Publié le 12 Sep 2015 - 21:01
DE LA POLITIQUE AU SÉNÉGAL ET DES PARTIS POLITIQUES

Bonnes feuilles extraites de l’ouvrage : Appel à la révolution politique et civique au Sénégal. Un seul mandat et zéro parti politique pour le président de la République. IFAN Ch. A. Diop, 201

 

Actuellement, on ne dénombre pas moins de 240 partis politiques qui, en principe, ont tous pour ambition légitime de briguer le pouvoir, en installant leur leader sur la plus haute marche du podium. Cette ambition est, il faut cependant bien l’avouer, un rêve irréalisable pour la quasi-majorité de ces politiciens en dépit même de la « barrière » de la caution à verser, une soixantaine de millions de francs CFA, pour pouvoir participer à l’élection présidentielle.

Peu importent parfois les autres contraintes rédhibitoires à une telle ambition (incompétence notoire du candidat, manque d’expérience dans la gestion des affaires de l’État, absence de parti politique de soutien d’envergure, absence de partisans, absence de programme politique, manque de moyens financiers et logistiques…), seul compte vraiment le besoin de se faire compter dans la liste des partants et de se faire remarquer par les candidats sérieux.

Il faut aussi bien avouer que les partis politiques des leaders d’opinion qui s’appuient sur des idéologies et sur des programmes sociaux et politiques sont choses rares voire inexistantes de nos jours. Faut-il s’en étonner ? Ni les mœurs, ni les idéaux, ni le contexte, ni la culture des hommes et femmes politiques d’antan ne sont les mêmes que ceux d’aujourd’hui. […] Actuellement, ce ne sont ni les idéologies ni les programmes des partis et des leaders politiques qui comptent vraiment, mais leur notoriété et leur popularité, l’impact de leur image et de leur charisme, l’espoir suscité pour engranger le plus d’électeurs possibles et surtout leur capacité de faire bloc en vue de remporter des élections et de se maintenir au pouvoir. […]

Que des socialistes, des libéraux et des trotskystes s’allient en faisant fi de leurs convictions les plus profondes est déjà le signe d’une certaine régression éthique dans la vie politique sénégalaise d’aujourd’hui. En effet, chez une certaine classe d’hommes et de femmes politiques sénégalais, la devise semble être : « Qui veut la fin n’a cure des moyens. » Cette devise est en somme la seule véritable idéologie dominante, la seule philosophie qui constitue la théorie et la praxis de base mobilisatrices en vue de l’accaparement du pouvoir.

Le foisonnement des partis politiques, comme on pourrait bien le croire, ne milite pas forcément pour la vitalité d’une démocratie ouverte et plurielle, c’est un leurre et une illusion. Le grand nombre est rarement signe de qualité. De tels groupuscules constituent des forces de positionnement stratégique auprès de partis politiques plus forts qui seraient susceptibles de les aider dans la matérialisation de leurs intérêts. Ainsi au lieu de militer en faveur d’une démocratisation de la vie politique du pays pour en assurer les bases d’un développement plus durable dans l’intérêt des populations, ces groupuscules constituent plutôt des forces de pesanteur qui plombent notre développement et minent au quotidien notre environnement mental.

C’est parce que la politique est devenue au Sénégal un moyen rapide d’ascension sociale, qu’on en est arrivé à l’existence de cette multitude de formations politiques. En effet, certains leaders comptent sur des partis forts, surtout sur celui qui est au pouvoir, pour se faire nommer à quelques postes « juteux ». On s’improvise politicien comme on est ailleurs coxeur ou courtier, pour louer ses services au plus offrant. La stratégie consiste d’abord par adresser des critiques des plus acerbes et des plus virulentes au régime en place et surtout au président de la République, en s’affichant dans les médias pour attirer l’attention. C’est non seulement parce qu’ils sont convaincus du peu de chance de pouvoir devenir un jour présidents de la République, mais c’est surtout parce qu’ils sont désireux de se faire nommer à des postes de responsabilité ou alors de ne pas perdre leurs privilèges que certains leaders, si prompts pourtant à donner des leçons de morale, n’hésitent pas à « fondre », c’est-à-dire, plus prosaïquement, à « vendre » leur parti politique au parti au pouvoir, en prétextant apporter leur soutien à la politique menée par le Chef de l’État, en lui manifestant ainsi leur fidélité indéfectible. Personne n’est dupe !

C’est si grossièrement cousu de fils blancs qu’il n’y a peut-être qu’eux-mêmes qui finissent par y croire. Mais ni le peuple, ni les militants, ni même le président de la République ne se laissent abuser. Tout leur beau discours s’inscrit dans une logique de flatterie et d’intérêts. C’est pourquoi dans un pays comme le Sénégal d’aujourd’hui où la toute-puissance du politique, le politisme, régente tout, la flatterie adressée aux princes qui nous gouvernent est un art savamment entretenu et que l’on sait expertement distiller. Cette forme de « prostitution » politique qui consiste à s’offrir, en renonçant à tous ses idéaux et en faisant fi des intérêts des militants, à celui dont on espère des gratifications en retour, n’honore certes pas les leaders qui s’adonnent à de telles manœuvres. Sacrifier, à l’autel de ses seules ambitions, son parti sans vergogne aucune et sans le moindre respect des militants, est, avec la pratique de la transhumance politique, une réalité qui est devenue, dans « le pays du jom » (l’honneur), bien tristement et bien honteusement sénégalaise.

Les calculs de politique politicienne ne sont nullement fondés sur des intérêts ou mobiles idéologiques, encore moins sur de intérêts nationalistes, mais bien sinistrement conditionnés par l’appât du gain ou de pouvoir personnel pour occuper des postes de prestige. De telles pratiques qui sont largement commentées dans les médias ont fini par exacerber les Sénégalais de toutes conditions dans leurs convictions les plus profondes que la politique politicienne, qui envahit notre vécu quotidien, est un jeu de mensonge qui a largement contribué à notre retard et à notre sous-développement actuel.

(a suivre) 

 

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