Publié le 24 Nov 2014 - 22:03
DES RAPPORTS DIFFICILES AVEC DIA AUX ACCUSATIONS D’ETRE ‘’ DIAISTE’’

Quand Diouf  parle  de sa soumission aux institutions de la République 

 

Son refus de faire acte d’allégeance au président Senghor au lendemain de la crise de décembre 1962, a vu Abdou Diouf se faire accuser d’être un proche de Mamadou Dia avec qui il n’a pourtant pas toujours eu de rapports faciles. Morceaux choisis des mémoires de Diouf.

 

Le 18 décembre 1962 à 18 h, Mamadou Dia, président du conseil est arrêté. Valdiodio Ndiaye, Alioune Tall, Joseph Mbaye et Ibrahima Sarr, tous ministres qui lui étaient favorables, furent également arrêtés. Le lendemain, décision avait été prise d’exiger de tous les gouverneurs de région un acte d’allégeance au président Senghor, désormais seul à la tête de l’exécutif au Sénégal. Ce qu’Abdou Diouf, alors gouverneur de la région la plus importante d’alors, Sine-Saloum, refusa. 

Dans ses mémoires, récemment publiées aux éditions du Seuil à Paris, il justifie ainsi son acte : ‘’J’ai refusé estimant qu’étant soumis aux institutions de la République, je n’avais pas à faire acte d’allégeance personnelle’’. Une position diversement appréciée à l’époque. Le livre, jusque dans les détails, raconte l’histoire de cette vieille dame amie de la maman de Diouf, qui est venue voir le jeune gouverneur qu’il était pour lui dire : ’’mon fils, ne te mêle pas de ça. Ce combat ne concerne que Senghor et Dia. Ne sacrifie pas ton avenir’’. Mamadou Dia et les ministres arrêtés seront jugés par un tribunal spécial et condamnés à des peines de prison qu’ils purgeront à Kédougou, au sud du Sénégal.

Mais aussitôt passé cet orage au sommet de l’Etat, Abdou Diouf a été relevé de ses fonctions de gouverneur du Sine-Saloum. Etait-ce une punition ? C’est Senghor lui-même, recevant Diouf quelques jours plus tard, qui lui donna l’assurance que ce n’était pas une ‘’sanction’’. Ensuite, c’est au tour du ministre de l’Intérieur d’alors, Abdoulaye Fofana, d’appeler Abdou Diouf au téléphone pour lui dire : ‘’On ne te reproche rien, mais on considère seulement que tu es jeune et que tu n’as rien à faire là-bas, dans les régions. On voulait donc que tu reviennes ici nous aider au niveau central, dans la conception de la politique nationale’’.

De retour à Dakar, Diouf rencontre son ‘’ami’’ Habib Thiam devenu ministre. Lors d’une rencontre, Thiam lui fera la description de l’atmosphère du Conseil des ministres. ‘’Il paraît que celui qui m’avait le plus chargé était André Peytavin, qui soutenait que j’étais un ‘’Diaiste’’, tandis que Khar Ndoffène Diouf m’avait vigoureusement défendu’’, raconte l’ancien chef d’Etat dans ses mémoires.

Des relations pas toujours faciles avec le président Mamadou Dia

En lisant ses notes, l’on se rend compte qu’entre Abdou Diouf et Mamadou Dia, ce n’était pas la grande amitié. C’est Mamadou Dia qui l’a affecté au poste de gouverneur du Sine-Saloum après s’être convaincu que Saint-Louis n’était pas possible parce que, simplement, Diouf était originaire de là-bas. Autre séquence qui témoigne de cette ‘’antipathie’’ entre les deux hommes, c’est lorsque le président Mamadou Dia a voulu avoir un secrétaire général. Abdou Diouf sera nommé au poste, lui, qui était jusque-là, adjoint au secrétaire général du gouvernement, Jean Colin, un homme qui l’appréciait et le mettait à l’aise. Auprès de Mamadou Dia, Abdou Diouf raconte : ‘’je dois dire en outre qu’en tant que secrétaire général du ministère de la défense, j’ai été combattu par le général Amadou Fall, chef d’état-major général des armées’’.

Il poursuit dans un langage enveloppé qui laisse tout de même paraître une bizarrerie difficile à expliquer : ‘’de mon point de vue, le président Dia avait commis l’erreur d’avoir un directeur de cabinet pour la défense, ce qui fait que j’étais constamment court-circuité à la fois par le général Fall, qui allait directement à Arona Sy, alors directeur de cabinet du ministre de la défense, et par le général Potin, qui était le conseiller militaire’’. Choix tactique de casser l’ascension d’un potentiel dauphin ou simple erreur de positionnement administrative ? En tout cas, la conséquence de cette nomination de Diouf au secrétariat général a été de l’écarter. Et il le dit en ces termes : ‘’C’était d’autant plus facile que géographiquement, j’étais éloigné du président Dia, puisque mes bureaux, situés en dehors du building administratif, étaient dans l’immeuble qui allait, par la suite, abriter ceux d’Air Afrique’’.

Que dire alors de ce jour du début 1961 où Diouf, alors rapporteur de la commission des coûts et rendements des administrations devait rendre compte du travail de la commission au président Dia. En pleine présentation, Abdou Diouf s’est vu interrompre par le président du conseil en ces termes : ’’je crois qu’il y a maldonne, monsieur le rapporteur. Il n’appartient pas à la commission de me dire comment je dois former mon gouvernement’’. Diouf de lui rétorquer : ‘’Monsieur le président, nous ne vous faisons que des propositions sur les structures que nous croyons utile de mettre en place au sein de l’administration. (…). C’est à vous Monsieur le président de décider comment les agencer en ministères selon vos choix politiques’’.

Dia se détendit et lui dit : ‘’Merci, monsieur le rapporteur, c’est clair. Vous pouvez continuer’’. Les propositions de la commission furent approuvées et à l’issue de la séance, Kéba Mbaye dit à Diouf : ‘’Bravo, tu connaissais vraiment ton sujet’’. Toujours dans ce chapitre, l’ancien président rappelle dans ses mémoires le souhait émis par Senghor de le  prendre comme chargé de mission déjà à son retour de France. Mais Mamadou Dia s’y était opposé, soutenant qu’’’on avait besoin de Diouf au ministère du Plan’’.     

AMADOU NDIAYE

 

 

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