Publié le 15 Sep 2019 - 02:07
DECOUVERTE KEUR SAMBA LAOBE OU MEDINATOUL SALAM

Aux origines d’une cité qui se veut religieuse

 

Situé à l’entrée de la commune de Mbour et à gauche du croisement de Saly, Keur Samba Laobé est un village qui dépend de la commune de Malicounda. Il fait partie des premiers patelins installés dans le département de Mbour. Baptisé ‘’Madinatoul Salam’’ par le guide des thiantacounes, feu Cheikh Béthio Thioune, les petits-fils de Samba Laobé Diop ont toujours réclamé la réhabilitation de l’histoire du village. Malgré sa notoriété, Keur Samba Laobé vit dans des difficultés. Réseau routier défectueux, services de santé et adduction d’eau inexistants, boulimie foncière… Voilà autant de difficultés auxquelles font face les habitants.

 

En cette période hivernale, le chemin menant au village de Keur Samba Laobé représente un défi pour les automobilistes. La route, ici, est boueuse. Il faut bien connaître les environs pour pouvoir y circuler.  Il y a des zones où les voitures s’embourbent facilement. Et même pour ceux qui maitrisent la topographie de la route, il leur est difficile d’aller et de venir. Il faut de la dextérité et de l’habileté pour passer. L’état de la route renseigne déjà sur la situation que vit ce patelin. Il est loin d’être une destination paradisiaque, même s’il est ou fut une terre de ‘’bërndé’’. Il est, cependant, une terre de paix.

Il a été fondé en 1900 par le chef de canton de Mbayard Nianing, Samba Laobé Diop, d’où son nom d’ailleurs. Dès sa nomination, ce dernier a été affecté à Mbour où résidaient des Sérères. Homme charismatique qui savait s’imposer, Samba Laobé faisait peur au colon.

En effet, les colons ont senti, à sa sortie de l’école des fils de chefs, que s’ils le laissaient au Kadior, il risquait de ramener la royauté. Samba Laobé était un virtuose de l’art oratoire et il dégageait une forte personnalité. Selon son petit-fils, ses directives étaient appliquées à la lettre. Personne n’osait le contredire. Il faisait preuve d’un sacré tempérament et ce, dès son bas âge. C’est pour l’empêcher de sévir d’ailleurs qu’il fut envoyé à Mbour, alors qu’il est originaire du Cayor où il a vu le jour en 1880.

Il ne parlait que le wolof ; une barrière linguistique se dressa alors entre lui et ses administrés. Dans sa ville d’affectation, des bureaux lui furent affectés. C’est là où se trouve l’actuelle maison de feu Serigne Saliou, au quartier de Thiocé-Est, sur l’avenue Sana Daffé. Samba Laobé Diop est arrivé à son lieu d’affectation avec sa famille, ses serviteurs et son griot Kouly Thioune, père de feu Cheikh Bethio Thioune, guide des thiantacounes.

Samba Laobé Diop, en digne dignitaire sénégalais, avait une cour assez animée tous les soirs et y organisait ce qu’on appelait les ‘’Ngonal’’. ‘’ Le colon n’aimait pas trop être dérangé. Il lui a alors suggéré de chercher un lieu de résidence éloigné du sien. Après avoir marché jusqu’à la sortie de Mbour, il s’est arrêté un moment, au beau milieu d’une forêt. Les marabouts ‘’ceedos’’ qui l’accompagnaient lui suggérèrent de construire sa maison sur cet espace qu’il appellera, par la suite, Keur Samba Laobé. Il y érigea alors sa demeure et y aménagea‘’, raconte un des petits-fils de Samba Laobé, Béthio Amar Diop dit ‘’Baye’’.

A sa naissance, le village comptait la maison de son fondateur, celle du griot Kouly Thioune et un cimetière, soutient Béthio Amary Diop. Samba Laobé Diop a vécu sur cette terre où il s’était installé jusqu’à sa mort, en 1933.

En 1960, le père de Béthio Amary Diop reconstitue le village pour qu’il ne disparaisse pas, après la mort de son frère Samba Laobé. Jusqu’en 1980, Keur Samba Laobé n’était constituait que de deux maisons. Aujourd’hui, le lieu est très bien habité. Et il est rattaché au village de Keur Meissa Faye, distant de 4 à 5 km.  

