Publié le 20 Jun 2013 - 13:11
COMMENTAIRE - COMITE SENEGALAIS DES DROITS DE L’HOMME

Entre le marteau du financement et l’enclume de l’indépendance

 

A l’instar du Comité sénégalais des droits de l’Homme, les entités du genre doivent faire face à l’énigmatique problème entre la motivation de leur création et la liberté de leurs actions. En clair, les Comités des droits de l’Homme sont mis sur pied par les États, sur recommandation des Nations Unies, mais, dans leur déploiement, ils doivent être indépendants. L’indépendance est-elle garantie lorsqu’on reçoit son budget d’un pouvoir en place ? Les Comités ont-ils les coudées franches pour dénoncer les dérives, en termes de défense des droits humains, des régimes qui les portent ? Les pouvoirs en place sont-ils réceptifs aux critiques et recommandations qui émaneraient des Comités ? Autant de questionnements qui ont accompagné la création de ces organes et leur collent aux basques.

Retenons pour l’histoire que c’est en 1946 que le Conseil économique et social de l'Onu a invité les États membres à examiner ‘’l'opportunité de créer des groupes d'information ou des comités locaux des droits de l'Homme qui collaborent avec eux au développement des activités de la commission des droits de l'Homme’’. 14 ans plus tard, précisément en 1960, une autre résolution 772 B du 25 juillet invitait les gouvernements à encourager la création et à favoriser l'action d'institutions. Pour le Sénégal, la mayonnaise prendra dix années après, avec la décision du gouvernement de créer le Comité sénégalais des droits de l'Homme par décret du 22 avril 1970.

L'ensemble des recommandations des Nations Unies a abouti au Sénégal à l'adoption de la loi 97-04 du 10 mars 1997 relative au Comité sénégalais des droits de l'Homme. Parmi les mesures qui visaient les modalités de l’organisation de ces institutions figurent, entre autres, l’indépendance, le pluralisme dans la prise de décision en matière de droits de l'Homme, l’accessibilité, la décentralisation. Auparavant, les résolutions de la première conférence des institutions nationales tenue à Paris du 7 au 9 octobre 1991, approuvées par la Commission  des droits de l'Homme, sous le nom des ‘’Principes de Paris’’, ont assigné aux institutions nationales plusieurs missions et fonctions. Parmi lesquelles ‘’donner des avis et faire respecter les obligations internationales…’’ Mais la recommandation qui retient le plus l’attention et mérite que l’on s’y attarde est celle relative à ‘’informer, éclairer et faire respecter les droits de l'Homme’’.

Dans le contexte africain où les droits humains sont bien souvent foulés aux pieds par des régimes qui n’en ont cure, cette dernière recommandation peut sembler utopique dans sa réalisation. Où alors gargantuesque ! Le moment n’est-il pas venu de repenser les fondements même de l’institution, pour le rendre performant ? La main qui donne étant toujours au dessus de celle qui reçoit, on peut apercevoir, dès lors, l’ampleur de la tâche qui attend le président du Comité sénégalais des droits de l’Homme, Alioune Tine et son équipe. Vont-ils confiner le Comité dans son état presque ‘’léthargique’’ depuis sa création ou entendent-ils révolutionner la structure, pour en faire un organe fort et indépendant dans ses interventions ? Le moment semble propice pour que l’Etat du Sénégal affiche clairement ses ambitions par rapport au respect des droits humains en terre sénégalaise, mais aussi et surtout par rapport au puissant outil que pourrait constituer le Comité. L’enjeu est de taille, c’est l’avenir de l’organe qui se joue.  

Amadou NDIAYE

 

 

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