Publié le 20 Mar 2020 - 23:32
COVID-19 - CHOC ECONOMIQUE

Plus de 64 milliards de F CFA pour faire face à la situation 

 

Une enveloppe de plus 64 milliards de francs CFA est programmé pour renforcer les capacités du Sénégal à faire face à l’expansion de la Covid-19, à travers le pays. L’annonce a été faite, hier, par le ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération, Amadou Hott, lors d’une conférence de presse.

 

Le Sénégal continue de doper son dispositif pour faire face à l’évolution de la Covid-19 sur l’étendue du territoire. Pour se faire, après un budget de 1,4 milliard de FCFA sur les ressources de l’Etat mis en place pour préparer la riposte et gérer les premiers cas, le gouvernement a dégagé une autre enveloppe. ‘’Avec l’évolution de la pandémie, un plan de contingence a été élaboré et chiffré, pour le montant de 64 039 279 189 FCFA pour renforcer les capacités du pays à faire face à la situation. Ce plan est financé essentiellement par le budget de l’Etat et par la contribution des partenaires au développement’’, annonce le ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération, hier, lors d’un face-à-face avec la presse.  

Amadou Hott souligne que la pandémie a des ‘’effets négatifs’’ sur la confiance des investisseurs et l’économie nationale. Ceci, notamment sur les secteurs du transport aérien et terrestre et du tourisme, sans oublier les répercussions sur les chaînes d’approvisionnement des industries et du commerce. ‘’Les effets négatifs de cette pandémie se traduisent par une chute des indices des marchés financiers que certains assimilent à un crash boursier. Sur la base de projections réalisées par mon département, nous savons que cette pandémie touchera tous les secteurs de l’économie nationale’’, dit-il.

A cela s’ajoutent, d’après lui, les conséquences de la crise épidémique en Europe et dans le monde sur les revenus des travailleurs sénégalais émigrés. ‘’Il est, par conséquent, à craindre une chute des transferts de fonds des travailleurs émigrés vers le Sénégal. Le transport aérien (Air Sénégal, AIBD, etc.), et le tourisme (hôtels, restaurants, agences de voyage, etc.), avec plus de 1 600 000 visiteurs par an, seront fortement impactés par la suspension des vols en provenance et à destination des pays touchés, gros pourvoyeurs de touristes’’, poursuit le ministre. Ainsi, M. Hott souligne aussi qu’une propagation de la pandémie entraînera une ‘’baisse du chiffre d’affaires’’ des entreprises offrant des services aux touristes, avec des conséquences sur les emplois et la demande en biens et services des fournisseurs du secteur du tourisme et du commerce.

Une baisse de 1,5% de la croissance du Pib en vue

Etant des piliers du fonctionnement de l’activité économique d’un pays, le ralentissement de ces secteurs va donc avoir un impact sur la croissance du Produit intérieur brut (Pib) pour l’année 2020. ‘’Nous estimons autour de 1,5% la baisse de notre taux de croissance. Ce sont des chiffres qui vont être ajustés en fonction des études et des enquêtes que nous sommes en train de mener. Avant la crise, nos fondamentaux économiques étaient très solides pour nous permettre de nous relever’’, fait savoir le ministre en charge de la Planification.

Toutefois, Amadou Hott rappelle qu’avant-hier en Conseil des ministres, un Fonds de riposte et de solidarité contre les effets du Covid-19, dénommé Force-Covid-19, a été mis en place. L’objectif est de soutenir les secteurs affectés, afin d’atténuer les ‘’effets négatifs’’ de la pandémie sur la croissance et les emplois. Ce fonds proposera une batterie de mesures, notamment en termes d’accompagnement des secteurs affectés par la pandémie. Il s’agit notamment du tourisme, du transport aérien (Air Sénégal, AIBD), des chaines d’approvisionnement du commerce formel et informel et de l’industrie, dans le sens de préserver les répercussions sociales de la crise.

Cependant, le ministre précise que la taille du fonds dépendra des besoins identifiés sur la base des études, évaluations et enquêtes conduites par les différentes structures de l’Etat, en collaboration avec les acteurs économiques et leurs partenaires. ‘’Parce que le Sénégal reçoit des dons de ses partenaires. Mais également, des prêts concessionnels qu’on mobiliserait auprès de nos partenaires, des contributions des bonnes volontés du Sénégal et de l’étranger. Des concertations avec les principaux acteurs de notre économie et nos partenaires seront lancées incessamment. Ce qu’il faut retenir, c’est le rôle que le secteur bancaire va jouer sous l’impulsion de la Banque centrale’’, renchérit-il.

L’équation de l’accompagnement du secteur informel

Interpellé sur la question de la prise en charge du secteur informel, Amadou Hott, précise que ce dernier fait partie du Secteur privé. ‘’Nous allons aussi rencontrer le patronat du secteur informel pour discuter de ces mesures et arriver à des décisions qui pourront nous aider à appuyer ceux qui sont affectés. Ce n’est pas tout le secteur informel qui le sera. Ce qui va motiver nos décisions, ce sont les concertations, les études et les enquêtes’’, poursuit-il. Toutefois, le ministre notifie que les aides ou interventions ne se feront pas à l’aveuglette. ‘’On va mesurer, cibler, pour que les résultats escomptés soient obtenus, mais aussi pour la transparence, l’équité, dans l’accès à ces instruments de soutien que l’Etat est en train de mettre en place’’, souligne-t-il.

