Publié le 26 Mar 2020 - 22:42
CORONAVIRUS

Les personnes atteintes de maladies chroniques, les plus à risque

 

L’épidémie de coronavirus continue de se propager dans l’Hexagone. Au Sénégal, sur 142 tests réalisés par l’Institut Pasteur de Dakar hier, 13 sont positifs. Il s’agit de 5 cas importés et 8 cas contacts suivis. Un cas hospitalisé au Service des maladies infectieuses et tropicales de Fann est guéri. À ce jour, 99 cas sont déclarés positifs dont 90 sous traitement et 9 guéris. En Afrique, le Sénégal est le pays le plus contaminé, en dehors du Burkina Faso. Mais en cas de contamination, les patients atteints de maladies chroniques sont les personnes que le virus met le plus en danger.

 

La Covid-19 est dangereuse. Elle l’est d’autant plus que nul n’a encore de mémoire immunitaire contre ce virus qui n’épargne personne. Le problème, c’est qu’on n’a pas d’anticorps, ni de cellules cytotoxiques spécifiques du virus pour y faire face. Or, comme tout virus qui va infecter une population, il y a toujours des gens qui sont plus faibles que d’autres et qui ne vont pas être capables de s’en défendre efficacement. Il s’agit des personnes affectées par les maladies chroniques. Car, de l’avis du chef du Service d’immunologie infectieuse à l’Institut de recherche en santé de surveillance épidémiologique et de formation (Iressef), les personnes atteintes de ces pathologies sont toutes des cas à risque.

Selon le professeur Tandakha Ndiaye Dièye, les personnes âgées et les personnes présentant des maladies chroniques ont un risque de mortalité plus élevé. Il s’agit des personnes atteintes d’hypertension artérielle, d’insuffisance rénale chronique, d’insuffisance cardiaque, de cirrhose, les patients souffrant de cardiopathie, des diabétiques, d’insuffisance respiratoire chronique, d’asthme ou toutes formes de pathologies pulmonaires. C’est également les immunodéprimés, les gens atteints de cancers sous chimiothérapie, infectés par le VIH ou présentant une immunodéficience congénitale et tout individu sous corticothérapies.

‘’Toute personne souffrant d’une maladie chronique est considérée comme une personne plus à risque de développer des cas sévères pouvant entraîner la mort. Parce qu’elles sont souvent grabataires. En plus, elles sont déjà très fatiguées. Si ces gens sont infectés par le coronavirus avec tout ce qui est autour, c’est-à-dire fatigue, douleur musculaire, céphalée, cela devient dangereux’’, explique Pr. Dièye. Pour lui, quelqu’un qui a l’hypertension ou le diabète ne veillera pas sur son état, quand il a le coronavirus. Il ne va plus, dit-il, prendre son traitement comme il faut, c’est cela le risque.

Un risque de mortalité plus élevé

La maladie, dit-il, devient, dans un premier temps, virale (beaucoup de fièvre) et en second lieu immuno-phatologique. C’est-à-dire que le virus induit dans ce dernier cas une stimulation immunitaire très importante par production de protéines inflammatoires (cytokines). Puis, explique le scientifique, il disparaît de l’organisme en endommageant les cellules du poumon (comme une autodestruction des poumons). ‘’Cette maladie est dangereuse du fait que personne n’a encore une mémoire immunitaire et que tout le monde est susceptible d’être infecté. Les personnes les moins touchées sont les enfants de moins de 10 ans. L’augmentation des décès est superposable à l’âge des personnes infectées. Le taux de mortalité chez les plus de 80 ans est de 15 %. Plus de 80 % des décès avaient plus de 60 ans’’, renseigne-t-il.

À l’en croire, ‘’nous serons tous infectés au fur et à mesure de sa propagation. Certains d’entre nous seront asymptomatiques (80 % de la population), d’autres (15 %) feront un rhume avec un mal de gorge, toux, éternuements, fatigues. Ce sont les plus fragiles (5 %), incapables de produire une immunité efficace, qui feront les formes graves entraînant des difficultés respiratoires. Parmi ces personnes présentant des formes graves, la moitié risque de mourir’’, explique Pr. Dièye.

