Publié le 6 Apr 2020 - 17:38
DÉCÈS DE GOLBERT DIAGNE

Saint-Louis perd son totem

 

L’illustre artiste et journaliste Alioune Badara Diagne dit ‘’Golbert’’ n’est plus. Il est décédé vendredi dernier à l’hôpital régional de Saint-Louis. Il a été enterré samedi dans sa ville natale.

 

Si Saint-Louis est vue ou considérée comme le paradis sur terre par beaucoup de Sénégalais, c’est grâce à un homme. El Hadj Alioune Badara Diagne, il s’appelait et n’a eu de cesse, à travers les pièces de théâtre de la troupe Bara Yeggo, de vanter sa ville natale. Il était et restera l’imaginaire saint-louisien. Golbert Diagne, comme l’appelait presque tout le monde, parlait de l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française (AOF), ne parlait pas de Saint-Louis, il chantait sa ville. 

Il la peignait comme la Venise sénégalaise, louangeait les Saint-Louisiennes et Saint-Louisiens à travers les pièces de Bara Yeggo. Avec lui, l’élégance et l’éloquence étaient saint-louisiennes, comme le souligne d’ailleurs dans un communiqué de presse le ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop. ‘’Figure emblématique de la prestigieuse ville de Saint-Louis, il avait réussi la prouesse de symboliser la flamboyance d’une cité d’art et de culture, entretenant l’élégance et l’ouverture à tous les souffles fécondants du monde’’, lit-on dans la note.

Toutes sont des dramatiques cultes et il y tenait les premiers rôles. Comédien hors pair, il avait ce mot qui faisait sourire, rire au moment où rien ne transparaissait sur son visage. Ses répliques sont mémorables avec son wolof châtié. Les mardis soir étaient des moments particuliers qui regroupaient toute la famille autour du petit écran. Dans ‘’Awo Buru Kerëm’’, il affichait ce minois à la fois innocent et déterminé. Il a, peut-être, joué le rôle qui le caractérisait le mieux, sans forcément le définir, dans ‘’Coumba Ndar-Samba Ndar’’. Il y tenait à ce que sa fille se marie à un Saint-Louisien et cette dernière ne voulait pas de son promis. Golbert y a bataillé ferme avant d’obtenir gain de cause, même si la morale, à la fin, était que l’amour était plus fort que les origines. Tout le charme des pièces de Bara Yeggo. On riait certes, mais on apprenait beaucoup des comédiens et de Golbert Diagne en particulier. Ce que n’a pas perdu de vue le ministre de la Culture.

‘’Pieux, généreux, toujours d’humeur enjouée, Golbert Diagne avait su donner une dimension exceptionnelle au théâtre télévisuel grâce à sa troupe Bara Yeggo et son interprétation époustouflante du rôle principal dans la pièce éponyme. Une création qui a montré que ce journaliste compétent, dévoué à son terroir et comédien de talent n’avait pas son pareil pour scruter et dénoncer les tares de notre temps tout en mettant les rieurs de son côté’’, remarque Abdoulaye Diop. Ainsi, ‘’la comédie châtie les mœurs en riant’’, était la devise de cet artiste.

Parti à l’âge de 79 ans

On parle de lui au passé. Ce sera désormais ainsi. Golbert n’est plus. Il est décédé à l’âge de 79 ans, vendredi dernier, dans sa ville natale et repose aux cimetières de Marmyal depuis samedi. Homme atypique, il avait préparé son caveau avec une inscription tombale. Tous les mois, selon son fils et journaliste au Groupe futurs médias (GFM) Malal Junior Diagne, il achetait tout ce qu’il fallait pour son enterrement suivant les recommandations de l’islam. Il renouvelait l’expérience tous les mois. C’est dire qu’El Hadj Alioune Badara se préparait au quotidien au grand voyage.

Golbert Diagne était également journaliste et grand sportif. Il a arrêté ses études en classe de 5e, alors qu’il était inscrit au lycée technique André Peytavin. Il voulait, à cet âge déjà, faire de la radio. Né en 1941 à la rue de France, à Saint-Louis, Golbert, dont les parents espéraient un beau parcours à l’école, ne voulait plus de ce destin.

‘’Mon père me battait et me punissait parce que je séchais les cours’’, avait-il d’ailleurs partagé lors d’une émission télévisuelle. Rien n’y fit. Il préférait les studios de Radio-Sénégal à Saint-Louis aux salles de classe. Il y a commencé sa carrière de journaliste. Il était un reporter sportif aimé et adulé. Fait pour le journalisme, après son parcours à Radio-Sénégal, il a monté sa propre boîte. Saint-Louis lui doit ainsi Teranga FM. Son leitmotiv a toujours été "dëkk si dëkk bi, défar dëkk bi moko gueune". Il a vécu tout en donnant à sa ville, n’attendant rien en retour.

Depuis son décès, les hommages pleuvent. Ils sont nombreux et se ressemblent. ‘’Journaliste, homme de culture, Golbert Diagne a traversé la vie utilement. Il laisse la marque intacte d’un créateur assidu, d’un homme ouvert et affable, d’un Saint-Louisien fier, mais profondément pénétré des valeurs de la nation. À sa famille, je présente mes condoléances’’, a d’ailleurs écrit le président de la République Macky Sall, sur son mur Facebook. D’Abdoulaye Diaw au colonel Moumar Guèye, en passant par d’autres éminents Saint-Louisiens, tout le monde reconnaît l’amour que Golbert avait pour sa ville. C’est Saint-Louis donc qui a perdu son totem.

BIGUE BOB

 

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