Publié le 16 Mar 2018 - 21:46
COMMENTAIRE PAR IBRAHIMA KHALIL WADE

L’inertie coupable des autorités

 

Combien de Sénégalais ont été tués à l’étranger ces dernières années ? Mystère ! Car jusqu’à présent, aucun chiffre officiel n’est disponible sur le sujet. En tout cas,  la série macabre se poursuit au sein de la communauté sénégalaise établie à l’étranger. La semaine dernière, c’était Idy Diène, abattu par un Italien à Florence. Et  hier encore, un Sénégalais de 35 ans du nom de Mame Mbaye Ndiaye, originaire de Pire, a perdu la vie à Madrid, dans des circonstances troublantes. Alors que certains  imputent cette mort  à un arrêt cardiaque suite à une course-poursuite avec une patrouille de la Police municipale, ses compatriotes eux parlent de meurtre. D’ailleurs, ils comptent organiser aujourd’hui une manifestation pacifique pour exiger que toute la lumière soit faite sur cette affaire.

 En réalité, la liste de nos compatriotes tués à l’étranger au cours de ces dernières années est longue. De l’Italie aux USA, en passant par l’Espagne, la Grèce, la Mauritanie, le Maroc, le Gabon…, il ne se passe plus une année sans que la presse ne fasse état du meurtre  d’un de nos compatriotes. Se posent alors avec acuité les causes voire mobiles de tels crimes. Certes, il y a longtemps que l’émigration n’est plus ce qu’elle était. La crise économique qui sévit dans le monde a engendré la montée de la xénophobie dans bien de pays d’accueil. Désormais, l’étranger est vu comme un usurpateur d’emploi ; un ‘’utilisateur éhonté’’ des services sociaux et de santé, un pollueur...

Il faut donc se rendre à l’évidence. Avec les effets conjugués de la crise socio-économique, le ciel n’est plus clément ailleurs. Que ce soit en Europe, aux Usa ou en Afrique, les exemples de jeunes Sénégalais qui se cassent la figure sont légion. Mais quand s’y ajoutent les meurtres, la pilule devient plus dure à avaler. Il appartient dès lors à l’Etat de veiller sur ses compatriotes  établis à l’étranger. Car on ne le dira jamais assez : l’apport des travailleurs immigrés dans l’économie nationale est incommensurable. Si dans  certaines  contrées du Sénégal, l’on ne meurt pas encore de faim, c’est en grande partie dû aux envois financiers de ces derniers. L’Etat a donc un devoir de protection et surtout d’assistance sur ses immigrés.

Aujourd’hui, beaucoup de dossiers relatifs à des cas de meurtres dont sont victimes des compatriotes sont en souffrance. Qu’il suffise de citer les assassinats de Mor Diop et Modou Samb en Italie, Ismaïla Faye à Rabat, Charles Ndour à Tanger (Maroc), Moustapha Kébé au Gabon, Magatte Fall à Almeria, Abdoulaye Mbengue à Palma de Mallorca, Aliou Ba à Vicar del mar,  Mamadou Guèye et Mor Sylla à Barcelone, Modou Mayé Ndiaye… (Espagne). Dans tous ces cas, on n’a pas senti l’assistance juridique de l’Etat. Conséquence : la plupart de ces dossiers dorment dans les tiroirs. Alors qu’il incombait à nos autorités consulaires et diplomatiques de peser de tout leur poids pour que les auteurs de ces assassinats soient jugés et condamnés et les familles des victimes dédommagées.

Il urge donc aujourd’hui de revoir notre politique migratoire surtout dans son volet juridique. Car, en dépit de la crise économique en Occident ou ailleurs en Afrique, ils sont nombreux les jeunes Sénégalais à persister et à croire que le bonheur qui leur échappe est de l’autre côté de nos frontières.

 

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