Pour le spécialiste en immunité infectieuse, ces personnes doivent être en confinement total. ‘’Elles doivent sortir le moins possible. Elles peuvent déléguer à d’autres d’aller leur chercher tout ce dont elles ont besoin. Le risque est énorme pour cette catégorie. Dans la maison, elles doivent être aussi en confinement. Parce que ce sont les gens qui sortent qui ramènent le virus. Imaginez quelqu’un qui a une insuffisance rénale en plus du coronavirus. Ces personnes doivent être ménagées’’, recommande-t-il.

À son avis, le problème qui se pose avec cette pandémie, c’est qu’il y a beaucoup de choses qui ne sont pas apprises. Donc, il faut que les gens prennent plus de recul. Mais dans trois à six mois, les gens vont bien comprendre cette maladie. ‘’Mais aujourd’hui, tout le monde est d’accord que les personnes qui sont à risque sont celles qui ont des maladies chroniques. ‘’Quelqu’un qui a un problème respiratoire, qui est asthmatique, qui a un essoufflement, s’il est infecté par le coronavirus au niveau pulmonaire, cela détruit les poumons. Et là vous n’avez plus aucune chance’’, renseigne-t-il.

Les enfants de moins de 10 ans sont les moins touchés

Le professeur conseille de prendre d’abord des mesures de base. C’est la distanciation sociale, en évitant de se rapprocher les uns des autres. ‘’On peut faire une transmission directe, c’est-à-dire en faisant des toux. Parce que, quand on tousse ou quand on éternue, les gouttelettes vont aller en aérosol. Elles vont rester longtemps au niveau de l’air et cela pendant 3 heures. Et à ce niveau, la contamination est très rapide’’, explique Pr. Dièye. Deuxièmement, souligne le scientifique, quelqu’un qui a des mains très contaminées, il les pose n’importe où dans les surfaces inertes, il y laisse le virus. Les surfaces inertes, informe-t-il, sont différentes. Selon lui, il y a des surfaces inertes sur lesquelles on peut garder le virus pendant longtemps.

Sur les cartons, le virus peut y rester pendant 24 heures. ‘’C’est un véritable problème. Si vous prenez tout ce qui est cuir, du métal, c’est 4 heures. Il peut vivre pendant 4 heures sur les pièces de monnaie, les césures, les clefs, entre autres. Mais le pire, c’est le plastique. Avec le plastique, c’est 48 à 72 heures. C’est pourquoi il faut faire très attention avec les verres à boire, les loquets des portes. Parce que si ces personnes passent à travers tout cela, alors que quelqu’un a posé le virus là-bas, elles vont être infectées très rapidement’’, avertit le médecin.

Par ailleurs, l’infectiologue souligne l’effet indésirable que produit ce virus également chez les patients atteints de maladie virale. À l’en croire, quand on a une maladie virale comme la rougeole ou la varicelle, à force que l’organisme se défend contre le virus, cela peut entraîner une inflammation aiguë au niveau des poumons. ‘’C’est cela qui fait peur à tout le monde, en réalité. Parce que la première chose, c’est une réponse virale normale. Mais elle entraîne un phénomène immuno-pathologie. C’est-à-dire, quand vous faites une bonne défense immunitaire, vous endommagez en même temps votre organisme. Alors que le virus est déjà parti, vous attaquez vos organes et c’est pourquoi vous voyez que les gens ont des insuffisances respiratoires et vont jusqu’à mourir’’, fait-t-il savoir.

Le plus important, dit le médecin, est de tout faire pour que le virus n’entre pas chez soi. Parce que même dans les pays développés, ils n’ont pas pu régler ce problème. ‘’La stratégie de confinement vise donc à freiner sa propagation pour que la totalité de la population mette un an à 18 mois à se contaminer plutôt qu’un mois. C’est aussi pour éviter un engorgement de notre système sanitaire, des fois peu performant et surtout amoindrir les risques de contamination du personnel de santé. Quand plus de 60 à 80 % de la population sera contaminée, alors le virus arrêtera de circuler et on atteindra l’immunité collective tant recherchée’’.

VIVIANE DIATTA

 

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