Publié le 9 Nov 2019 - 18:09
DEBAT SUR LE FRANC CFA

Le changement de domiciliation des réverses de la Bceao déjà acté

 

Déjà acté, le changement de domiciliation des réserves de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) logées auprès du Trésor français, aura lieu très prochainement. L’annonce a été faite par le président de la République du Bénin, Patrice Talon, dans une interview accordée à Rfi et France 24 diffusée hier.

 

Les activistes anti-Cfa ont gagné une bataille, dans leur combat contre l’utilisation du franc de la Communauté financière africaine (Cfa) qu’ils considèrent comme une monnaie coloniale. Dans une interview accordée à France 24 et Rfi, diffusée hier, le chef de l’Etat béninois a affirmé que le changement de domiciliation des réverses de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) logées auprès du Trésor français, est déjà ‘’acté’’.

‘’C’est la volonté de tout le monde et cela va se faire. D’ailleurs, la France va aussi se retirer des structures de gouvernance de la monnaie. C’est tant mieux. Mais si j’ai une proposition à faire : les autres, qu’ils soient français, canadiens ou américains, doivent avoir un regard sur ce que nous faisons. D’ailleurs, cela crédibilise le franc Cfa. La monnaie, c’est quelque chose qui a besoin d’avoir la crédibilité, l’assurance de tout le monde dans sa gestion’’, indique Patrice Talon.

Pour le président de la République du Bénin, la France assure la ‘’convertibilité illimitée’’ du francs Cfa dans le monde, notamment à travers l’euro. Puisqu’elle est le partenaire en matière monétaire des pays de l’Union monétaire ouest-africaine (Umoa). ‘’Cette réforme, qui veut qu’il n’y ait plus de comptes d’opération et que la Bceao ne garde plus une partie de ses réserves de change auprès du Trésor français, est souhaitée de tous, y compris par le gouvernement français actuel. Nous sommes tous d’accord là-dessus pour mettre fin à ce modèle qui, techniquement, n’était pas un problème’’, poursuit-il.

Patrice Talon estime qu’une monnaie à deux valeurs : technique et psychologique. Compte tenu de la tournure des événements, il soutient que le franc Cfa est devenu un ‘’problème psychologique’’. ‘’Les réserves de change qui sont pour une partie logées auprès du Trésor français pour assurer la garantie de convertibilité, ce n’est pas de l’argent qui doit être utilisé par les pays de l’Umoa. Cet argent n’appartient pas à chacun des pays de cette union ou aux pays globalement. Il appartient à la Banque centrale’’, précise le président béninois.

En réalité, l’homme d’affaires explique que les réserves de change qui sont disponibles ont ‘’déjà leur contrepartie’’ dans l’économie locale des pays concernés. ‘’Ce n’est pas de l’argent qui a une contrepartie qui est encore dans les pays concernés. Comme pensent certains, ce n’est pas de l’argent qu’on peut transférer dans les pays. Ces réserves permettent à la Bceao de gérer ses transactions d’importation et d’exportation pour solder les comptes de devises avec les diverses banques centrales. Ce n’est pas toute la réserve de change de la Bceao qui est domiciliée en France. C’est une partie’’, dit-il.

Si demain, les pays de l’Umoa mettent en œuvre cette mesure, ‘’qui va se faire très rapidement’’, M. Talon signale que ces réserves seront gérées par les diverses banques centrales, américaines, chinoises, européennes, etc. Donc, la Bceao va gérer la totalité de ses réserves de devises et va les répartir à travers les diverses banques centrales partenaires dans le monde. ‘’Cela n’apporte pas quelque chose de fondamental à la Bceao plus que la situation actuelle. Actuellement, la France rémunère le compte de la Bceao à hauteur de 0,7 point. Nos réserves de devises auprès des autres banques centrales ne sont pas rémunérées. Au contraire, nous payons quelque chose pour la gestion. Techniquement, ces soldes, cette partie qui est auprès du Trésor français, le fait de les supprimer, n’apporte rien’’, fait savoir le président béninois.

‘’Il n’est pas bien que ce modèle continue’’

Toutefois, il admet que, psychologiquement, par rapport à la vision de souveraineté et de gestion de sa monnaie, ‘’il n’est pas bien’’ que ce modèle continue. Car, d’après lui, c’est également ‘’la vision du monde’’ par rapport à une monnaie : un pays est un ‘’élément important’’ de la valeur de celle-ci. Et pour ce qui est de l’entrée en vigueur de la nouvelle monnaie unique de la Cedeao prévue en 2020, M. Talon signale que l’agenda de l’éco est ‘’politico-économique’’. Mais les réalités économiques sont ‘’parfois en déphasage’’ avec celles politiques.

‘’Ce n’est pas évident que, techniquement, nous soyons prêts à rentrer dans une monnaie commune, l’année prochaine. Les critères de convergence, l’harmonisation de tout ce qui concourt à l’entrée de ces pays à la même monnaie, posent encore quelques problèmes de calendrier. Même si nous n’y parviendrons pas véritablement l’année prochaine, la volonté demeure et nous souhaitons qu’un jour, les pays de la Cedeao puissent se retrouver tous autour d’une monnaie commune. Cela viendra, même si, techniquement, nous n’y parvenons pas, d’ici l’année prochaine’’, soutient-il.

MARIAMA DIEME