Publié le 4 Jul 2020 - 08:43
CAN - REPORTS, DELOCALISATIONS, RETRAITS DE PAYS HOTES…

Flash-back sur l’odyssée de la Can      

 

Le report d’une année de la Coupe d’Afrique des nations (Can) 2021 est le deuxième que la Caf a concédé dans son histoire, après l’édition de 1961 (décalée à 1962) en Ethiopie. Mais le constat, c’est qu’en dehors de ces décisions imposées par des cas de force majeure (insécurité et crise sanitaire), il y a eu plusieurs chamboulements dans la périodicité et l’attribution des pays hôtes du plus grand trophée africain de football.

 

La 33e édition de la Can, initialement prévue du 9 au 6 février 2021, aura finalement lieu en 2022. Le Comité exécutif de la Confédération africaine de football (Caf) l’a reportée d’une année. La décision a été prise et actée, avant-hier, à l’issue d’une visioconférence des membres du Comité exécutif de la Caf. Le président de l’instance dirigeante du football africaine, Ahmad Ahmad, et son équipe ont évoqué des raisons sanitaires liées à la propagation de la pandémie Covid-19 dans le continent, des problèmes de logistiques et des contraintes de calendrier des éliminatoires, pour justifier le report.

La Caf, à l’image des autres organisations sportives continentales et mondiales, cède devant la maladie du coronavirus, un cas de force majeure apparu en décembre 2019 en Chine. La Covid-19 a provoqué le report de plusieurs compétitions sportives. L’Euro-2020, les Jeux olympiques 2020, la Copa America 2020 et les championnats du monde d’Athlétisme de 2019 ont été tous repoussés d’une année. 

Mais cette mesure de la Caf a la particularité d’être un deuxième chamboulement dans l’organisation du tournoi prévu au Cameroun.  En effet, le Comité exécutif de la Caf avait, courant janvier 2020, modifié la périodicité de cette compétition. Ahmad Ahmad et son équipe avaient adopté, à la surprise générale, un changement de calendrier. Ils avaient allégué des conditions climatiques défavorables du pays hôte pour modifier la périodicité de la Can-2020, sur demande des responsables du football camerounais. Cette décision consistait à une migration de l’été (11 juin au 9 juillet 2021) vers la saison hivernale (9 janvier au 6 février 2021). 

A travers ce réaménagement, l’instance dirigeante du football africain retournait à la case départ, c’est-à-dire organiser la phase finale de la Coupe d’Afrique de football en hiver. Ce come-back est intervenu une année après la première édition d’été disputée en Egypte, du 21 juin au 19 juillet 2019.

Report de 2021 à 2022, deuxième de l’histoire   

La Can a connu, dans le passé, un seul report d’une année. Il était intervenu en 1961, au moment où les phases finales se tenaient en années impaires (1957 et 1959). Le pays organisateur d’alors, l’Ethiopie, avait demandé un report. Cet Etat de l’Afrique de l’Est a été handicapé par un coup d’Etat manqué et un retard dans les travaux de rénovation des stades. Sa demande avait été accueillie favorablement et la Can a eu finalement lieu en 1962. L’insécurité et la crise sanitaire sont donc les motifs des deux reports d’une année (Ethiopie-1961 et Cameroun-2021) que la Caf a adoptés dans l’histoire de la Can. Mais le constat, c’est que l’instance dirigeante du football africain a connu beaucoup de tergiversations dans l’organisation de son plus grand trophée sous le règne de l’actuel président Ahmad Ahmad.

