Publié le 21 Nov 2016 - 09:33
AVIS D’INEXPERT

Quand la pub se cache derrière l’info

 

La pratique a souvent installé bien des journalistes dans la contrariété de devoir traiter une information générale alors que les objectifs sont ouvertement commerciaux. Un exemple : telle puissante multinationale de télécommunications, telle cimenterie rend public un communiqué et/ou tient une conférence de presse pour annoncer « la baisse de ses tarifs à un niveau jamais atteint par la concurrence ».

De la sorte, derrière une information bien d’intérêt public se faufile une communication, une action de relation publique qui prend la presse comme support et le journaliste comme publiciste. « Pub rédactionnelle ! » « Pub rédactionnelle ! », se seraient écriés les journalistes  intransigeants, partisans d’une délimitation stricte entre l’information et la publicité. Comment y arriver quand soi-même on considère qu’annoncer au public une baisse des tarifs des télécommunications chez tel opérateur et non chez tel autre est de la publicité qui ne dit pas son nom et que le bénéficiaire d’un tel effet d’annonce aurait dû passer à la caisse du service commercial du journal ou de la radio supports pour payer une publicité tout ce qu’il y a de plus racoleuse.

Surtout pour motiver l’organe de presse à publier l’information, l’annonceur envoie un bon de commande consistant sur lequel le journal qui tire le diable par la queue ne saurait cracher. Et c’est ainsi que l’organe de presse devra se faire violence en quelque sorte et s’imposer une définition plus lénifiante, moins intransigeante de l’information comparée à la pub rédactionnelle.

Cette dernière, l’encyclopédie virtuelle wikipedia.org la définit comme « pouvant passer pour un contenu éditorial et non une annonce publicitaire presse ». Est-ce là une information dont le traitement se heurte à l’éthique et à la déontologie professionnelles ?

Oui, il y a de l’information dans une annonce de baisse de prix chez une entreprise, mais il y a aussi beaucoup plus de publicité quand un annonceur crée un événement et exhorte la presse, par une ou plusieurs astuces, à en parler sans forcément en être intéressée. Et c’est là où entrent en jeu des stratégies de packaging, d’échanges de services du genre un bon de commande contre la diffusion de notre « baisse des tarifs ».

Information contre communication. Un patron d’une entreprise exhortait ses journalistes à avoir une interprétation plus dynamique, plus réaliste, moins rétrograde de leur profession de l’éthique et de la déontologie. En somme, « soyez des journalistes purs et durs, mais ne vous faites aucune mauvaise conscience à demander de la publicité chez un annonceur, par exemple quand son message qu’il veut diffuser sur l’organe de presse employeur du reporter risque d’installer un déséquilibre dont  le journaliste ne saurait être acteur. « Lorsque la publicité ne dit pas son nom, lorsqu’elle sort de son cadre pour entrer subrepticement dans celui des autres catégories de communications (en particulier la communication informative) », écrit dans son blog Philippe Moati.

Où est l’information quand, à un événement, une société distribue des bouteilles d’eau à des pèlerins ? Quoi de plus banal et qui devrait mériter moins de ramdam quand une œuvre pie est noyautée par les calculs commerciaux proclamés ou non par un ramdam qui prend la presse pour support ou espace d’expression ?

La préoccupation du publicitaire est de faire en sorte que son annonce soit confondue avec une information tout ce qu’il y a de vraie et vérifiée par le journaliste usant de sa liberté. « L’information de relations publiques (…) vise un objectif qui est de contribuer à créer ou maintenir des relations confiantes entre l’entreprise et ses différents publics. Ce qui n’est pas un acte désintéressé », information, relations publiques propagande », écrit Ch. E. Glachant.

Jean Meïssa DIOP

Post-scriptum : Les émotions se sont de nouveau dressées à la suite du meurtre crapuleux par son chauffeur de la vice-présidente du Conseil économique, social et environnemental. Les appels à la loi du Talion se font entendre préconisant un retour à la peine de mort, malgré les assurances du procureur général que ce crime va être puni avec la sévérité prévue par les textes. Il est à craindre que la société sénégalaise ou une partie d’elle soit, de nouveau, traversée par cette polémique entre pro et anti peine de mort. Se ranger dans un camp ou dans l’autre n’est pas facile, puisque déjà les anti-peines de la mort estiment que la prison à perpétuité comme substitution à la peine de mort peut s’avérer pire, puisque ôter à une personne toute possibilité de sortir de prison peut se révéler plus désastreux (psychologiquement) que la mort.

 

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