête’’, la SN/HLM reconnait la situation, mais renvoie la balle à l’Etat. ‘’Je commencerai d’abord par compatir à la situation sinistre qui touche la population, avec la généralisation des inondations. Effectivement, la SN/HLM avait prévu des parcelles assainies avec un système d’assainissement des eaux usées et pluviales. Le tout était inclus dans le contrat de vente des parcelles. La SN/HLM était également dans les dispositions de faire et l’assainissement en eaux usées et celui en eaux pluviales pour rendre encore les habitations plus conviviales. Un marché a été lancé, à cet effet, pour l’assainissement en eaux usées et même une avance de démarrage de 300 millions a été donnée à l’entreprise qui devait faire les travaux.

Pour les eaux pluviales aussi, le  marché a été lancé à hauteur de 700 millions de francs CFA. Il y a un milliard de francs qui a donc été affecté à l’assainissement des parcelles. L’entreprise s’était même installée pour le démarrage des travaux. Mais, entretemps, la SN/HLM s’est rendu compte que le projet qui était prévu par l’Etat, en ce qui concerne le réseau primaire, n’a pu être réalisé.  Or nous, nous devions faire le réseau secondaire au sein de la cité qui devait forcément être connecté à celui primaire, que ce soit pour l’évacuation des eaux usées ou pour celle des eaux pluviales’’, se défend le directeur de la SN/HLM, Mamadou Sy Mbengue. 

Celui-ci reconnait la situation et se dit d’ailleurs prêt à porter le combat avec la population pour faire le plaidoyer auprès de l’Etat, afin de décanter la situation. ‘’Nous comprenons bien les habitants. Ils nous ont écrit une lettre le 27 août ; je l’ai reçue le 28 et le 3 septembre, j’ai reçu les habitants pour faire avec eux l’état des lieux de la situation. Nous allons nous rapprocher du ministre en charge de l’Eau pour voir quand est-ce que le réseau primaire sera fait. Il faut savoir que quand on fait un lotissement, ce n’est pas à nous de faire le réseau d’assainissement primaire. C’est la prérogative de l’Etat. Et quand ce réseau n’existe pas, c’est impossible, pour la SN/HLM, de continuer les travaux pour l’assainissement. Mais les populations ne connaissent que la SN/HLM, parce que c’est elle qui leur avait vendu les terrains et quand on dit parcelles assainies, c’est d’abord l’assainissement. Cependant, il faut savoir que ce n’est ni par volonté ni par défaillance que la SN/HLM a créé cette situation. Elle ne dépend pas de nous. Nous en sommes plutôt des victimes, parce qu’on n’aimerait pas, en tant promoteur immobilier, voir des clients insatisfaits’’, ajoute-t-il.

ABBA BA

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