Publié le 3 Jan 2020 - 22:19
DETENTION PREVENTIVE D’ACTIVISTES

Guy & Cie, patate toujours chaude

 

Le médiateur de la République entre dans la danse de la hausse des prix de l’électricité. Malgré sa volonté de concilier les positions, le dynamisme insufflé par Guy Marius Sagna à la contestation civile ne semble pas s’essouffler.

 

Ce 10 janvier, un rassemblement populaire contre la hausse du prix de l’électricité est prévu. Une énième contestation qui viendra allonger la liste des mouvements de protestations, autorisés ou pas, qui commencent à peser sur des lendemains de réélection peu enchanteurs. La bulle électorale ayant éclaté, la réalité des prix s’est imposée d’elle-même aux pouvoirs publics qui sont manifestement dans l’impossibilité de poursuivre leur politique de subventions et une population qui ne veut pas entendre parler de hausse. Une rencontre a eu lieu hier entre le médiateur de la République, Me Alioune Badara Cissé, et plusieurs associations de la société civile pour désamorcer les rapports de plus en plus radicaux entre pouvoir et contestataires.

 ‘‘Nous allons pouvoir, dans l’heure qui suit notre rencontre, en tenir le président de la République informé pour qu’il sache en dernier ressort quels sont les derniers développements qui ont été portés à notre connaissance. Et, ensemble que nous puissions voir, avec ‘‘Nio Lank’’, comment diffuser cette crise qui alourdit notre espace social et politique à la fois. Nous avons également échangé sur les énormes potentialités et richesses dont Dieu a doté le Sénégal et qui seront mises à exploitation sous peu. Pour qu’ensemble tous et chacun puissions contribuer à l’avènement de la réduction au strict minimum de ce coefficient politique, et que les capitaux directs étrangers, mais également, les jeunes à venir que nous puissions remettre le Sénégal dans un bien meilleur état que nous l’ayons reçu de nos prédécesseurs’’, a avancé Me Cissé après la rencontre.

Tempérance dictée par sa posture ? Le médiateur a en tout cas salué l’esprit de dépassement des activistes, malgré leurs revendications de plus en plus fréquentes qui montent en radicalité. ‘‘Cette imprégnation me semble extrêmement bien déroulée, a-t-il, d’emblée, salué. Parce que, nous avons eu à faire à des personnes très responsables, qui ont pris avec nous, le temps de la conversation extrêmement sérieuse, sur des questions qui touchent énormément de foyers, également la grande industrie, la Petite et moyenne entreprise (Pme) et le citoyen lambda. Il m’a semblé important que la Médiature ait été à leur écoute’’, poursuit Me ABC.

Deux jours avant, le Président Macky Sall a pourtant montré plus de fermeté quant à l’interdiction des mouvements de protestation dans le centre-ville qui avait mené à ‘‘l’invasion’’ du Palais en novembre 2019 par des activistes venus exprimer leur mécontentement à la hausse du prix de l’électricité.

Renouveau activisme social

Les scrupules des pouvoirs publics à ‘‘canarder’’ les manifestants devant les grilles du Palais, une enceinte militaire, ce vendredi 29 novembre 2019, contrairement à d’autres pays africains, montrent que l’Exécutif sénégalais s’est toujours accommodé de l’exigence citoyenne portée par les mouvements civiques. Même si par la suite une partie de l’Avenue Roume a été partiellement et rigoureusement transformée en zone d’exclusion piétonne rejoignant les mesures prescriptives de beaucoup de places fortes africaines dont le Sénégal tenait à se différencier.  ‘‘Ce sont les interdictions qui encouragent les défiances’’, avance le député Déthié Fall au passage du ministre de l’Intérieur à l’Hémicycle en plénière.

La libération du professeur Babacar Diop et de quatre détenus n’y change presque rien, puisque Ousmane Sarr, Fallou Gallas Seck et Guy Marius Sagna sont toujours en détention préventive. Ce dernier aura tenté une batterie d’actions dans la large panoplie contestataire : discours publics, lettres d’opposition ou de soutien, déclarations publiques signées, pétitions de groupe ou de masse, grève de faim (en détention), meetings de protestations..., avant d’opter pour la méthode plus extrême de l’occupation d’un lieu interdit. Se disant ‘‘d’un optimisme révolutionnaire’’, selon ses propres mots, Guy Marius était sous liberté provisoire, conséquence de l’affaire de la fausse alerte au terrorisme en juillet 2019, au moment de son action d’éclat au Palais qui lui vaut sa détention actuelle.

‘‘Déjà, mon arrestation illégale et ma détention arbitraire étaient une épée de Damoclès sur ma tête, mais également sur celle de tous les membres du Frapp et de tous les démocrates et résistants de ce pays. Cette Lp qui est une victoire formidable de la mobilisation des citoyens sénégalais et africains est bien sûr une épée de Damoclès pour tenter de me museler, de m’arrêter. Mais, de mon point de vue, cette tentative ne peut être que stérile et vaine’’, déclarait-il à EnQuête, après son élargissement en septembre dernier.

Une énième détention qui est en train de faire converger des forces soit disparates, soit en dormance de la société civile. C’est ‘‘une attaque scandaleuse contre les droits d'un être humain. Le droit de manifester pacifiquement et celui de s’exprimer librement, qui sont des droits fondamentaux et doivent être respectés’’, avance le citoyen Guillaye Guèye, président du Renouveau communal depuis Paris. Dix membres d’une autre plateforme, ‘‘Nittou Deug’’, qui réclament sa libération sont également aux arrêts, depuis ce 31 décembre.

La semaine dernière dans EnQuête, Mignane Diouf a étalé un plan de communication basé sur des campagnes de proximité en dehors des habituels rassemblements ; l’opposant Ousmane Sonko s’est emparé de l’affaire avec un message de Noel réconfortant envers Guy, alors que La Coalition sénégalaise des défenseurs des droits humains (Coseddh) et le Réseau ouest africain des défenseurs des droits humains (Roaddh) exigent ‘‘une libération sans conditions’’. Dans les réseaux sociaux, les internautes ont fini d’en faire leur homme de l’année.

L’électricité en ligne de mire

La Médiature pourrait être la voie de sortie pour l’Exécutif et les activistes dont l’entêtement et la détermination semblent être partagés. Le ci-devant coordonnateur du Mouvement Y’en A Marre, Fadel Barro, a ouvert la voie à une possible conciliation, hier, en rencontrant le médiateur. ‘‘Nous sommes venus ici, parce que la médiature de la République est aussi un réceptacle des récriminations et des aspirations des citoyens sénégalais’’, a expliqué l’activiste. Cependant, il n’a rien lâché de substantiel sur le fond d’une lutte qui mêle reddition de comptes, équilibre budgétaire, et transparence.

‘‘La décision de hausse du prix de l’électricité est injuste. Parce qu’elle découle d’une politique flagrante de faire porter aux citoyens sénégalais les difficultés de leur gestion. Avant de faire porter aux Sénégalais la hausse du coût de l’électricité, l’Etat a d’autres possibilités, comme réduire son train de vie, comme le président Zambien l’a fait en diminuant son salaire. Nous sommes des citoyens qui acceptons d’être solidaires avec tous les autres Sénégalais, mais elle doit démarrer au sommet et ça commence par la réduction du train de vie de l’Etat’’, explique M. Barro.  

OUSMANE LAYE DIOP

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