Publié le 11 Jul 2020 - 19:21
DÉCONGESTIONNEMENT DES LIEUX DE PRIVATION DES LIBERTÉS

Papa K. Niang propose des prisons à administration publique et de gestion privée

 

Alors que la Covid-19 a rappelé la nécessité urgente de trouver une solution au surpeuplement des prisons, le criminologue rappelle quelques-unes de ses propositions pour améliorer la situation.

 

De la Chine au fin fond des villages africains, la propagation de la pandémie de coronavirus ne s’est privé aucune liberté. Cela a même atteint des endroits où les personnes en étaient privées. Malgré les mesures prises par les autorités sénégalaises, afin de préserver les prisons du virus, certains lieux de préservation des libertés ont quand même été touchés par la Covid-19. Parmi les mesures, la décision du président de la République de gracier 2 036 détenus à la veille de la fête d’indépendance, puis 1 021 autres lors de la célébration de la fête de Korité, pour décongestionner les prisons sénégalaises, était particulièrement attendue.  

Le surpeuplement des prisons sénégalaises est un problème dont la pandémie a ‘’ré-insisté’’ sur la nécessité d’y trouver une solution. Dans son livre ‘’Sécurité de proximité, Mode d’emploi’’ publié en 2015, l’avocat Papa Khaly Niang donnait des pistes sur lesquelles il est revenu, afin de régler définitivement ce mal. Parmi elles, l’installation de prisons sous forme de partenariat public-privé (PPP), à administration publique et de gestion privée. Cette formule consistait, pour l'Etat, à sous-traiter au privé la construction et la gestion du bâti des prisons, dont il n'est plus que le locataire. ‘’L’administration continuera à fonctionner avec les règles de la loi pénitentiaire. Cela permettra de réduire la pression sur des ressources publiques, tout en permettant au Sénégal d’avoir des prisons aux normes internationales’’, explique-t-il.   

Si le gouvernement n’en est pas encore là, il a commencé à poser les premiers pas, en vue de la réduction des personnes en détention au Sénégal. En fin mai 2020, il a adopté le port du bracelet électronique comme un moyen d’allègement des peines de prison, si la personne donne au préalable son accord. S’il estime être le premier à réclamer son application au Sénégal, Me Papa Khaly Niang n’en a pas moins d’autres idées.

‘’J’ai aussi proposé, rappelle-t-il, la remise de peine. Si la personne se comporte bien et qu’elle a des garanties de représentation et d’inversion professionnelle, elle peut bénéficier d’une semaine de remisse de peine sur chaque mois. Cela veut dire qu’elle ne restera en prison que 3 semaines sur 4’’.

Toujours dans la gestion des prisons, l’ancien directeur de l'Agence nationale d'assistance à la sécurité de proximité (ASP) est d’avis que nos maisons d’arrêt et de correction doivent adopter l’intégration de commissions d’application des peines. ‘’On aura ainsi des tribunaux dans les prisons où l’on pourra décider de la libération ou non de ceux qui le méritent. C’est mieux de faire cela que de laisser des personnes moisir en prison, lorsqu’elles n’ont pas d’avocat. Les décisions ne seraient plus qu’une affaire de juges, mais les psychologues, criminologues ou d’autres citoyens qui pourraient être intégrés dans les commissions’’, suggère-t-il.

Pour le spécialiste en criminologie, ces propositions peuvent permettre le désencombrement des prisons. Aussi, note-t-il, la justice doit se concentrer sur la grande criminalité et ainsi réserver les prisons aux grands criminels. Un moyen d’y arriver est l’adoption, dans le système judiciaire, de juges de proximité. Comme ça, l’on peut ‘’mettre à contribution les étudiants nouvellement diplômés, les commissaires de police et magistrats à la retraite pour juger les petits délits, en privilégiant la médiation. En cas de complications, ils renvoient devant le tribunal’’. Une manière de rassurer ceux qui pensent que la prison risque plus de pervertir les auteurs de petits délits qu’autre chose.

Le décongestionnement des prisons nécessitera aussi d’agir en amont de l’arrivée des détenus. Et dans cette opération, il faudra réduire les pouvoirs du procureur. Car l’avocat estime qu’en instaurant un système avec des juges des libertés, l’on dessaisira le procureur de son pouvoir de mise sous mandat de dépôt, puisqu’il est juge et partie. ‘’C’est lui qui se plaint et c’est lui qui place sous mandat de dépôt. On met en place un débat contradictoire, en présence de l’avocat du prévenu et du juge des libertés. Car avec des garanties de représentativité, il n’y a pas besoin de mettre certaines personnes en prison’’.

Tout ceci pourrait être encadré par une loi d’orientation sur le système pénitentiaire, afin de permettre à la prison de jouer son véritable rôle qu’est la réinsertion sociale de ses hôtes.

Lamine Diouf

 

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