Publié le 29 Apr 2015 - 19:42
CHEIKH SECK (PRESIDENT DE LA COMMISSION DEVELOPPEMENT ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE DE L’ASSEMBLEE NATIONALE)

‘’On aurait pu aller au-delà de ces sachets de faible micronnage’’

 

La loi interdisant la production, l’utilisation ou l’importation de sachets plastiques a été votée. Quel commentaire cela vous inspire ?

On peut dire que ça a été une excellente chose dans la mesure où ces sachets plastiques constituent une véritable menace pour l’environnement mais aussi pour la santé humaine, animale et végétale. Donc l’environnement dans sa globalité. Ces sachets plastiques constituent un danger pour l’Homme. C’est une matière qui n’est pas biodégradable. Tout ce qu’on peut faire pour le détruire, c’est de le brûler. La fumée qu’ils dégagent contient du dioxyde de carbone qui est un produit cancérigène. Du point de vue de la santé animale, les animaux qui en mangent meurent. Du point de vue des végétaux, ça encombre et ça bloque la photosynthèse. C’est aussi une source d’inondations.

Ça bouche les caniveaux, ce qui fait que l’eau ne s’infiltre pas dans le sol et les canaux sont bouchés. Ce qui entraîne donc des inondations de façon partielle en fonction de la concentration dans telle ou telle localité. Donc dès l’instant que ces objets constituent une menace pour l’environnement et pour toute la santé humaine et animale, je pense que ça a été une excellente chose d’avoir introduit cette loi. Mais ce qu’il faut noter, c’est que ce sont les sachets plastiques de faible micronnage. Mais l’essentiel, c’est d’y aller, comme l’a rappelé le ministre, étape par étape. Les sachets plastiques sont entrés dans nos mœurs. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut interdire totalement du tac au tac. Mais l’idée d’y aller progressivement n’est pas une mauvaise chose. L’essentiel, c’était d’avoir le courage au moins d’introduire cette loi pour démarrer.

Qu’en est-il des autres sachets d’eau, des gobelets en plastique qui sont jetés partout dans les rues ? Est-ce qu’il n’y a pas une frilosité du gouvernement pour aborder à fond ce problème comme certains parlementaires l’ont indiqué ?

Frilosité ! Moi je ne raisonne pas en ces termes. Je pense qu’on aurait pu aller au-delà de ces sachets de faible micronnage, y inclure aussi certains gobelets qui ne sont pas biodégradables. Peut-être laisser les grands sacs qui sont gardés et qui ont une durée de vie prolongée. C’est différent d’un sachet plastique qui ne peut servir qu’une fois, après, ça se détériore, ce n’est plus opérationnel ; il est là, il encombre et il n’est pas biodégradable. Frilosité, je ne peux pas en dire mais je pense que le gouvernement aurait pu aller au-delà de ce micronnage. Mais l’essentiel est qu’un pas est fait. Progressivement, d’autres articles complémentaires viendront pour interdire au fur et à mesure jusqu’à ce que ces articles disparaissent complétement de notre vie quotidienne.

Est-ce que les parlementaires vont continuer à mener ce combat pour emmener le gouvernement à inclure plus tard d’autres types de sachets plastiques dans cette interdiction ?

Nous l’avons dit au ministre ; parce que dans la première mouture, il était question de commencer l’application de cette loi 3 mois après la promulgation. D’abord, il y a des étapes préalables à faire. Une loi, pour qu’elle soit applicable et bien appliquée, il faut que les populations puissent se l’approprier. Pour cela, il faut des campagnes de sensibilisation et d’information. Mais aussi que les populations puissent se rendre compte des méfaits de ces sachets plastiques.

C’est pourquoi nous avons demandé au ministre d’organiser dans les régions des CRD (comité régional de développement), des CDD (comité départemental de développement) dans les départements jusqu’au niveau local avec les CLD (comité local de développement), mais avec certaines couches sociales, notamment les organisations de femmes, de jeunes, pour que toute la population puisse être sensibilisée. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé de différer l’application de cette loi. Une loi existe déjà, maintenant le complément peut venir des deux côtés : de l’Etat qui fera un autre projet de loi complémentaire ou de l’Assemblée nationale qui fera une proposition de loi. L’essentiel est que le feu vert ait été donné mais il reste entendu qu’aujourd’hui, pour régler cette question environnementale, il faut prendre d’autres mesures sur les autres sachets plastiques.

Des lois sont toujours votées mais l’application pose toujours problème. Est-ce que à ce niveau, vous êtes prêts à mener le combat avec l’Etat pour une application effective de cette loi ?

Nous avons dit au ministre d’organiser un atelier avec les parlementaires. Il est venu avec deux types de sachets mais rares sont ceux qui maîtrisent les sachets plastiques qui sont concernés par la loi. Il faut un atelier avec les parlementaires pour que ces derniers puissent s’en rendre compte et connaître réellement les sachets qui sont interdits. Une fois connus, ils vont participer à la vulgarisation de cette loi. Donc les parlementaires sont tout à fait disponibles. Ce sont eux-mêmes qui ont proposé cet atelier au ministre, qui a donné son accord.

Mais pensez-vous que cette application puisse être facile quant on sait que l’utilisation des sachets plastiques est ancrée dans la vie de beaucoup de Sénégalais ?

L’application d’une nouvelle loi n’est jamais une chose facile. Mais ce qu’il faut noter, c’est que quand les préalables sont pris, l’application sera facile. Les préalables, c’est d’abord d’évacuer tout l’existant qui est là et de bloquer toute importation en la matière. Quand ces deux conditions seront réunies, on n’aura plus ces types de sachets plastiques. Donc l’application de la loi sera facile.

Dans la sous-région, beaucoup de pays ont fait voter cette loi mais ont buté sur l’application. Est-ce qu’on ne risque pas de tomber dans ce même piège ?

Non je ne crois pas. Le Sénégal est quand même un pays organisé. Si le format qu’on a demandé au ministre et la proposition qu’il nous a faite sont appliqués, il n’y aura pas de problèmes majeurs.

Est-ce que ces sachets sont importés ou sont-ils produits localement ?

Ils sont nombreux à penser que ces sachets sont pour la plupart des cas  importés, mais une députée a révélé au cours de la plénière qu’il y avait une fabrication locale. Nous avons demandé au ministre de faire les investigations nécessaires pour voir s’il y a une fabrication locale. Et si tel est le cas, arrêter immédiatement cette production.

S’il y a une fabrication locale, est-ce qu’il n’y a pas un risque de pertes d’emplois ?

Il faut des mesures d’accompagnement. On ne sait pas quels sont les auteurs de cette fabrication locale mais si c’est des Sénégalais qui le font ou s’il s’agit d’autres, ils ont fait des investissements et il faut que l’Etat mette en place un mécanisme d’accompagnement qui permette à ces entreprises de ne pas trop sentir l’arrêt de la fabrication et qu’on puisse les orienter vers d’autres formes d’emballages, par exemple l’emballage en papier ou autres. L’essentiel est que le gouvernement puisse les accompagner. 

PAR ALIOU NGAMBY NDIAYE

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