Publié le 9 Nov 2019 - 17:26
AVIS D’INEXPERT PAR JEAN MEÏSSA DIOP

La publicité doit avoir des limites éthiques

 

Au même moment où, en France, une image de publicité scandalise les usagers des médias, au Sénégal, le Conseil national de régulation de l'audiovisuel interdit la diffusion, à la télévision et à la radio, de toute publicité de  produits dépigmentants. Cette coïncidence vient révéler qu’il y a un problème et une question d’éthique dans la conception et la diffusion de la publicité. L’audace et la créativité dans la conception de messages publicitaires doivent être encadrées par des règles morales. On ne peut pas tout faire !

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel français (Csa) a, après avoir reçu mille signalements à propos de cette campagne de promotion dénommée ‘’Viva la vulva’’, manqué de courage et de fermeté contre la publicité de serviettes hygiéniques pour femmes en considérant que ‘’la pub Nana où l’on voit du sang rouge et des représentations de vulves stylisées ne posait pas problème’’.  Tout le contraire de son homologue sénégalais qui a tranché dans le vif concernant la publicité sur les produits dépigmentants quoiqu’ayant à bannir d’autres messages publicitaires à la radio et à la télévision sur d’autres produits et services, comme la médecine traditionnelle.

‘’L’éthique est indispensable dans la publicité et doit être portée par tous : les agences, les annonceurs et les distributeurs’’, estime Catherine Lenain, Directrice déontologique de l’Autorité française de régulation professionnelle de la publicité (Arpp). Au Sénégal, il reste encore à créer un organe de régulation et de moralisation de la diffusion des messages publicitaires dans les médias. En Côte d’Ivoire, aucun spot ne peut être diffusé dans les médias sans le visa du Conseil supérieur de la publicité (Csp).  Par exemple, le régulateur ivoirien a eu à interdire une pub d’une margarine montrant un écolier mangeant dans une salle de classe. En France - encore elle – il est interdit de montrer, dans une publicité, un automobiliste téléphonant au volant ou qui n’a pas attaché sa ceinture de sécurité.

Toute cette rigueur d’éthique, parce que ‘’la publicité peut avoir un impact réel sur le comportement et le mode de penser de son public. C’est pourquoi il existe des règles d’éthique à respecter, comme le rappelle le Code de l’Arpp. Des recommandations pas toujours respectées’’. 

Au Sénégal, il faut saluer la rigueur de la radio Sud Fm qui  s’interdit, depuis des années déjà, la diffusion de réclames de produits de dépigmentation et des guérisseurs.

La justification que donnent les contrevenants tient aux moyens de vivre qu'apportent ces publicités non-éthiques. Une tentation qui contrevient au cahier des charges signé par tout porteur de projet d'une radio.

Il faudrait, surtout, que les usages des médias aient le courage et le réflexe de saisir la justice sur des messages publicitaires contraires à l’éthique. Le directeur de Sud Fm cite l’exemple d’une citoyenne burkinabé qui porta plainte contre la télévision nationale, pour la diffusion d’un spot sur un produit dépigmentant. La plaignante obtint gain de cause et l’extension à douze autres produits de l’interdiction de la publicité mise en cause.

Mais il faut rester vigilant, car bannie par l’autorité de régulation, la pub du ‘’xeesal’’ peut se déporter sur l’Internet jugé ‘’mauvais élève de la publicité’’.

Malheureusement, les prérogatives du Cnra ne couvrent ni l’Internet ni la communication commerciale et toute publicité dite ‘’hors-média’’. Les produits ‘’xeesalisants’’ peuvent donc s’engouffrer dans cette faille et, ce, sans craindre le veto de telle autorité de régulation de l’audiovisuel ou tel autre gendarme de la publicité. Au Sénégal, la première existe, mais avec des compétences limitées ; la seconde reste à créer.

 

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