Publié le 2 Aug 2017 - 00:26
COMMENTAIRE

Gare à la gueule de bois !

 

La razzia attendue a eu lieu lors de ces élections législatives, annoncées comme le premier tour de la présidentielle de 2019. Cette victoire de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) tient pour beaucoup de la nature du scrutin : le ‘'Raw gaddu’ (celui qui arrive premier remporte tous les sièges en jeu). En effet, l’opposition, dans ces analyses, semble toujours occulter un fait d’une importance capitale dans le landerneau politique sénégalais : BBY compte en son sein parmi les partis politiques les mieux structurés. Des formations politiques avec une très longue tradition militante. Et donc, un maillage du territoire national exceptionnel. L’APR, Le Ps, l’Afp, la Ld, le Pit sont représentés dans les recoins les plus éloignés de ce pays. Ils ont des militants partout. Ce qui donne une constante, dans les différentes consultations électorales, depuis 2012 : BBY gagne toujours plus de 40 départements sur les 45 que compte le pays. Ces élections ne feront pas exception.

Mais, ce n’est pas tout. La coalition au pouvoir a très tôt identifié ses points faibles et s’attelle, depuis, à rectifier le tir. D’où les offensives à Touba, Dagana, Ziguinchor et Thiès. Si Touba reste un bastion qui se refuse encore à la coalition au pouvoir. Ce n’est plus le cas des trois autres départements cités. Dans le nord, le Directeur général de la Senelec, Mouhamadou Cissé, poursuit un travail inlassable sur le terrain. De véritables opérations de charme qui commencent à porter du fruit. Il y a aussi la partition du ministre Mankeur Ndiaye. En Casamance, Benoit Sambou, Souleymane Jules Diop, Doudou Ka et les autres responsables ne cessent de parcourir les confins de cette région. Un travail de sape qui a eu raison de la popularité d’Abdoulaye Baldé, pourtant solidement ancré dans la région, depuis des années, pour avoir fait de nombreuses réalisations dans les hameaux et villages de la région méridionale. A Thiès, malgré le substrat affectif des habitants pour leur emblématique président du Conseil régional, Idrissa Seck, le vent a commencé à tourner. Du fait que des responsables de  BBY tels que Ibrahima Ndoye (Diender), Augustin Tine (Fandène), Alioune Sarr (Notto) ont  su occuper le terrain départemental déserté par l’ex-PM. Toutes choses qui font qu’Idrissa Seck a du souci à se faire.

De manière générale, le constat est que l’opposition a complétement déserté l’arrière-pays, se barricadant dans les capitales régionales. Idrissa Seck, Abdoulaye Baldé, Khalifa Sall, Oumar Sarr, Aissata Tall Sall, Aida Mbodji, Modou Diagne Fada qui, voulant coûte que coûte défendre leurs prés carrés communaux, ont fait preuve d’un attentisme rédhibitoire. Cette posture défensive les a desservis tous autant qu’ils sont. Ils sont agressés dans leurs fiefs. A Dakar, par exemple, il est sidérant de voir la manière dont Mankoo Taxawu Dakar a délaissé les départements de Pikine, Guédiawaye et Rufisque qui comptent pourtant un vivier électoral impressionnant. Pendant ce temps, méthodiquement, scrutin après scrutin, BBY fait main basse sur tout ou presque. D’autant plus qu’il ne faut pas minimiser l’impact des perpétuelles tournées économiques du président de la République sur le conscient et le subconscient des populations rurales et des autres régions.

Toutefois, force est de reconnaître que la situation est loin d’être irrémédiable, en perspective de 2019. Mais, l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Et notre opposition est adepte de la grasse matinée. En effet, la mainmise de BBY est telle qu’elle risque de ne faire qu’une bouchée de l’opposition, lors de la prochaine élection présidentielle. En effet, le président Macky Sall a encore une très grande marge de manœuvre. Puisqu’il peut encore élargir sa base électorale en faisant les bonnes alliances, d’ici là. Et ainsi, espérer remporter le scrutin, dès le premier tour.

Aissata Tall Sall, Abdoulaye Baldé, Mamadou Guirassy pourraient être des prises de choix. Et peut-être même, le Parti pour l’Unité et le Rassemblement (Pur). Par contre, pour l’opposition, c’est tout le contraire. Les options s’amenuisent. Les résultats de ces élections législatives montrent qu’elle compte beaucoup de bras cassés dans ses rangs. Des leaders adeptes du saupoudrage, friands des plateaux télé et des radios, mais, qui en réalité ont déserté, depuis longtemps, leur base électorale, s’ils en ont. Mais, surtout des responsables politiques à l’ego surdimensionné qui, on l’espère, vont se résoudre à descendre de leur piédestal, à se retrousser les manches et à travailler sérieusement.

Car, les résultats montrent que, si l’opposition avait fait bloc, elle aurait pu mettre en ballotage la coalition au pouvoir dans de nombreux départements. La dynamique unitaire aurait pu créer un certain engouement, fédérer les forces et peut-être lui faire parvenir à la cohabitation qu’elle a appelée de ses vœux. Donc, il lui faut une analyse fine des résultats, dépourvue de tout nombrilisme et de mauvaise foi, pour mieux définir les priorités et engager les bonnes batailles futures. Autrement, la gueule de bois l’attend un certain soir de 2019. 

Gaston COLY

 

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