Le ministre précise aussi que, pour le moment, il n’est pas envisagé de faire des moratoires sur la fiscalité des entreprises. ‘’Ce que nous privilégions vraiment, c’est d’avoir un système bancaire qui a l’appui de la Banque centrale et des Etats de l’Union, pour que ce secteur bancaire puisse octroyer des facilités aux entreprises et opérateurs qui sont les plus affectés. On va en discuter avec la Banque centrale, dès demain, et nous aurons beaucoup plus d’éléments pour adresser cette question’’, assure-t-il.

Pas de baisse de prix des produits finis envisagée

Quand il y a une crise pareille, Amadou Hott fait savoir que l’Etat, qui ne dépend que de son budget et de l’appui de ses partenaires, s’appuie sur ces recettes pour adresser tous les besoins du pays. Sur la baisse des prix du baril, il admet qu’il est vrai qu’il y a un ‘’petit gain’’ que les Etats obtiennent. ‘’Mais n’oubliez pas également qu’il y a une perte. Parce qu’avec la baisse des prix du pétrole, il y a aussi des pertes de recettes. Il y existe une fiscalité sur le pétrole et, donc, s’il y a une baisse sur le prix, il y aura aussi une baisse des recettes de l’Etat. Et l’Etat est affecté en terme de recettes. C’est pourquoi, une baisse des produits finis n’est pas du tout à l’ordre du jour actuellement et même dans l’avenir. Ceci à cause des besoins importants que l’Etat doit financer’’, dit-il.

Sur les projets et programmes à revoir, le ministre reconnait que le Programme d’investissement de l’Etat va être impacté, de même que certains projets. Parce qu’avec le confinement, la fermeture des frontières des différents pays, certains experts de certaines entreprises qui devaient venir au Sénégal, pour exécuter des projets, ‘’ne pourront pas’’ pour le moment le faire. Ce qui va ‘’ralentir’’ un peu certains grands projets de l’Etat. ‘’Mais, aussi, sur le plan de l’exécution du budget des investissements financés sur ressources internes ou externes, nous comptons proposer un ré-arbitrage au président de la République. Certains projets peuvent attendre et nous pourrons, dans ce cas, utiliser les ressources qui y étaient allouées pour renforcer le fonds que nous allons mettre en place’’, note-t-il.

Il s’agit, en particulier, des ressources en dons de certains partenaires, des projets pour lesquels ils n’ont pas encore commencé à décaisser des ressources, en accord avec leurs partenaires, les réorienter pour appuyer l’économie. Sur ce, selon lui, une révision du budget de fonctionnement de l’Etat et de la Loi de finance initiale est en vue. ‘’En outre, le gouvernement, en coordination avec les ministres en charge de l’Economie et des Finances de l’Union, travaille avec les institutions sous régionales (Bceao, Uemoa, Boad) pour identifier une forme de soutien aux Etats et au secteur bancaire de l’Union’’, informe-t-il.

Ils tiendront aujourd’hui, une réunion du Conseil des ministres de l’Union économique monétaire ouest-africaine (Uemoa) pour examiner les mesures d’accompagnement des institutions de l’Union.

Accélérer la production locale

Au-delà de ces mesures, le ministre affirme qu’après la crise, ils vont travailler sur comment accélérer la production locale, notamment la production alimentaire. ‘’On va retourner à l’agriculture, pour voir comment l’accélérer. Cette crise nous permet également de revoir nos modes de production, de consommation, de renforcer notre coopération sous régionale. Mais aussi, d’accélérer le processus de relancer nos importations, en plus des productions locales, surtout dans des secteurs stratégiques. Avec le comité que le président de la République a mis en place, celui de croissance et de veille, nous travaillerons sur ces questions’’, renseigne-t-il.

Pour le monde, Amadou Hott soutient qu’ils font tout pour éviter les inflations. Les mesures sont prises et continuent de l’être pour éviter une augmentation des prix. ‘’Il n’y a pas de raisons que les prix augmentent. Les programmes sociaux que l’Etat a déjà mis en place pour les ménages vulnérables ne seront pas touchés. Il s’agit des bourses de sécurité familiale, des programmes d’urgence, etc.’’, déclare le ministre. Sur ce, il rappelle aussi qu’une deuxièmement mesure a été prise mercredi, à l’issue du Conseil des ministres. Il s’agit de la création d’un comité de croissance et de veille économique Covid-19, notamment pour anticiper sur les répercussions économiques directes et indirectes de la crise du Covid-19 sur l’économie nationale.

Ce Comité, qui sera composé de représentants de plusieurs ministères, du secteur privé et de la Bceao, se réunira autant de fois que de besoin et soumettra des propositions au conseil des ministres. ‘’Ce dispositif de suivi rapproché des répercussions potentielles du Covid-19 sur l’économie nationale nous permettra de prendre les décisions idoines. Ces recommandations seront mises à jour régulièrement et partagées avec vous, sous forme de points économiques’’, dit-t-il. Tout en appelant à maintenir et à élargir l’élan de solidarité national déjà amorcé.

MARIAMA DIEME

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