Publié le 22 May 2020 - 20:39
CONSEQUENCES DE LA PANDEMIE DE COVID-19

Un déficit record de la balance commerciale en mars 2020 

 
Les bilans économiques tombent avec, en ligne de fond, les impacts de la Covid-19 sur l’économie sénégalaise. Premier mois vécu sous la hantise de la pandémie, mars 2020 donne un avant-goût de l’ampleur des dégâts.  
 
 
 
La plupart des économies dans le monde ont vu leurs productions s’effondrer, du fait de la pandémie de Covid-19 qui a secoué l’activité et fortement assombri les perspectives économiques du début d’année 2020. En mars, les prévisions économiques du Fonds monétaire international (FMI) tablaient sur une récession de 3 % de l’économie mondiale au cours de l’année, soit un recul de 6,3 points de pourcentage par rapport aux prévisions de janvier. En Afrique, la première récession depuis une génération était même annoncée. 
 
Au Sénégal, le virus a fait son apparition le 2 mars. Mais les mesures drastiques menant au ralentissement de l’activité économique ont été prises, par le gouvernement, plus tard dans le mois (fermeture des frontières le 19, déclaration de l’état d’urgence et du couvre-feu le 23). Même si les effets de la maladie se faisaient déjà sentir sur certains secteurs. La publication du point mensuel de conjoncture mars 2020 de la Direction de la prévision et des études économiques ((DPEE) permet de se faire une idée sur l’impact de la pandémie sur l’économie et de constater que sur bien des secteurs, les modifications occasionnées ont été grandes. 
 
Le rapport indique que la balance commerciale du Sénégal a connu un déficit record, au cours du mois de mars. Selon les statistiques de la DPEE, les échanges extérieurs font ressortir un déficit de 274,5 milliards de F CFA contre 29,4 milliards en février 2020, soit un creusement de 282,8 milliards de F CFA. Alors que les importations ont atteint ce niveau, les exportations n’ont augmenté que de 3,8 milliards. 
 
Ainsi, les achats de biens depuis l’extérieur ont atteint 486,2 milliards de F CFA. Cette situation est expliquée par les experts ‘’par la progression des achats à l’étranger de produits pétroliers de 86,4 milliards, de machines, d’appareils et moteurs de 40,4 milliards, de produits alimentaires de 36,1 milliards et de véhicules, matériels de transport et pièces détachées automobiles de 35,2 milliards’’. La hausse des produits alimentaires est principalement liée à la reprise des achats de riz (+13,4 milliards). 
 
Concernant les produits pétroliers, la hausse observée est l’effet de la progression des achats d’huiles brutes de pétrole (+78,7 milliards) et de produits pétroliers raffinés (+7,7 milliards). Il faut noter que sur le marché des matières premières, les cours ont connu une chute importante en mars 2020, conséquence des perturbations au niveau de l’offre, mais également de la contraction de la demande liée à la pandémie. En rythme mensuel, les indices des cours des produits énergétiques ont enregistré des baisses de 35,3 %, résultant principalement du repli des prix du pétrole (-39,6 %). 
 
Bien qu’ayant augmenté de 3,8 milliards de F CFA, les exportations de biens doivent ce regain essentiellement à la progression de la valeur des exportations d’acide phosphorique et de titane. En revanche, le mois de mars se caractérise par un repli de 9,6 milliards des exportations de produits alimentaires imputable à la baisse des ventes de produits arachidiers, mais aussi des produits pétroliers de 6,3 milliards et du ciment (- 4,1 milliards).
 
L’activité interne supportée par le secondaire et l’Administration publique
 
Le rapport indique qu’au mois de mars 2020, ‘’l’activité économique interne (hors agriculture et sylviculture) s’est consolidée de 2,1 %, en rythme mensuel, tirée par le secondaire (+9,7 %) et l’Administration publique (+3,2 %). Pour leurs parts, le tertiaire et le primaire se sont respectivement contractés de 2,5 % et 1,7 %’’. 
 
En effet, les statistiques de la DPPEE montrent que le secteur primaire (hors agriculture et sylviculture) s’est contracté de 1,7 %, en variation mensuelle. Une contreperformance imputable en bonne partie à celle du sous-secteur de la pêche qui a connu un recul de 5,0 %. Beaucoup d’entreprises agréées à expédier des produits frais vers l’Europe ont été durement touchées par la pandémie du fait de l’arrêt des exportations aériennes suite à la fermeture des frontières. Conséquences du couvre-feu de 20 h à 6 h, les quais de débarquement n‘étaient plus ouverts tous les jours et les navires de pêche étrangers qui opèrent hors des eaux territoriales ne reviennent plus dans les ports. En 2018, la pêche représentait 16 % des recettes totales des exportations du Sénégal. 
 
D’autres contreperformances ont été notées dans le secteur tertiaire, avec un repli de 2,5 %, enregistré entre février et mars 2020. Cela concerne surtout les activités immobilières qui ont chutées de 50,1 %, l’hébergement et restauration en baisse de 39,5 %, les activités spécialisées, scientifiques et techniques (-13,6 %), le transport (- 6,8 %) et l’information et communication’’ (-4,8 %). L’application du télétravail n’ayant été grandement utilisée qu’à partir d’avril, le numérique a subi un contrecoup avant peut-être de s’adapter. Quant à la restauration et l’hébergement hôtelier, ils commençaient déjà à subir les effets de l’arrêt du tourisme. Mais ce sont les protagonistes des ‘’activités artistiques, culturelles, sportives et récréatives’’ qui ont le plus souffert des effets de la pandémie en voyant leur milieu faire une croix sur au moins 53,8 % de leur occupations. Cependant, sur la même période, la DPEE note que le commerce et les ‘’activités financière et d’assurances’’ se sont respectivement crû de 7,8 % et 22,9 %. 
 
La culture, le sport et les manifestations récréatives perdent 53,8 % de leurs activités
 
Dans la même veine, le secteur secondaire s’est conforté de 9,7 %, selon les statistiques. Et le domaine qui a véritablement su profiter de cette crise a été celui de la ‘’filature, tissage et ennoblissement textile’’ qui a cru de 153,4 %. Un gros regain d’intérêt a été consacré au tissu avec la confection de masques depuis que les autorités publiques ont rendu obligatoire son port. La fabrication de produits agroalimentaires et la ‘’production et distribution d’électricité et de gaz’’ ont aussi progressé durant le mois. Par contre, les activités extractives et la ‘’fabrication de ciment et d’autres matériaux de construction’’ se sont repliées.
 
Cependant, ce n’est que vers la fin du mois de mars que le plan de riposte du gouvernement, la force-Covid-19 dotée de 1 000 milliards de F CFA, a été annoncé par le président de la République. Nul doute que ses effets devraient se sentir en avril, deuxième mois passé au cœur de la pandémie.    
 
Lamine Diouf

 

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