Publié le 1 Sep 2015 - 13:15
CORNICHE- DÉBORDEMENT DE LA MER

Journée perdue à Soumbédioune

 

Il y avait de l’orage dans l’air. Ou, pour adapter l’expression au contexte marin, de la houle dans la mer. Une situation qui a causé le désœuvrement momentané des pêcheurs, hier à Soumbédioune. La houle y a eu des conséquences moins fâcheuses qu’à Rufisque, sur le plan matériel particulièrement. Mais le manque à gagner s’est fait sentir dans cette pêcherie traditionnelle.

 

Au lieu de tirer les filets, Abdou Aziz Diongue a tiré sa flemme. Ce pêcheur quinquagénaire de Soumbédioune est resté à quai hier, comme tous ses autres compères. La faute à une houle qui a gelé toute activité marine sur la corniche ouest de Dakar. Le magnifique bleu turquoise de l’océan qui ravissait l’œil des habitués de la corniche ouest de Dakar avait fait place à une eau saumâtre, semblable à une coulée de boue. Il fallait chercher loin, au large, pour apercevoir un soupçon d’azur. Derrière le décor de la circulation automobile rapide, un air d’indolence soufflait sur ce haut lieu de la pêche artisanale, durant toute la matinée d’hier.

Pas de sortie en mer de 6 à 16 heures, pas de débarquements d’une pêche fructueuse, pas de ces odeurs envoûtantes de grillades, pas de marchandages serrés avec les mareyeurs ou les poissonnières. Il n’y avait, dans les abris, que des pêcheurs qui se sont tourné le pouce. La plage ressemblait à un vaste parking pour pirogues. Des centaines de petites embarcations étaient alignées sur le rivage, sur les rebords desquels s’amusaient quelques enfants. Sur la proue de ces engins décorés d’arabesques aux couleurs bigarrées, des drapelets étaient fouettés par un vent furieux, signe résiduel d’une houle qui perdait peu à peu de son intensité. Ce mouvement ondulatoire de la surface de la mer a été à l’origine de cette oisiveté forcée des pêcheurs, depuis dimanche soir.

‘’C’est au matin que nous nous sommes retrouvés’’

‘‘Il est très risqué de sortir aujourd’hui, car avec l’état de la mer,  les pirogues peuvent facilement se renverser. C’est normal que nous restions ici’’, renseigne Abdou Aziz Diongue, contemplant la mer depuis le mur du baraquement qui sert de reposoir aux pêcheurs. En compagnie de trois autres membres de son équipe, plus jeunes que lui, il explique que ce dérèglement climatique saisonnier a commencé dans la nuit du lundi vers 2 heures du matin. ‘‘Si vous étiez venu depuis le petit matin, vous auriez pu constater l’ampleur de la situation. Ceci étant dit, il n’y a pas eu de dégâts’’,  poursuit-il, en posant le pied sur une caisse isotherme vide. Les vagues plus fournies qu’à l’accoutumée s’échouent avec fracas sur le sable fin. A 13 heures passées, l’eau s’était retirée, mais pas totalement.

Sur le petit filet de sable qui sert de rivage, une pirogue venant de Thiaroye, surprise par la houle, y resta encalminée. ‘‘Nous étions déjà en mer quand la houle s’est manifestée. Nous sommes restés une bonne partie de la nuit sans cap. C’est au matin que nous nous sommes retrouvés’’, explique Alassane Ndir qui se prépare à aller se reposer sous l’ombre des engins.  Le pêcheur, maudissant son inobservance des prévisions météo, jure par tous les saints qu’on ne l’y prendra plus. 200 mètres plus loin, la configuration est presque pareille. Un groupe de pêcheurs discutent avec entrain sur la future affiche de lutte Siteu vs Sa Thiès. Une frénésie qui s’est estompée, dès qu’il s’est agi de se prononcer sur le quotidien raté d’hier. Pour ces habitués de la pêche en haute mer, les aléas climatiques font partie du métier. ‘‘C’est vrai qu’avec cette mer agitée, nous subissons un énorme manque à gagner en restant à quai. Mais nous savons tous très bien qu’à chaque saison, il faut deux jours ou trois comme ça. Les mystères de Dieu sont impénétrables’’, déclare Issa Diène, l’un d’entre eux.

Optimisme de rigueur

Les pêcheurs de Soumbédioune refusent de se prononcer clairement sur le montant du manque à gagner. ‘‘Les revenus ne sont pas réguliers. Des fois, on rentre avec beaucoup d’argent, des fois, pas du tout. Ce qui est sûr, c’est que le fait de n’avoir pas travaillé est handicapant en soi’’, se désole un vieil homme vêtu d’un tee-shirt rouge à l’effigie de Michael Jordan. Mais tout n’est pas à jeter avec cette houle. Malgré une journée perdue, Aziz Diongue est déjà optimiste sur les prochaines tournées. La raison ? ‘‘Après chaque passage de la houle, les bancs de poissons affluent’’, affirme-t-il, son visage  affichant les premiers signes de décrispation, depuis le début de l’entretien.

Déjà une demi-douzaine de ‘‘gaalou-marée’’, pirogues pour la haute mer, tanguent au gré d’une mer très agitée. Une bonne humeur que les prévisions météorologiques de l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie, Anacim, risque de plomber. La journée d’aujourd’hui devrait être marquée par une ‘‘occurrence d’orages et de pluies qui vont concerner la majeure partie du pays’’, a-t-il fait savoir dans son bulletin. Une prévision qui concerne les départements de Kédougou, de Bakel, de Tambacounda, de Louga, de Linguère, de Dakar, et le centre du pays, avec des températures jusqu’à 30° dans la capitale. 

OUSMANE LAYE DIOP

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