Publié le 18 Mar 2020 - 21:36
CONFESSIONS D’UN ÉTUDIANT SÉNÉGAL CONFINÉ EN FRANCE

‘’J’ai tous les symptômes du coronavirus’’

 

Au début de l’épidémie du coronavirus en Chine, les Sénégalais s’inquiétaient du sort des 13 compatriotes étudiants confinés à Wuhan. Aujourd’hui que la maladie est devenue une pandémie et a comme épicentre l’Europe, la situation des ressortissants sénégalais, en particulier les étudiants, est encore plus alarmante. Confiné à Seine-Saint-Denis, en région parisienne depuis le 4 mars, et présentant tous les symptômes de la Covid-19, un étudiant sénégalais s’est confié à ‘’EnQuête’’ pour raconter leur calvaire.

 

Comment vous vivez le confinement en France ?

On est en train de passer un moment très difficile, dans la mesure où chacun est obligé de rester chez lui et de vivre seul. C’est l’isolement total. Même si, en Europe, on est habitué à vivre seul, c’est quand même un peu plus difficile actuellement, parce qu’on ne peut plus sortir. Mais on était préparé à faire ce confinement et on a fait toutes nos courses pour éviter de sortir. Pour nous les étudiants, les cours sont suspendus. Personnellement, je passais une semaine par mois à l’université et les autres semaines, je suis en entreprise. Je suis obligé, actuellement, de m’organiser et de m’adapter au télétravail pour pouvoir continuer ma formation au sein de l’entreprise. On travaille à la maison, c’est difficile, mais on essaye de s’adapter.

Est-ce que le consulat vous a contactés pour s’enquérir de votre situation ?

Pour ma part, je n’ai pas reçu d’information ou de communiqué, hormis les tweets du président de la République que j’ai lus sur sa page. Sinon, rien de plus à propos des étudiants, depuis le confinement. Les représentations diplomatiques ont peut-être une pensée pour leurs étudiants, peu importe là où ils se trouvent. Il faut reconnaître que c’est un peu compliqué de se solidariser ou bien d’être à leur côté.

Actuellement en France, pour tester une personne, il faut qu’elle rencontre des problèmes de respiration, sinon personne ne va lui faire des tests. Moi-même, je suis malade depuis le 4 mars. J’ai essayé d’appeler le 15, mais ils m’ont envoyé un agent qui a juste vérifié mon état. Il m’a ensuite dit de les rappeler, si seulement j’ai des problèmes respiratoires. J’ai de la fièvre depuis 10 jours et je ne prends que du paracétamol. Ici, en Europe, on peut dire que nos vies sont en danger, parce qu’il y a beaucoup plus de malades par rapport au pays. Au Sénégal, on est en train de tester tous les cas suspects, mais en France, il n’y a plus de suspect. Tout le monde peut avoir le virus.

Est-ce que vous présentez les symptômes du virus ?

La première fois que je suis tombé malade, c’était le 4 mars, au début de l’épidémie. Et à cette période, la France n’acceptait pas de faire tester tout le monde, parce que les personnes sans contact n’étaient pas testées. Mais quand je suis allé le lendemain dans mon lieu de travail, j’ai reçu un mail m’informant qu’il y a eu un cas positif. Les médecins m’ont dit alors de rester 48 heures et que s’il n’y a pas de changement, que je contacte le 15. Il n’y a pas eu de changement. J’ai alors appelé le 15 et ils m’ont dit d’attendre. Mais, pour être honnête, j’ai tous les symptômes du coronavirus, parce que j’ai la toux, des maux de tête, des courbatures, de la fièvre et de l’écoulement nasal.

Ce sont les symptômes de la Covid-19. Mais ici en France, tant qu’on n’a pas des difficultés respiratoires, on n’est pas considéré comme un cas grave qui nécessite le test. Mais quand on a des problèmes respiratoires, on se retrouve directement en réanimation. Aujourd’hui, on parle de 400 cas en réanimation et la moitié, ce sont des jeunes entre 30 et 40 ans. Donc, ça se complique. La France ne veut pas faire des tests, même si l’OMS l’encourage à le faire comme l’Italie, l’Espagne et les autres pays. La France, depuis le début, a refusé catégoriquement d’être un pays à risque. Il était juste en train de suivre les cas contacts. On n’a pas le choix. Quand on te dit qu’il y a un cas positif à l’endroit où tu travailles, tu as déjà peur, à plus forte raison lorsque tu as les symptômes et que tu ne peux te tester. C’est très difficile. Ceux qui sont au Sénégal ou dans les autres pays africains nous disent de ne pas nous inquiéter, parce que nous sommes en France et qu’il n’y a pas de problème. Mais quand on a tous les symptômes et qu’on n’arrive pas à faire le test, c’est inquiétant.

Vous habitez seul… ?

Oui, j’habite seul dans mon appartement. Depuis que je suis en France, je vis seul. Mais j’ai des connaissances dans la résidence. Mais ici en Europe, on n’a pas beaucoup de temps pour se rencontrer.

Est-ce que vous êtes en contact avec la famille au Sénégal ?

Oui, je parle tous les jours avec la famille, sauf hier, car j’étais trop fatigué. Toute la journée, j’étais malade et la nuit je n’ai pas dormi. Je n’ai pas ainsi eu le temps de lire mes messages WhatsApp. Je suis certes en contact avec la famille, mais je ne dis pas toutes les informations, parce que, déjà, elle s’inquiète. Il y a ma maman qui m’appelle chaque jour, mais dernièrement j’avais la toux, je ne pouvais pas parler avec elle correctement. J’ai alors raccroché, parce que je ne voulais pas qu’elle soupçonne quelque chose.

J’ai parlé avec elle, il y a deux jours, pour la rassurer, en lui faisant comprendre que la maladie n’est pas grave et que la majorité des malades guérissent. A un moment, même un de mes frères m’a demandé de rentrer, mais je lui ai dit que ce n’est pas possible, car je ne veux pas rentrer avec le virus contaminer les autres. Déjà en Europe, c’est risqué. Le plus important, c’est de sauver les autres. Il y a beaucoup d’étudiants qui sont dans la même situation. J’en connais quelques-uns qui ont eu les mêmes problèmes et ils préfèrent même ne pas aller voir un médecin ou appeler, parce qu’il n’y a pas de test et on a presque tous les symptômes.

ABBA BA

Section: