Publié le 19 Oct 2020 - 20:34
DESOBEISSANCE CIVILE

Les divergences ethniques s’invitent à la crise

 

Le boycott du processus électoral a abouti, ce weekend, à des affrontements interethniques. De lourds dégâts matériels ont été enregistrés. Un nouvel épisode qui n’augure rien de bon, pour un pays instable depuis plus de 20 ans.

 

L’horizon s’assombrit en Côte d’Ivoire. Depuis le virage opéré par l’opposition, jeudi, aux discours de haine, s’ajoutent des affrontements meurtriers. A Abidjan, c’est une fois de plus dans la commune de Yopougon (favorable à Laurent Gbagbo) que des heurts ont éclaté. Les villes de Bouaflé, Bonoua et Daoukro ont été le théâtre, ce weekend, de saccages de bureaux de vote et de destruction de cartes d’électeur. Les auteurs répondaient ainsi au mot d’ordre de désobéissance civile entrée dans sa phase active, jeudi dernier. Contrairement aux autres localités, la tension a été particulièrement vive dans la ville de Bongouanou, d’où est originaire Pascal Affi Nguessan.

Dans cette localité, les choses ont viré, 48 heures durant (vendredi et samedi) au conflit interethnique entre les Agnis (Sudistes autochtones) et les Dioulas (Nordistes allogènes). Tout a dégénéré après l’incendie de la résidence privée du leader du Front populaire ivoirien. ‘’Les jeunes de l’opposition ont voulu imposer la désobéissance civile jusque dans les établissements scolaires. Ils voulaient tout paralyser. Chose qui a exaspéré les partisans du RHDP (NDLR : Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix) qui se sont finalement introduits dans la résidence d’Affi. Ils y ont mis le feu et se sont enfuis. A la suite de cela, les Agnis ont appelé en renfort tous leurs frères des villages environnants, au point que même la gendarmerie a été débordée. Tout a été fait pour quadriller la ville, filtrer les entrées. Car les Agnis voulaient coûte que coûte cueillir les auteurs de l’incendie et en finir avec les Dioulas. C’est terrifiant ! Ce qui fait que certains parmi nous sont allés se réfugier en brousse’’, renseigne N. Félix, une de nos sources.

Des comités de défense, armés de gourdins, de pierres et de chaînes, ajoute-t-il, ont été mis sur pied par les autochtones, de même que différents barrages érigés. Plusieurs boutiques, magasins et restaurants sont partis en fumée, après avoir été pillés. Un bilan provisoire fat état de deux morts, (un dans chaque camp) et plusieurs blessés.

Les flammes de ces affrontements interethniques n’ont pas épargné l’Institut d’enseignement général et technique de Bongouanou. Hier dimanche, selon nos sources, l’atmosphère était plutôt calme, grâce aux interventions du directeur général de la police et du commandant de la gendarmerie. Si les habitants de la localité sont convaincus de la culpabilité des Malinkés (Dioulas), d’autres sources indexent un responsable du régime.

De grosses sommes déboursées pour…

Les signaux sont rouges et les Ivoiriens s’attendent presque tous au pire. Déçus du fait que la crise post-électorale de 2010-2011 n’ait pas servi de leçon à une classe politique qui se bat pour ses propres intérêts. L’incertitude autour de la tenue du scrutin est de plus en plus grandissante et la situation actuelle dessine déjà des lendemains troubles.

Cette semaine, la plateforme de l’opposition ivoirienne entend démontrer sa force de frappe, en organisant la paralysie de certains secteurs d’activité. Du côté du régime, à en croire des sources militaires, l’argent coule à flots. ‘’Actuellement, les membres du RHDP déboursent de grosses sommes pour faire faire à des jeunes des actions peu recommandables. J’ai moi-même reçu 300 000 F CFA pour faire un travail de quelques minutes que je préfère taire’’, confie l’une d’elles.

Samedi dernier, le Premier ministre Hamed Bakayoko a demandé à l’opposition de retirer son mot d’ordre de désobéissance civile, l’invitant par la même occasion au dialogue. Il a indiqué que le gouvernement sera ‘’implacable’’ contre les auteurs d’actes de violence. Toutefois, les poids lourds que sont le FPI (Front populaire ivoirien) et le PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) n’ont point daigné répondre présents à cette rencontre. Une nouvelle mission de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest est à Abidjan, depuis hier, en vue de trouver une issue heureuse à cette crise préélectorale. La délégation ministérielle devrait se prononcer aujourd’hui, après avoir rencontré tous les quatre candidats.

Réactions suite aux violences de Bongouanou

‘’Je reste plus que déterminé, face à la barbarie et à la violation de notre Constitution. Incendier ma résidence ne m’empêchera pas de continuer à dire non à la forfaiture et au troisième mandat illégal de Ouattara. La réconciliation, ce n’est pas construire des routes ou des maisons, mais des rapports entre les gens ainsi que la solidarité.’’ Pascal Affi Nguessan (porte-parole de la plateforme de l’opposition)

‘’Ce coup d’Etat civil qu’Alassane veut perpétrer sous les yeux complices de la nébuleuse occidentale, est pire qu’un coup d’Etat militaire. Plus de 30 morts, des affrontements interethniques. Pourquoi doit-on laisser Alassane Ouattara brûler totalement la Côte d’ivoire, avant de venir jouer les hypocrites sur les cendres incandescentes de la Côte d’Ivoire ? Pourquoi l’Union européenne, l’Union africaine donnent un blanc-seing à Alassane Ouattara pour incendier la Côte d’Ivoire ?‘’ Guillaume Soro (leader de Génération et peuples solidaires)

‘’J’attire l’attention des autorités ivoiriennes sur le risque qu’elles font courir à notre pays, en rejetant du revers de la main tous les appels au report de l’élection du 31 octobre prochain. Est-il besoin de rappeler qu’aucune ambition politique n’est au-dessus de la vie de tous les Ivoiriens ? Tous les signes avant-coureurs sont là, sous nos yeux et nous interpellent tous. C’est pourquoi j’appelle une fois encore le pouvoir, et particulièrement le chef de l’Etat, à convoquer un dialogue national, afin de créer les conditions d’élections apaisées. Une telle initiative aura l’avantage de préserver notre pays d’un autre traumatisme.’’ Charles Blé Goudé, (ancien Ministre de la Jeunesse)


ECHOS DE CAMPAGNE

ALASSANE OUATTARA

‘’Il n’y aura pas de report d’élection, il n’y aura pas de transition’’

Le président sortant s’est prononcé sur les derniers événements. Alassane Ouattara : ‘’Au lieu de dire qu’ils n’ont pas d’argent, ils parlent de boycott. Ce ne sont pas de grands partis comme le RHDP. S’ils ont besoin d’argent, je peux demander au ministère des Finances de leur en prêter.

Ces gens se disent patriotes, mais ils demandent à la CEDEAO de venir résoudre nos problèmes. Quand on est patriote, on défend la souveraineté des institutions de son pays. Je demande à tous nos compatriotes de ne pas céder à la provocation. Il n’y aura pas de report d’élection, il n’y aura pas de transition. L’élection présidentielle aura bel et bien lieu le 31 octobre.’’

Konan Kouakou Bertin (Candidat indépendant) : ‘’Je serai le président qui va œuvrer pour ramener la paix en Côte d’Ivoire. Je serai le président de la méritocratie ivoirienne, pour que la Côte d’Ivoire redresse la tête. Ensemble, le 31 octobre, par les urnes, nous allons tout changer.’’

EMMANUELLA MARAME FAYE (ENVOYEE SPECIALE A ABIDJAN)

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