Les regrets et les larmes de Metzo Diatta
Pour avoir tenté de soudoyer un policier, agent de la circulation, le chanteur Metzo Diatta risque de passer les trois prochains mois derrière les barreaux. L’artiste, attrait hier à la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar, a été sermonné malgré ses multiples regrets, tandis que la partie civile, le brigadier Daha Ndiaye, a été ‘’honoré’’.
Policier en service au commissariat de Dieuppeul, le brigadier Daha Ndiaye a envoyé le chanteur-compositeur Metzo Diatta, de son vrai nom Ahmed Siguidji Diatta, en prison depuis mardi dernier. Si le tribunal suit le réquisitoire du parquet, l’artiste restera en prison pour les trois prochains mois, pour corruption active.
Non content d’avoir grillé un feu rouge au Rond-Point Castor, Metzo Diatta a tenté de corrompre le policier, en lui remettant la somme de 2 000 francs Cfa. Contrairement à ‘’l’agent Ndiaye’’, un personnage interprétant le rôle d’un policier corrompu dans la série ‘’Dinama nekh’’ co-produit par le prévenu, l’agent Ndiaye a décliné l’offre. Il a préféré conduire Metzo Diatta à la police.
A la barre, l’artiste a été renvoyé au scénario de la série qu’il a co-produite et qui dénonce la corruption des policiers. Renvoyé à ses propres leçons et savonné, le prévenu n’a cessé d’exprimer des regrets. Des larmes, l’artiste en a aussi versé. Moulé dans une chemise rouge, avec des rayures assorties d’un pantalon de la même couleur, l’artiste semblait avoir été tiré de son sommeil.
Il dégageait un autre look, parce qu’il n’avait plus ses ‘’rastas’’, mais le crâne plutôt rasé. Habitué à tirer sur ses cordes vocales pour distiller de belles mélodies, l’auteur de la célèbre chanson ‘’Dienbéring’’ élevait à peine la voix.
Tout le contraire de la partie civile qui a reçu des félicitations. Il manquait juste qu’une médaille ou un insigne soit apposé sur sa chemise pour matérialiser cette distinction. Car, le parquet, tout autant que les avocats, ont salué l’intégrité du limier. Le représentant du parquet, Mamadou Bassirou Ndiaye, dira qu'il ‘’a donné un signal fort aux chauffeurs corrupteurs, mais aussi aux agents de l’État corrompus’’.
‘’ Daha Ndiaye a prouvé que des policiers sont dignes et intègres’’, a renchéri Me Aboubakry Barro, conseil du plaignant. Même l'un des conseils de la défense s’est laissé emporter par cette vague. ‘’Merci à ce policier qui est l’illustration parfaite que toute l’administration n’est pas corrompue’’, a soutenu Me Henry Gomis.
Toujours est-il que dans son récit, le policier a expliqué qu’après l’avoir verbalisé, le chanteur lui a demandé s’il le reconnaissait. ‘’Après s’être présenté, il m’a proposé de payer la contravention sur place, parce qu’il n’avait pas le temps de se rendre à la police’’, a soutenu la partie civile.
Contre toute attente, a-t-il poursuivi, ''Metzo Diatta s'est éloigné, avant de revenir sur ses pas. Il a fait mine de me saluer. Il avait auparavant glissé 2 000 francs dans l’attestation''. Surpris par ce geste, l’agent a usé de ruse pour le conduire au commissariat de Dieuppeul.
‘’Je suis profondément désolé et je regrette’’
‘’Dans l’absolu, les faits se sont déroulés ainsi. Car étant donné que la circulation était fluide, je suis parti 5 secondes, avant que le feu ne se mette au vert. Mais je n’ai jamais touché à l’attestation, car j’étais dans mon véhicule’’, a déclaré Metzo Diatta à la suite du policier. Il a ensuite fait amende honorable. ‘’Je suis profondément désolé et je regrette’’, a-t-il ajouté. Mais c’était sans compter avec la perspicacité du président Mor Lô qui a relevé la variation dans les déclarations du prévenu.
‘’Ce n’est pas ça, car vous êtes revenu sur vos déclarations à la police’’, a fait remarquer le juge. Metzo Diatta a tenté de se rectifier, en déclarant avoir remis l’argent en main propre, mais non dans le dessein de soudoyer. ‘’Puisque l’ambiance était bon enfant, je lui ai remis l’argent à des fins amicales pour qu’il m’arrange’’, s’est-il justifié.
‘’Mais, c’est de la corruption que de donner de l’argent pour obtenir un service !’’ s’est exclamé le président. Et le prévenu de réitérer ses regrets d'avoir ‘’porté atteinte à la personne du plaignant et à la police en général’’. ‘’Qu’est-ce que vous regrettez ? Vous grillez un feu, vous tentez de corrompre un policier. Vous croyez que les policiers sont de vulgaires personnes ?’’ a sermonné le juge.
Sur sa lancée, il a asséné : ‘’ces gens-là mènent un travail extrêmement difficile et la seule chose que vous devez faire, c’est de les respecter’’. Abondant dans le même sens, Allah Kane, l’un des assesseurs du président, a lancé : ‘’Pensez-vous qu’un donneur de leçon, comme vous, puisse descendre aussi bas ?’’
''Il a pris le contre-pied de ses leçons’’
Ensuite, le substitut Mamadou Bassirou Ndiaye a demandé à l’artiste s’il avait l’habitude de remettre de l’argent à des policiers. Metzo Diatta a répondu par l’affirmative. ‘’Donc, vous avez l’habitude de corrompre’’, lui a fait remarquer le président. Toujours est-il que le co-producteur de ‘’Dinama nekh’’ s'est dit conscient de son erreur, d’autant qu’il véhicule une certaine image. Néanmoins, le conseil du policier a invité le tribunal à sanctionner ‘’sévèrement’’ le prévenu. ‘’Une personne qui prétend donner des leçons a pris le contre-pied de ses leçons’’, a asséné Me Aboubakry Barro, avant de réclamer le franc symbolique.
‘’Quand on se permet d’utiliser la télévision pour donner des leçons, on doit être exemplaire, car il ne s’agit pas de décrire des faits, mais de les vivre en actes et paroles’’, a fustigé Me Gomis, l'un de ses conseils. Ses quatre autres confrères ont estimé que le chanteur est déjà puni et mérite la clémence. ''Il est sanctionné triplement car il a été déféré, envoyé en prison et ses rastas qui constituent son identité ont été coupés’’, a plaidé Me Moussa Bocar Thiam. Sa cause sera-t-elle entendue jeudi prochain, date du délibéré ? En tout cas, pour ce qui est de la demande de liberté provisoire, l’appel des conseils de Metzo Diatta n’a pas été entendu.
FATOU SY