Publié le 28 Feb 2020 - 20:22
DEPOLITISATION, CULTURE CITOYENNE, S’APPUYER SUR LES JEUNES…

Les parades à l’insalubrité chronique

 

L’insalubrité est un casse-tête auquel les gouvernants n’ont pas encore trouvé de solutions pérennes. Le Chef de l’Etat multiplie les concepts : ‘’cleaning day’’ et maintenant ‘’beussoup sétal’’. Afrikajom center a organisé hier un atelier sur la gestion durable de l’hygiène publique au Sénégal. Parmi les propositions : dépolitiser les opérations, instaurer une culture citoyenne et s’appuyer sur les jeunes.

 

Le Sénégal a l’une des capitales les ‘’plus sales’’ au monde, selon le consultant Secteur privé et développement économique, Mbaye Sylla Khouma. ‘’Nous avons un rapport très particulier, dit-il, aux biens publics, à notre environnement, notre espace immédiat. Nous considérons cet espace comme un bien public qui appartient à tout le monde et au finish à personne et ne nous concerne pas. Pour que cette culture citoyenne soit développée, il faut que nous repartions à la base, en gommant la dimension politique’’. L’ancien directeur marketing de l’Apix est d’avis que la culture citoyenne est la base du développement. ‘’Si on ne sait pas ce que l’on doit à son pays, ce qu’on doit faire, sans qu’on nous le demande. Si la majorité de la population n’a pas cette culture, il est difficile de faire avancer le pays. Parce que, c’est une volonté personnelle pour que le pays avance. Les citoyens sont des personnes qui sont conscientes de leurs droits, mais aussi de leurs devoirs’’, ajoute le consultant.

Mbaye Sylla Khouma préconise d’aller dans les quartiers et travailler avec les associations de quartiers, les dahiras (associations religieuses musulmanes), les bajënu gox, les associations de femmes, etc., où les gens ne parlent pas politique. ‘’C’est cette somme d’organisations qui, agréées, fera une masse critique pour que le pays, sur la question de l’insalubrité, parle d’une même voix. Tant qu’on ne le fait pas, la dimension politique va l’emporter sur celle citoyenne. Et cela fera un feu de paille. Quand le président de la République appelle : ceux qui considèrent que c’est le président de tous les Sénégalais sortent et ceux qui le considèrent comme celui d’un parti politique restent chez eux. Et nous serons dans une impasse’’, souligne M. Khouma.

Le consultant pense qu’il faut décliner le comportement désiré, quand on veut asseoir une culture. ‘’Le set-sétal est mort, parce qu’il n’y a pas eu de suivi. Le problème qu’on a au Sénégal, c’est comment faire pour qu’il y ait un suivi de toutes les actions de bons sens que nous faisons. Cette affaire de ‘beussoup sétal’ est extraordinaire. Mais, j’ai peur que, pour des questions d’inorganisation, de manque de suivi, d’évaluation, de ressources, elle meurt’’, dit-il.

Pour ne pas en arriver là, M. Khouma préconise que les politiciens se départissent de cette tentative d’appropriation et qu’ils laissent cette affaire aux jeunes, aux populations qui savent ce qu’il faut faire. ‘’Avant que le président Macky Sall ne lance cet appel, des jeunes de certains quartiers de Dakar, comme les Parcelles assainies, avaient déjà commencé. Repartons à ce niveau avec ces jeunes et utilisons-les comme des modèles et cela fera tache d’huile’’, suggère le consultant.

Le puissant plaidoyer du poète Amadou Lamine Sall

Pour sa part, le poète Amadou Lamine Sall a souligné dans un discours lu par le fondateur d’Afrikajom Alioune Tine qu’il ‘’n’y a rien à redéfinir à y regarder de près’’, par rapport l’architecture. Il s’agit, d’après lui, de respecter le code de l’urbanisme. ‘’L’hygiène durable, c’est d’abord l’homme qui pense son futur. La démographie et l’explosion urbaine ont tout bouleversé, de nos jours. Le laissez-faire et le lassez-aller ont la vie belle. Les maires d’arrondissement doivent être rappelés à l’ordre, malgré l’insoutenable misère de leur budget’’, estime-t-il.

Selon le poète, les chefs de quartier doivent être de ‘’plus en plus responsabilisés’’, car, ils sont au cœur de la vie des populations. Et, les jeunes des quartiers doivent être impliqués dans le politique de veille et d’hygiène durable de leur cœur de vie, au lieu de les laisser ‘’s’enivrer à longueur de journée de thé et de café Touba’’.  ‘’Le ramassage des ordures s’accompagne dans nos quartiers au petit matin par d’infernaux effets sonores de camions hystériques et de familles qui courent dans tous les sens avec sachets, sceaux, sacs qui dégoulinent. On laisse la moitié des ordures dans la rue, avant d’arriver aux camions, aux éboueurs sans masque. Il faut organiser ce ramassage, le rendre propre, digne’’, regrette l’artiste.

Au-delà, M. Sall préconise que les marchés publics soient lavés à grandes eaux, chaque soir à la fermeture. Idem pour les marchés aux puces le long des canaux d’évacuation. Pour lui, il faut occuper l’espace médiatique avec des films sur ce qu’il ne faut pas faire, conquérir l’espace scolaire avec des slogans répétés chaque matin en salle de classe. Il faut faire planter des arbres aux écoliers. ‘’Chaque écolier ou lycéen serait responsable de l’arbre qu’il a planté et serait également noté avec un fort coefficient sur la bonne tenue ou non de la vie de l’arbre planté. Ce serait bâtir chez nos jeunes une admirable conscience citoyenne, écologique et environnementale’’, estime le poète.

Confier aux artistes certaines tâches

D’après lui, les artistes ont également un rôle à jouer dans la politique d’hygiène publique durable du pays. ‘’Le fameux et légendaire set-sétal des années 90 était bien l’œuvre d’artistes plasticiens dont notre regretté Issa Samb dit Jo Ouakam. Confiez aux artistes le parvis de la gare de Dakar actuellement, laissé en ciment brut, ce serai une merveille. Confiez les bus Dakar-Dem-Dikk aux artistes peintres, vous assisterez à un éblouissement de tons et de couleurs dans Dakar dont le monde entier va se faire l’écho. Il faut innover. Ayons l’audace d’innover’’, plaide M. Sall. Il pense que l’hygiène publique durable doit être ‘’plus qu’un discours, plus qu’une discipline de vie’’. ‘’Faisons-en un art social et collectif qui met en valeur nos identités, nos génies, nos talents, nos intelligences. C’est une problématique sociale que nous devons gérer ensemble et non seul’’, fait-il savoir. Sur ce, Amadou Lamine Sall invite le ministre en charge de l’Urbanisme et de l’hygiène publique à créer un comité ad-hoc qui réunit le monde des arts.

Au fait, la question de la lutte contre l’insalubrité est ‘’très complexe’’, d’après Alioune Tine. Et requiert beaucoup de ressources humaines diversifiées et de qualité, de la logistique, de ressources financières et matérielles. ‘’Toute une infrastructure que nos Etats ont du mal à mobiliser. Mais, il faut par-dessus tout, promouvoir une culture citoyenne, environnementale, de la salubrité publique et privé. Il faut la promouvoir partout dans les villes comme dans les campagnes, en zones urbaines comme en banlieue’’, renchérit l’initiateur de cette rencontre.

MARIAMA DIEME

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