Publié le 3 Jun 2017 - 18:55
AUDIENCES FORAINES 2016 A KOLDA

5 732 jugements rendus et des questions 

 

Le Tribunal d’Instance de Kolda a rendu 5 732 jugements en 2016. Mais les autorités judiciaires rencontrent d’énormes difficultés liées à la confection des dossiers, au défaut de diligence et d’anticipation des collectivités locales ou des écoles, au manque criard de personnel au niveau du Tribunal et à l’ignorance des populations.

 

Pour permettre au plus grand nombre de Sénégalais de disposer d’actes d’état-civil, le Chef de l’Etat a pris la décision de rendre gratuite leur délivrance. La gratuité vise à faciliter l’accès à tous les Sénégalais, surtout à ceux qui se trouvent en zone rurale. Ainsi, du 1er mai au 31 juillet 2016, des milliers de jugements ont été rendus dans la région de Kolda. « Dans la région de Kolda, 5 732 jugements ont été rendus. Le nombre de jugements rendus sont répartis comme suit : la commune de Kolda 770, Dabo 50, Saré Yoba Diéga 56, Salikégné 259, Médina Yoro Foula 108, Pata 111, Dioulacolon 321, Médina El Hadji 156, Tankanto Escale 426, Guiro Yéro Bocar 500, Saré Bidji 237, Thiéty 101, Médina Chérif 379, Mampatim 321, Dialambéré 189, Bagadadji 225, Coumbacara 211, Niaming 311, Ndorna 66, Bourouco 384,  Bignarabé 241, Koulinto 45, Fafacourou 93 et Badion 74 », liste une source judiciaire.  

Les difficultés rencontrées

Dans la confection des dossiers de leurs enfants, certains parents sont en mesure de présenter des pièces d’état civil ou des pièces d’identité. « Il arrive souvent que les parents ou l’un d’entre eux décèdent sans laisser de documents. Or, ce sont des éléments essentiels pour le dossier de naissance d’un enfant. Dans de pareils cas, le tribunal fait preuve de mansuétude », explique la source judiciaire.

Le défaut de diligence et d’anticipation des collectivités locales ou des écoles sont aussi une équation. D’après cette source judiciaire, les mairies ou les écoles ne saisissent le tribunal que quand les délais de dépôt des candidatures aux examens sont proches, alors qu’elles devraient prendre les devants, dès le début de l’année scolaire. « Elles devraient anticiper et déposer les dossiers suffisamment tôt pour permettre au tribunal de planifier les audiences et satisfaire tout le monde », souligne-t-elle.

L’ignorance des populations

Le vrai problème qui hante le sommeil des autorités judiciaires est surtout l’ignorance des populations. Le coût, certes modique de la déclaration de naissance à la mairie, voire de la procédure de déclaration tardive de naissance au tribunal (700 francs), n’incite pas les populations à donner des pièces d’état civil aux enfants. A cela s’ajoute leur méconnaissance ou leur appréhension (peur ou crainte) de tout ce qui concerne le tribunal.

Un manque criard de personnel au Tribunal

Le déficit de personnel est aussi déploré. Car le volume très important de dossiers traités annuellement en matière d’état civil est à comparer avec le peu de fonctionnaires en charge de ce travail au niveau du tribunal d’Instance de Kolda. « Ils ne sont que trois : le président du Tribunal, le Greffier et le Greffier en chef qui, en plus de travail quotidien, d’une juridiction d’importance comme celle de Kolda vérifient, enregistrent, valident, signent, contresignent et avalisent les milliers de décisions rendues », martèle la même source judiciaire. Avant de récapituler les affaires d’état de l’année 2015-2016. ‘’Audiences ordinaires, en 2015, nous avons eu 4 445 contre 497 en 2016. Audiences foraines, en 2015, nous avons 18 850 et en 2016, il y a 8 190. Ce qui fait au total 23 295 en 2015 contre 8 687 en 2016 ».

Informatiser l’état civil pour sortir des problèmes

A en croire cette source judiciaire, l’état civil au Sénégal nécessite une informatisation, afin de sortir des problèmes d’archivage et de fiabilité des registres. Car, d’après la source, la conservation de ces derniers est un vrai problème qui met parfois certains citoyens dans une situation de perte d’identité civile, du fait, soit de la destruction du registre (inondation, incendie, perte dû à un déménagement) ou du fait des fraudes à l’état civil au profit de personnes n’ayant jamais eu d’identité civile, en contrepartie d’une somme d’argent. « Cette situation crée des instabilités pour les ayants droit et installe une certaine insécurité quant à l’identification des citoyens », souligne-t-elle.

Fraudes sur l’état civil, lors des audiences foraines

Selon certaines personnes expérimentées en matière civile, tant qu’il y aura des audiences foraines, il y aura toujours fraude sur l’état civil. Car, selon elles, durant les audiences foraines organisées à la demande des élus locaux pour une régularisation du statut des personnes qui n’ont pas été déclarées à la naissance, il suffit juste de deux témoins pour attester de la naissance de la personne pour que le juge le constate. Or, il arrive même que la personne présentée à la barre ne soit pas celle qui est réellement concernée par la déclaration tardive.

« C’est pourquoi », d’après  l’un des juges, « il est demandé, par mesure de prudence, la présentation d’un certificat d’accouchement ou de carnet de suivi de la grossesse de la mère ». « Même à ce niveau, regrette-il, il est arrivé que ces documents soient complaisants ». Cette autorité judiciaire soutient que « les individus préfèrent cette voie de recours. Car, lorsqu’une requête normale est introduite pour déclaration tardive, une enquête est menée et dans ce cas, le procureur peut procéder à des arrestations, en cas de tentative de fraude ».

Donc, au-delà de la sécurisation de l’état civil, l’Etat est invité à inciter les parents, surtout en direction des paysans, à déclarer les enfants à la naissance. Ces derniers, à cause de l’absence d’incidence financière, ne sentent pas le besoin de déclarer leurs enfants à la naissance.

EMMANUEL BOUBA YANGA (Kolda) 

 

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