Publié le 12 Apr 2018 - 13:01
COMMENTAIRE PAR BABACAR WILLANE

Le péché d’orgueil !

 

De tous les agents de la Fonction publique, les enseignants sont sans doute ceux qui sont les moins bien payés. Rien que l’expression ‘’lenteurs administratives’’, méconnue des Sénégalais, renferme une terrible injustice. Faut-il s’apitoyer pour autant sur leur sort ou se montrer compatissant à leur égard ? Il y a de quoi être partagé face à une telle interrogation. Les enseignants craie en main méritent sans doute toute la sympathie du peuple. Par contre, leurs leaders syndicaux, de par leur attitude irresponsable, ont fini par transformer les victimes en coupables.

Aujourd’hui, l’opinion publique ne retient des enseignants que leur propension à réclamer de l’argent. La faute encore une fois à leurs dirigeants syndicaux. Car ceux qui prétendent les représenter sont incapables de dépasser leur égo et leurs intérêts crypto personnels. Pendant ce temps, leurs camarades des autres secteurs de la Fonction publique leur offrent une belle leçon d’unité syndicale. Le Sames a su faire plier le gouvernement, parce que les médecins sont unis. Le Saes a fait de même, parce que les professeurs d’université forment un bloc. Les techniciens de surface ont obtenu gain de cause pour la même raison. Contrairement à ces corporations, les enseignants sont incapables de s’unir.

Pendant des années, le champ syndical sénégalais ressemblait à une auberge espagnole. Les élections de représentativité étaient censées mettre de l’ordre. Dès le départ, les règles ont été clairement établies. Dans un arrêté du 22 novembre 2016, Mansour Sy, à l’époque ministre du Travail, avait précisé que seuls les syndicats qui auraient 10% des suffrages valablement exprimés seraient considérés comme représentatifs. L’arrêté précisait ce qui suit : ‘’Les pouvoirs publics doivent tenir compte des résultats des élections dans les séances  de concertation, de consultation et de négociation, ainsi que pour la représentation des personnels enseignants notamment : la participation de droit à toute négociation collective les concernant, la  participation à certaines instances de dialogue social dans le secteur public de l’Education et de la Formation.’’

C’était suffisamment clair pour laisser de la place au moindre doute. Et même s’il y avait des réserves sur tel ou tel autre point, tous les syndicats ont pris part à la compétition. Dès lors, la sagesse voudrait que ceux qui n’ont pas atteint le seuil de représentativité fassent profil bas, afin d’analyser les raisons de la défaite et retourner à la base pour faire une nouvelle offre permettant d’espérer figurer dans le peloton de tête aux prochaines élections prévues 5 ans après les premières.

Les vainqueurs également devaient avoir suffisamment d’humilité afin de fédérer l’ensemble des organisations, non pas dans une entité organique, mais une unité  des intérêts. En lieu et place de tout cela, les syndicats représentatifs invités à la table des négociations ont manqué d’ouverture. Et les vaincus ont voulu coûte que coûte être autour de la table, en violation du principe retenu. Il faut d’ailleurs, à ce niveau, avoir le courage de dire les choses telles quelles, au risque de se mettre une partie des syndicats dans le dos.

Depuis quelques semaines, la Féder fait partie des cadres les plus médiatisés. A les entendre parler, on finirait par faire d’eux les porte-parole des enseignants. Et pourtant, il suffit de se référer aux résultats des élections de représentativité pour comprendre que cette organisation ne vaut pas grand-chose. Elle est plutôt un regroupement des poids plume. Son coordonnateur actuel en est la preuve. Dame Mbodji a été l’adversaire d’Abdoulaye Ndoye au sein du Cusems. La rivalité a été telle que les comptes du syndicat ont été bloqués, aujourd’hui encore. A l’issue des joutes, Abdoulaye Ndoye s’est retrouvé avec 23,7%, alors que Dame Mbodji a eu moins de 2% (1,98%). Les syndicats de la Féder sont à l’image de celui dirigé par le sieur Mbodji. Le Sneel/Fc de Bakhaw Diongue a eu un total de moins de 2%. L’Uden/R d’Ardo Fall a récolté 2,61% au préscolaire-élémentaire et 0,67% au moyen-secondaire. L’ensemble des différentes Ois (Organisation des instituteurs du Sénégal), qu’elles soient dirigées par Hamidou Ba ou Moussa Diène, ainsi que l’Ois/Rd, font un total de moins de 3%.

Voilà ce genre d’organisation qui fait tant de bruit et participe à faire monter les enchères. En leur accordant autant d’importance, les médias aussi se rendent complices, sans le savoir certainement, puisque  nombreux sont les journalistes qui ne savent pas qui représente quoi dans ce tohu-bohu. Évidemment, il n’est pas question de les priver de parole, car chaque citoyen doit avoir un libre accès aux médias. Mais chacun doit être traité en fonction de sa représentativité. Les syndicats représentatifs et l’Etat devraient donc vulgariser davantage les résultats des élections. Dans ce cas, on pourrait espérer que ceux qui choisissent délibérément de commettre le péché d’orgueil, au moins, ne trouveront pas de complice, que ce soit dans la presse ou ailleurs. 

 

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