Publié le 15 Mar 2017 - 15:17
COMMISSARIAT SACCAGE, ROUTES BARREES, BOUTIQUES ET MAGASINS FERMES

KOLDA à feu et à cendre

 

Les populations de Kolda sont descendues, ce mardi 14 mars, dans la rue pour fustiger ce qu’elles appellent « un abus de pouvoir des policiers et des ASP ». Un jeune conducteur de moto Jakarta et sa cliente se sont retrouvés à l’hôpital avec des fractures, la veille, après une opération de contrôle routière qui a mal tournée. Une longue journée de heurts. Reportage.

 

Hier, dès 6 heures du matin, les conducteurs de moto Jakarta et les populations ont investi les rues de la ville de Kolda. Déterminés à manifester leur ras-le-bol, les manifestants ont brûlé des pneus dans tous les ronds-points du centre-ville, paralysant la circulation. Armés de pierres, de briques, de bâtons, ils ont déclenché une « guerre » sans merci aux policiers et aux ASP. A 8 heures, le rond-point de l’Eglise jouxtant le pont Abdoul Diallo qui divise la ville de Kolda en deux, celui de la gendarmerie non loin du district sanitaire et les entrées de la ville sont barrés. Des troncs d’arbres et des briques érigés en barrage. Partout en ville, des colonnes de fumée jaillissent des pneus brûlés.  

A 9 heures, les locaux du commissariat urbain sont envahis par les manifestants, torses nus. Tout ce qui peut servir comme projectile est utilisé par la foule. Les policiers débordés se retranchent à l’intérieur des locaux. Les portes d’entrée du commissariat urbain et la fenêtre du bureau de la recherche sont défoncées. Les véhicules en station dans la cour sont caillassés. Puis, les manifestants pénètrent dans le domicile du commissaire jouxtant le commissariat. Ils passent leurs nerfs sur le ventilateur, le four à micro-ondes, le split. Ils cassent les fenêtres et les deux portes d’entrée, le robinet. « Heureusement que personne n’habite les lieux. Car le nouveau commissaire n’a pas encore amené sa famille, après sa passation de service avec son successeur », dira après le Lieutenant Aliou Badara Ndiaye, adjoint du commissaire qui est en voyage.

En effet, alors que policiers et ASP sont retranchés dans les bureaux, impuissants face à la détermination des jeunes Koldois, qui ont toujours en tête l’affaire Dominique Lopy, battu à mort dans les locaux du commissariat de police, en 2007, la ville est sous la coupe des manifestants. Il faut l’intervention de l’armée pour calmer les ardeurs, vers 13 heures.

Un conducteur et sa cliente victime « d’abus de pouvoir d’un des policiers »

La veille au soir, vers 21 heures, c’est au niveau du pont situé au quartier Sinthiang Idrissa que les échauffourées ont démarré entre les conducteurs de motos Jakarta et les policiers en opération de contrôle routière. Le jeune Boubacar Baldé, conducteur de moto Jakarta, venait d’être poussé par un ASP qui lui demandait de s’arrêter. Ayant perdu le contrôle de sa moto, il avait terminé sa course dans le ravin avec sa cliente. (Voir image de la moto dans les eaux). « J’étais présent sur les lieux. L’ASP a demandé à mon ami de s’arrêter. Au moment où il s’apprêtait à le faire, l’ASP est venu et l’a poussé dans le ravin. L’ami et sa cliente sont tombés dans l’eau. Tous les deux ont eu des fractures. C’est l’ambulance des sapeurs-pompiers qui les a évacués, la même nuit à l’hôpital régional de Kolda, pour les soins d’urgence », souligne Ibrahima Diallo, lui aussi conducteur de Jakarta.

Des accusations balayées d’un revers de main par l’adjoint au commissaire. « C’était au cours d’une opération de sécurisation, les policiers et quelques ASP se sont postés au pont du quartier Sinthiang Idrissa, comme à l’accoutumée. Subitement, un conducteur de moto Jakarta, en l’occurrence Boubacar Baldé, qui roulait à vive allure, a été sommé d’arrêter. Mais, ce dernier a refusé et a foncé sur le policier pour le percuter. C’est ainsi qu’il a perdu le contrôle de sa moto et s’est retrouvé dans les eaux du pont avec sa cliente ». Le policier de conclure : « Khadim Samb, adjudant de police, a reçu une pierre au niveau du bassin. Il est évacué à l’infirmerie du camp militaire Moussa Molo Baldé de Kolda et Aliou Baldé, un des ASP, a lui aussi reçu une pierre à la tête. Mais ils sont tous hors danger ». Selon ses dires, deux manifestants ont été interpellés, puis libérés suite aux négociations menées entre certains responsables politiques et de la société civile. 

Les deux victimes sont en vie

13 heures, cap sur l’hôpital régional de Kolda. Nous sommes reçu par Madame Diao dite Guéthie Kanté, intérimaire du directeur de l’hôpital en voyage, qui renseigne que « toutes les victimes sont en bonne santé ». ‘’Aucune, parmi elles, n’est décédée, comme prétendent certaines populations’’, ajoute-t-elle. Joignant le geste à la parole, elle nous conduit dans le bureau du Dr Papa Saliou Faye qui suit les deux victimes. « Hier, confie le médecin, on a reçu deux traumatisés. Un jeune homme et une fille qui sont hors de danger. Car le pronostic vital des patients n’est pas engagé. Donc, c’est juste des lésions traumatiques qui peuvent être prises en charge par le service de l’hôpital de Kolda où dans une structure beaucoup plus spécialisée ». Il conclut qu’il n’y a pas de décès. Nous nous rendons dans la salle pour constater de visu que les deux victimes sont bel et bien en vie. Boubacar Baldé souffre de deux fractures au niveau de la jambe gauche. Sa cliente Ousseynatou Diallo souffre aussi d’une fracture à la même jambe gauche.

Les activités économiques de la ville paralysée

Du fait de la chaude journée d’hier, toutes les activités économiques ont été paralysées. Les  restaurants, boutiques, stations d’essence et certains établissements ont préféré baisser rideaux.

EMMANUEL BOUBA YANGA

 

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