Valse entre les saisons et le passage de 16 à 24 équipes  

La Caf avait, le 9 janvier 2019, confié l’organisation de la Can-2019 à l’Egypte, soit à six mois de l’évènement. Elle l’avait, auparavant, retiré au Cameroun, le 30 novembre 2018. Le pays de Samuel Eto’o Fils n’était pas responsable du retrait de l’organisation de la grand-messe du football africain dont il a été victime à moins de sept mois du coup d’envoi. Le dessaisissement du Cameroun a été précipité par le passage de 16 à 24 équipes à la phase finale de la Can, avec application immédiate dès l'édition de 2019. L’élargissement du nombre de participants a été pris le 20 juillet 2017, après que les pays ont disputé deux journées de matchs éliminatoires de la Can-2019. Le Comité exécutif de la Caf a donc changé les règles en cours de route, après avoir pourtant désigné le Cameroun pour une organisation à 16 équipes. C’est à la même date qu’Ahmad Ahmad et ses collaborateurs avaient délocalisé le tournoi d’hiver (janvier-février) en été (juin-juillet). Ils avaient adopté la réforme de la périodicité dans le but de garantir la présence massive des joueurs africains évoluant en Europe et de mieux commercialiser l’évènement. Le retour en période hivernale soulève la problématique de la pérennité de la phase finale de la Can en été. La Commission d’organisation de la Can n’a pas édifié les Africains sur le caractère de sa décision. En tout cas, les Africains ne savent pas si le retour en période hivernale est définitif ou provisoire. Car les pays maghrébins sont en mesure d’organiser la compétition entre juin et juillet.

Mais derrière le retour en hiver, se dessine en filigrane un risque de chevauchement entre la Can et la Coupe du monde des clubs en période d’été. La Fédération internationale de football association (Fifa) a pris en 2019 la décision d’organiser la Coupe du monde des clubs en juin et juillet. Cette nouvelle mesure de l’instance mondiale du football a compromis, à priori, la tenue de la Can dans la même période avec le Mondial des clubs. Il s’y ajoute que la Coupe d’Europe des nations et la Copa America se tiennent finalement entre juin et juillet 2021.  Donc, 2022 est la seule alternative possible pour les dirigeants du football africain.  

Délocalisation des quatre dernières éditions  

Le retrait de l’organisation de la Can-2019 au Cameroun, intervenu en 2018, a été la quatrième d’affilée. Mais les trois précédents ont eu lieu sous la présidence d’Issa Hayatou.  En 2013, la Libye devait organiser la première édition de la Can des années impaires. Mais la situation sécuritaire défavorable ne lui avait pas permis d’abriter la compétition. L’Etat libyen a été perturbé par l’intervention militaire étrangère et la révolte intérieure. Ces événements de 2011 ont favorisé la chute du régime de Mouammar Kadhafi et poussé la Caf à désigner l’Afrique du Sud à suppléer la Libye.

La phase finale de 2015, initialement prévue au Maroc, a été aussi délocalisée. Le royaume chérifien ne souhaitait pas recevoir les différentes nations pendant la période hivernale, en raison de l'épidémie d'Ébola. Il avait, à plusieurs fois, demandé le report de la compétition en évoquant un cas de force majeure sanitaire.

Mais le président de la Caf d’alors, Issa Hayatou, estimait qu’un report créerait une précédent dangereux. La maladie Ebola avait impacté des pays qualifiés dont la Guinée. Face au scepticisme du Maroc, la Caf a délocalisé le tournoi en Guinée équatoriale et disqualifié les Lions de l'Atlas marocains des Can 2015, 2017 et 2019. Les Marocain avaient finalement obtenu du Tribunal arbitral du sport (Tas) l'annulation de leur exclusion des éditions 2017 et 2019. L’instance d’arbitrage mondial du sport a estimé que ‘’l’exclusion de l’équipe A du Maroc des deux éditions suivantes de la Can n’était pas expressément prévue par les règlements en vigueur’’.

Après son dessaisissement en 2013, la Libye a été désignée comme pays hôte de l’édition de 2017, mais les Libyens ont finalement renoncé. La Libye a désisté en 2014. Le désistement des Libyens était prévisible, en raison de la persistance de l’insécurité dans leur pays, depuis la mort, en 2011, de Kadhafi.  L’Afrique du Sud, pays organisateur de la Coupe du monde 2010, sera choisi par la Caf pour remplacer la Libye une deuxième fois. Mais le champion d’Afrique de 1996 renoncera au dernier moment au profit du Gabon.

L’histoire de la Coupe d’Afrique des nations n’a pas été un long fleuve tranquille. Ses 63 ans d’existence ont été souvent secoués par les soubresauts du calendrier de la compétition dus soit aux aléas de la vie, soit à des décisions inconvenantes des dirigeants du football africain.

OUMAR BAYO BA

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