Publié le 25 Jul 2015 - 11:03
COMMISSION D’AVOCATS POUR HISSEN HABRÉ

Des garanties pour un procès équitable

 

Les Chambres africaines extraordinaires (Cae) ont commis 3 avocats pour assurer la défense de Hissein Habré. Selon le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, cette décision montre la volonté des Cae de rendre un procès juste et équitable.

 

On ne peut pas parler de justice internationale en Afrique, sans évoquer le procès de Hissein Habré qui se déroule au Sénégal. Le sujet était au cœur du séminaire de l’Institut d’Études de Sécurité (ISS) qui s’est tenu hier, à Dakar, en présence du Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Après 25 ans, voilà que se tient au Sénégal le procès de l’ancien chef d’Etat tchadien, poursuivi pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture. Ouvert lundi 22 juillet à Dakar, le procès d’Hissein Habré a été renvoyé jusqu’au 07 septembre prochain. Le motif de ce renvoi : permettre aux 3 avocats commis pour la défense de Habré de mieux s’approprier le dossier.

Cette commission d’avocats pour assurer la défense de l’ancien président du Tchad n’agrée pas certaines organisations de défense des droits de l’Homme, notamment la Société internationale pour les droits de l’Homme (SIDH/Sénégal). Si des avocats ont été commis d’office, c’est parce que l’ancien homme fort de N’Djamena a opté pour une défense de rupture. C’est-à-dire en gardant le silence pendant les deux fois qu’il s’est présenté devant le procureur des Chambres africaines extraordinaires.

Cependant, pour le Garde des Sceaux, ministre de la Justice qui a présidé l’ouverture du séminaire de l’Institut d’études de sécurité, si les Chambres africaines extraordinaires ont commis 3 avocats pour la défense de Habré, c’est pour montrer ‘’qu’elles respectent les normes internationales et offrent des garanties d’un procès équitable’’. En clair, l’ancien président tchadien a ses propres avocats, mais, il ne veut pas que ces derniers plaident pour lui lors de ce procès.

D’après Sidiki Kaba, vu la gravité des crimes dont Habré est accusé, il ne peut pas ne pas avoir d’avocats. C’est ce qui justifie, selon lui, la commission d’avocats en faveur de l’accusé. Toutefois, le Garde des Sceaux tient à rassurer les uns et les autres. Les 3 avocats commis pour défendre Habré ‘’sont des professionnels’’. Ils sont ‘’bien connus au Sénégal’’, ‘’ils connaissent leur travail’’ et ‘’ils le feront’’, dit-il, pour calmer les ardeurs.

Rendre justice

Sur un autre registre, les crimes commis en Afrique de l’Ouest, ces dernières années, restent nombreux. Parmi ces crimes pendant devant la justice, le chercheur de l’ISS Alain Ngari, qui faisait une présentation sur ‘’promouvoir la justice internationale en Afrique de l’Ouest : consolider les réussites’’, rappelle les tueries en République de Guinée, dont les auteurs restent toujours impunis. C’était un 28 septembre 2009, lorsqu’un rassemblement de l’opposition a été fortement réprimé par la garde prétorienne. Bilan : 157 morts et plus de 253 blessés.

Une enquête a été lancée par le bureau du Procureur de la Cour pénale Internationale (CPI). D’autres enquêtes sont en train d’être menées, dans d’autres foyers de tension en Afrique de l’Ouest. C’est le cas dans la région du Delta du Niger, une zone riche en pétrole. Dans cette partie, souligne M. Ngari, il y a eu des violences ethniques, des enlèvements d’employés des sociétés pétrolières, des attaques contre ces sociétés. Ensuite, il y a Boko Haram qui opère au Nord-Est du Nigeria. Cette secte attaque des civils, des écoles, des églises. Boko Haram a commis des crimes contre l’humanité, accuse Alain Ngari. A côté de ces exactions, il y a le problème en Côte D’ivoire avec l’ancien président Laurent Gbagbo, sa femme Simone et Charles Blé Goudé, le leader de la jeunesse du parti de l’ancien président ivoirien.

Toutes ces affaires sont pendantes devant la CPI, dit Alain Ngari. Toutefois, la Cour pénale internationale ne peut pas rendre justice à tout le monde, dans la mesure où elle est une cour de dernier recours, fait savoir le chercheur à l’ISS. Ainsi, il appelle les cours nationaux à s’intéresser à l’ensemble de ces dossiers pour que justice soit rendue.

Protéger les témoins et les victimes

En outre, Alain Ngari appelle les gouvernements africains à protéger les victimes et les témoins. Concernant les derniers, il souligne qu’ils représentent une source d’informations irremplaçable dans les procédures judiciaires. Pour ces raisons, les témoins doivent se sentir en sécurité. La meilleure manière de protéger un témoin par les gouvernements est, d’après Alain Ngari, ‘’de mettre en place un programme de protection des témoins qui dure longtemps’’. Mais quid des victimes qui peuvent, à la fois, être témoins et victimes. Ces dernières ont aussi besoin d’être en sécurité.

Aujourd’hui, le seul pays africain qui dispose d’une législation en matière de protection des témoins reste le Cap-Vert. Pour le Nigeria et le Ghana, ils disposent de lois, mais, elles ne sont pas encore adoptées, renseigne toujours M. Ngari. ‘’Ils faut que les pays africains adoptent des lois dans ce sens’’, recommande-t-il.

PROCES HISSEIN HABRÉ

Pourquoi Idriss Déby ne doit pas comparaître

Depuis l’ouverture du procès Habré, la comparution du président tchadien Idriss Déby est fortement demandée par les souteneurs de Hissein Habré. Cette demande incessante du camp de Habré a même poussé les ministres de la Communication et de la Justice du Tchad à faire une sortie face à la presse sénégalaise pour mettre les choses au clair. Hier, lors du séminaire de l’Institut d’études de sécurité, le Conseiller et porte-parole de Human Rights Watch est revenu à la charge.

Selon Reed Brody, dire que Idriss Déby doit répondre devant les Chambres africaines extraordinaires est une ‘’manière pour les communicants de Habré de déplacer le débat en regardant ailleurs’’. ‘’Ils (avocats de Habré) ne veulent jamais engager le débat par le fond. Parlons quand même des faits. N’ayons pas une fixation sur quelqu’un qui n’était qu’un simple exécutant dans le régime de Hissein Habré’’, attaque Reed Brody.

‘’Si on dit que rien ne se fera si tout le monde n’est pas là, c’est qu’on ne veuille pas qu’il y ait quelque chose’’, souligne pour sa part le Garde des Sceaux, Me Sidiki Kaba qui a été interpellé sur cette question, en marge du séminaire de l’ISS. Il informe que la justice internationale fonctionne avec des règles.

ALIOU NGAMBY NDIAYE

 

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