Samba Laobé ou Madinatoul Salam ?

Un jour, le maréchal Pétain avait invité en France Samba Laobé Diop avec tous les chefs indigènes. Il a alors décidé d’emmener Kouly Thioune. Mais avant de partir, il a demandé qu’on appelle son enfant à naître Béthio, qu’il soit garçon ou fille. Cet enfant était Cheikh Béthio Thioune.

Il était le quatrième enfant de Kouly Thioune. Béthio, dans l’ancien royaume du Waalo, est le titre que portaient les ‘’Kangaam ‘’du brack. Le béthio était un personnage très influent dans l’entourage du roi du Waalo. A l’arrivée de Béthio Thioune, les héritiers de Samba Laobé décidèrent de lui ouvrir grandement leurs portes. Il y vivait avec des centaines de ses talibés. Ici, la plupart des maisons ne sont pas des titres fonciers. Les propriétaires des maisons ne disposent d’aucun papier administratif. Même les maisons qui ont été offertes à des talibés de Béthio n’y échappent pas.

‘’On va régulariser la situation. Ceux qui le souhaitent, on les aidera à suivre le processus établi pour être en règle. Nous sommes en train de faire les démarches avec le maire ‘’, rassure Béthio Amary.

C’est Lat Diop qui avait facilité l’acquisition de 25 hectares à Cheikh Béthio. Parcelles qu’il aurait offertes à ses talibés. Mais à la mort de deux de ses talibés (Youssou Niang et Dieng le poète), leurs familles ont eu des difficultés pour l’héritage.

En outre, ‘’les actes de toutes les délibérations de 1981 à aujourd’hui portent le nom de Samba Laobé. Madinatoul Salam n’existe que de nom. Sur les délibérations, il est clairement écrit Keur Samba Laobé. Sur les actes de naissance, on déclare nos enfants soit à Mbour, soit à Malicounda‘’, dit Béthio Amary Diop.

Keur Samba Laobé est vraiment une terre d’hospitalité. Avant les talibés de feu Cheikh Béthio Thioune, ce sont des refugiés bissau-guinéens qui y furent en premier accueillis en 1981. Une parcelle de terre leur a été octroyée à leur arrivée. Un financement des Nations Unies permit à ces réfugiés de s’installer et de s’intégrer. Cinquante hectares ont servi pour la construction des maisons, 25 ha pour des activités de maraichage, 175 ha pour les récoltes hivernales. Un volet pêche a été aussi mis en place. Tout cela pour permettre aux Bissau-Guinéens de s’épanouir.

Samba Laobé continua à grandir, puis des Peulhs sont venus s’y installer. Les problèmes fonciers ont commencé à survenir. Plusieurs bagarres ont éclaté.

Keur Samba Laobé dans le dénuement total

En dépit de son renom, Keur Samba Laobé souffre d’un manque d’infrastructures qui ne dit pas son nom. La communauté éprouve beaucoup de difficultés dans le domaine de la santé. ‘’Nos femmes et sœurs qui accouchent doivent se rendre jusqu’à Mbour ou Keur Meissa Faye. Nos enfants sont déclarés là-bas aussi. Ce village est comme un quartier dans la commune‘’, déplore Béthio Amary Diop.

Dans le village, il n’existait qu’un forage et il est tombé en panne depuis fort longtemps. Dans chaque maison, il y a un puits pour l’approvisionnement en eau. Ici, il n’y a pas d’eau courante. ‘’Nous vivons au XXIe siècle. C’est compliqué. C’est en 2007 que nous avons obtenu de l’électricité. Nous sommes un village accessible, l’autoroute passe ici. Nous demandons deux choses : des infrastructures de santé et l’adduction en eau ’’, fait savoir Béthio Amary Diop.

‘’Dans le village, il n’y a qu’une route qui est en travaux depuis des années. Elle est déjà tracée, mais le bitumage tarde à se faire. Quand les voitures passent, la poussière de la latérite rouge se soulève. Cette route sépare la demeure de Samba Laobé de celle de Béthio Thioune. La maison de ce dernier fait 7 hectares ; plusieurs appartements y sont construits. Tous ces problèmes freinent le développement économique de ce village’’.

KHADY NDOYE (MBOUR)

Section: